protecteur, polluant et gaz à effet de serre

Naturellement présent dans notre atmosphère, l’ozone a été identifié par le chimiste suisse-allemand CF Schönbein en 1840 lors d’expériences en laboratoire. La composition chimique de cette molécule composée de trois atomes d’oxygène (O3) n’a été découvert que quelques années plus tard, en 1865. Le mot ozone vient du latin « ozein » qui signifie « sentir » car ce gaz possède une odeur caractéristique qui permet de le détecter. C’est l’odeur que produit une imprimante, par exemple, lors d’un tirage, car la haute tension nécessaire à l’impression peut produire une décharge électrostatique suffisamment importante pour décomposer l’oxygène et générer cette odeur.

Selon que l’ozone se trouve dans la stratosphère (entre 15 et 35 kilomètres au-dessus de nous) ou dans la troposphère (à moins de 10 km d’altitude), il peut jouer un rôle radicalement différent pour la vie sur Terre. C’est peut-être là son plus grand paradoxe.

Dans la stratosphère, il conditionne la vie sur la planète. Après l’oxygène et l’azote, c’est le constituant réactif le plus abondant. C’est là que se trouve 90 % de l’ozone atmosphérique, qui fonctionne alors comme un bouclier protecteur en absorbant la majeure partie des rayons ultraviolets nocifs. L’ozone empêche ainsi ces rayons destructeurs d’ADN d’atteindre la surface terrestre.

Mais dans les années 1980, les scientifiques ont pris conscience d’une réalité inquiétante : les activités humaines avaient perturbé la couche d’ozone, au point qu’un trou s’y développait chaque printemps, menaçant directement la vie sur Terre. Cette situation inédite a alors généré une réaction sans précédent, conduisant à l’élaboration du premier protocole environnemental international : le protocole de Montréal en 1987. Cet accord, ratifié par 197 États, a en effet permis la réduction progressive des substances qui menacent la couche d’ozone, principalement les chlorofluorocarbures et les halons, utilisés notamment pour la réfrigération et la climatisation.

Les 10 % d’ozone restants se répartissent dans l’atmosphère plus près de la surface (entre 0 et environ 10 km) où se déroulent les activités humaines. Il s’agit de l’ozone troposphérique, qui à cette altitude devient un polluant atmosphérique aux effets néfastes sur la végétation et la santé humaine, alors que les 14 000 litres d’air par jour que nous respirons en moyenne sont particulièrement chargés en ozone. Cet ozone troposphérique est également un important gaz à effet de serre issu des activités humaines.

Selon sa position dans l’atmosphère, l’ozone peut être bon ou mauvais. AirParif


L’impact de l’ozone sur la santé et la végétation

Le mode de formation de l’ozone reste cependant difficile à comprendre car la chimie qui conduit à sa formation est complexe. Plusieurs centaines de réactions dans l’atmosphère peuvent en effet générer de l’ozone sous l’effet d’un ensoleillement important et de températures favorables. Cela tient au fait que les précurseurs de l’ozone, c’est-à-dire les composés qui peuvent, en réagissant entre eux, générer de l’ozone, sont très nombreux. On peut néanmoins en identifier quelques-uns parmi les principaux comme les oxydes d’azote (NOx) émis par le trafic automobile et les industries, ainsi que les composés organiques volatils (COV) générés par les activités humaines et émis par la végétation.

L’ozone troposphérique est donc un polluant dit secondaire car il n’est pas émis directement à la surface de la Terre. Les épisodes de pollution à l’ozone sont souvent enregistrés au printemps et en été, pour plusieurs raisons : l’ensoleillement y est plus intense et les jours plus longs, fournissant plus d’énergie aux réactions photochimiques nécessaires à la formation de l’ozone. Les températures élevées augmentent le taux d’émission des précurseurs (en particulier les COV) et en général, une température plus élevée augmente le taux de réaction des précurseurs de l’ozone, conduisant à une production d’ozone plus rapide et plus abondante.

Ce composé est nocif pour la santé humaine, il irrite les voies respiratoires supérieures et a également un effet phytotoxique, altérant les principaux processus physiologiques des plantes. En effet, de petites taches nécrotiques peuvent se former à la surface des feuilles, réduisant la photosynthèse et par conséquent, la productivité des cultures et les rendements agricoles. Les scientifiques estiment ainsi les pertes globales de rendement agricole les taux actuels sont d’environ 3 % pour le maïs et le riz et d’environ 7 % pour le soja et le blé.

Les plantes ont des pores microscopiques sur leurs feuilles, appelés stomates : les plantes les ouvrent et les ferment pour « respirer ». Ainsi, lorsqu’ils sont ouverts, les gaz de l’air, notamment l’ozone, peuvent pénétrer dans les feuilles par les stomates et endommager certaines parties des cellules des feuilles. Gerald Holmes, NASA North Carolina State University, CC BY

La complexité de la chimie de l’ozone ne s’arrête pas là : les NOx et les COV entrent en compétition pour former ou détruire l’ozone. Une mauvaise qualité de l’air avec une forte concentration en oxydes d’azote peut donc détruire l’ozone. C’est un constat que nous avons pu déduire dans nos travaux : les concentrations d’ozone sont généralement plus élevées à la campagne, à 50 ou 100 km des villes polluées. Là, l’ozone a le régime parfait pour se former : des concentrations d’oxydes d’azote et de COV qui ne sont ni trop élevées, ni trop faibles. Cette réalité est un autre paradoxe de l’ozone. Mais que faire pour mieux surveiller cette Source de pollution ?

Stratégies de surveillance et de réduction de l’ozone en Europe

Les concentrations d’ozone sont surveillées par près de 2 000 stations dans toute l’Europe dans le cadre de la directive sur la qualité de l’air ambiant de 2008. Les données satellitaires et les modèles de prévision, associés aux données in situ, nous permettent de cartographier et de prévoir l’ozone. Ces données sont fournies par le service de surveillance de l’atmosphère Copernicus (CAMS).


Cartographie d’une pollution à l’ozone très élevée lors d’une vague de chaleur le 19 juillet 2022 en Europe. Service de surveillance de l’atmosphère Copernicus

Evaluation de la qualité de l'air en Ile-de-France. Il n'existe pas de valeur limite réglementaire pour l'ozone. Tous les habitants de la région parisienne ont été exposés à des niveaux annuels moyens bien supérieurs aux recommandations de l'OMS. Air Parif, CC BY

Evaluation de la qualité de l’air en Ile-de-France. Il n’existe pas de valeur limite réglementaire pour l’ozone. Tous les habitants de la région parisienne ont été exposés à des niveaux annuels moyens bien supérieurs aux recommandations de l’OMS. Air Parif, CC BY


Pour réduire l’ozone dans la troposphère, la stratégie consiste à réduire les émissions de ses précurseurs. Aujourd’hui, on observe des tendances à la baisse pour différents polluants en France. Par exemple, les concentrations de particules fines et de NOx ont diminué en moyenne de 40 % entre 2013 et 2023 en Île-de-France.

En revanche, l’ozone est resté stable sur la même période. On parle alors de chimie hautement non linéaire. Si les réductions des précurseurs ne sont pas équilibrées, elles peuvent conduire à des résultats inattendus. Par exemple, réduire uniquement les oxydes d’azote ou uniquement les COV sans réduire l’autre précurseur peut modifier l’équilibre chimique de manière à maintenir, voire à augmenter, les niveaux d’ozone. Il est donc délicat de concevoir des stratégies : réduire uniformément les émissions de précurseurs n’entraîne pas systématiquement une réduction des niveaux d’ozone. Tous les habitants de la région parisienne sont donc exposés à des concentrations d’ozone supérieures aux seuils fixés par l’Organisation mondiale de la santé.

Les effets de l’ozone troposphérique, comme de tout autre polluant atmosphérique, ne sont toutefois pas uniquement un problème local. Les concentrations de polluants dépendent également du transport du polluant lui-même, ou de ses précurseurs, à partir de sources parfois situées à des centaines de kilomètres. Une étude de 2024 a montré que plus de 50 % des décès liés à l’ozone en Europe sont associés à l’ozone transporté depuis l’extérieur du continent.

Concentrations futures d’ozone

L’Agence européenne pour l’environnement relève dans son rapport sur la pollution de l’air en Europe que l’exposition à court terme à l’ozone troposphérique a provoqué 22 000 décès prématurés dans 41 pays européens en 2021, dont 2 370 en France. La hausse des températures va accélérer le processus chimique de formation de l’ozone troposphérique. Cela menace également la sécurité alimentaire actuelle et future.

Près de deux siècles après son identification, l’ozone reste une molécule à bien des égards mystérieuse.

La compréhension scientifique des cycles chimiques et du comportement physico-chimique des molécules clés de l’atmosphère, comme l’ozone, est donc essentielle pour établir des stratégies politiques et économiques coordonnées entre les pays afin de réduire les risques sanitaires et les impacts des activités humaines.

Sarah Safieddine, Chargée de recherche CNRS (LATMOS/IPSL), Université de la Sorbonne; Camille Viatte, Chargée de recherche au LATMOS/IPSL/CNRS/Sorbonne Université, Université de la Sorbonne et Cathy Clerbaux, directrice de recherche au CNRS (LATMOS/IPSL), professeure invitée à l’Université libre de Bruxelles, Université de la Sorbonne

Cet article est republié par The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

 
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