Le jour où la passion était plus forte que la politique

Aujourd’hui, et ce n’est pas une coutume, nous allons vous raconter un bref épisode de l’histoire des Grands Prix moto, mais ô combien important. La politique et le sport sont intrinsèquement liés, et les deux roues n’échappent pas à l’influence de l’une de ces entités sur l’autre. Rendez-vous en 1971.

Alors que nous célébrons la sortie de Cirque continental, l’année se passe bien. Avant la mi-saison, il n’y avait plus de suspense en 500cc comme en 350cc, où Agostini écrasait la concurrence sur sa MV Agusta. En 250cc, Phil Read, sur Yamaha, domine également de la tête et des épaules. Dès lors, le monde se rend au Sachsenring pour le Grand Prix d’Allemagne de l’Est. En effet, l’ancien pays organisait deux courses par an, de chaque côté du mur construit en 1961.

Dès les essais, le week-end a été plombé par une perte tragique. Günter Bartusch, sur MZ, est tué en 350cc. Les courses se maintiennent et Ángel Nieto réalise un doublé 50cc/125cc dont il a le secret. Vient ensuite la course des 250cc, qui reste un épisode à part. A vrai dire, les grands favoris sont toujours les mêmes ; savoir Lire et Rodney Gould. Mais un Allemand, Dieter Braun, champion du monde 125cc 1970, a une profonde envie de revanche. Toujours sur Yamaha, il se concentre désormais sur les quarts de litre après son titre, mais peine à rivaliser avec les deux Britanniques. En tant qu’étranger, il attend patiemment son heure. Le Bavarois est sous licence ouest-allemande, donc pas le bienvenu sur le Sachsenring.

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Tout était différent dans les années soixante-dix. Ici le roi Agostini à Assen en 1971. Photo : ANEFO

Il faut savoir que ce Grand Prix de RDA n’a pas vraiment aimé voir les pilotes de l’autre côté du rideau de fer gagner. De plus, les side-cars n’y étaient pas acceptés en raison de la domination outrancière des Allemands de la RFA. Mais Dieter s’en fiche. Même s’il n’a pas gagné une seule course cette saison, il est sur le même rythme que Gould et Read. Parti de plus loin, il approche à grands pas… sous les encouragements du public ! Les fans scandent son nom et les organisateurs fulminent. En tout cas, le Deutschlandlied, l’hymne allemand, est interdit à l’est du mur. Pour des raisons évidentes, nous ne pouvons pas laisser Dieter gagner.

Les directeurs du circuit exigent un drapeau noir injustifié contre Braun, qui prend une option sur la victoire. Mais le héros de cette journée n’est pas sur la piste. Hans Zacharias, directeur de course, refuse d’éliminer Dieter de la compétition face à l’enthousiasme du public. Et bien sûr, il finit par gagner. Qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce qu’on joue l’hymne du « peuple d’en face », qui est en réalité… le même ? On attend, on piétine et finalement, on joue une version orchestrale avec les enceintes débranchées. Les décisions politiques symboliques inutiles ne valent pas plus que 150 000 Allemands, tous légitimes. Les spectateurs se mettent à chanter » L’Allemagne dans tous les domaines » au cœur pour Dieter. Un instant suspendu dans le temps.

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Le héros du jour, Dieter Braun, à gauche. Photo : ANEFO

Les conséquences de cette performance héroïque de Braun, dans son pays, sont immenses. Nous n’avons plus jamais revu l’oublié Hans Zacharias aux commandes d’une course. Pire, les concurrents du Grand Prix d’Allemagne de l’Est de 1972 furent invités afin d’éviter tout désordre similaire. ; à quoi ça sert de continuer comme ça ? En conséquence, l’épreuve est retirée du calendrier l’année suivante et il faudra attendre 1998 pour que le Sachsenring soit réinscrit au programme.
Connaissiez-vous cette histoire insolite ? Dites le nous dans les commentaires!

Photo de couverture : Braun et ses amis à Assen en 1969.

 
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