« Quand on a un nombre insuffisant de médecins, il ne faut pas s’étonner que les groupes financiers prennent l’initiative »

« Quand on a un nombre insuffisant de médecins, il ne faut pas s’étonner que les groupes financiers prennent l’initiative »
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Nicolas Da Silva est économiste et maître de conférences en économie à l’Université Sorbonne-Paris-Nord. Il appelle l’Etat à faire preuve d’imagination pour améliorer l’organisation de l’offre de soins sur l’ensemble du territoire.

L’offensive financière dans le secteur de la santé est-elle en partie le résultat de défaillances de l’État ?

La finance profite de l’absence de réponse publique organisée aux problèmes auxquels est confronté le secteur médical privé. Et elle propose de compenser ces échecs, de fait. Quand on a des besoins de santé non satisfaits, avec un nombre insuffisant de médecins, des déserts médicaux et des urgences saturées faute d’alternative, il ne faut pas s’étonner que les groupes financiers prennent l’initiative et trouvent leur place dans le parcours de soins, en réorganisant l’offre et en investissant. massivement. Et cela dans tous les domaines : biologie, radiologie, mais aussi soins primaires.

Sur le plan juridique, les pouvoirs publics ont même facilité les initiatives privées et l’entrée d’investisseurs au capital des structures médicales. D’ailleurs, on entend davantage ceux qui se plaignent, mais certains médecins sont là et ne se plaignent pas : quand un groupe privé s’occupe de toutes les tâches administratives et vous dit de vous concentrer sur votre cœur de métier, cela répond aussi à une attente formulée par les professionnels. qui n’est pas suffisamment entendu.

Vous alertez sur les dangers de cette tendance…

Les financiers cherchent à rémunérer leur capital et ils sont dans leur rôle. Mais les risques sont multiples. D’abord les risques d’inégalités, car ils n’investiront que là où c’est rentable, ce qui peut les conduire à abandonner des actions, des zones géographiques, des pathologies et des populations moins intéressantes d’un point de vue lucratif. . Dans le domaine de la santé, la rémunération des soins provient d’un financement public, qui n’est pas extensible, alors comment faire du profit sans que cela se fasse sur le dos des patients et des professionnels de santé ?

J’y ajoute le risque de déposséder ces mêmes professionnels de leurs outils de travail, dont les médecins prennent conscience. S’ils n’ont plus la maîtrise de leur outil, ils risquent de perdre leur liberté d’exercice, et la logique financière pourrait primer sur le choix médical et l’intérêt du patient.

Comment limiter ces risques ?

D’ores et déjà, il serait intéressant de chercher à quantifier et à qualifier la tendance observée depuis plusieurs années. Nous manquons de données, c’est une tâche gigantesque que de construire une carte des financiers et des financements. Ensuite, il faut encadrer les statuts juridiques des groupes constitués pour assurer une réelle indépendance des praticiens. Enfin, les pouvoirs publics doivent réagir et faire preuve d’un peu d’imagination pour mieux organiser l’offre sur le territoire : investir massivement dans certaines régions sous-financées, mieux rémunérer certaines démarches d’installation, penser une organisation pérenne qui ne peut être que libérale…

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