En , une voiture électrique « pollue » moins qu’une voiture thermique après 10 000 km, et ce n’est qu’un début

Voitures électriques de 2024

A l’heure où j’écris ces lignes en 2024, il est dépassé de considérer que la production de voitures électriques est 100 % locale. En effet, malgré la croissance annoncée des gigafactories en Europe, l’essentiel de la production de batteries reste en Chine. Par ailleurs, certaines marques implantées en Europe pour produire localement – ​​comme Tesla – continuent d’importer certains modèles de Chine, où sont produits les batteries et le véhicule.

Dans ce cas de figure, retrouver une voiture électrique 100 % française en haut du tableau des ventes est désormais assez rare, et la est loin de faire exception. En 2023, la voiture la plus vendue au monde était majoritairement chinoise : la Tesla Model Y (plus de la moitié de la production provient de la Gigafactory de Shanghai).

Source : Tesla

En termes d’impact écologique, avoir une voiture électrique produite partiellement ou entièrement en Chine, c’est prendre un mauvais départ en termes de dette carbone, comme nous le verrons plus loin. Pour rappel, la dette carbone d’une voiture électrique fait généralement référence à la différence d’émissions de CO2 laissées en usine entre une voiture thermique et une voiture électrique. La production de batteries est la principale responsable de cette dette carbone, puisque le reste du véhicule n’est que légèrement différent.

Cependant, la dette carbone d’une voiture électrique se compense facilement grâce à son utilisation. Et le nombre de kilomètres nécessaires pour atteindre l’équilibre avec une voiture thermique est de plus en plus réduit selon que l’électricité utilisée pour la recharge est ou non décarbonée.

Pays Distance Durée
Etats-Unis 41 000 km 2,2 ans
Royaume- 48 000 km 4 années
Allemagne 58 000 km 5,1 ans
Chine 118 000 km 9,6 ans
Japon 57 000 km 5,6 ans

La récente étude de Bloomberg estime qu’en 2023, il faudra 41 000 kilomètres aux Etats-Unis pour qu’une voiture électrique rattrape sa dette carbone, ce qui correspond à un peu plus de 2 ans pour un Américain moyen. Sachant que l’électricité américaine est très carbonée (402 gCO2/kWh en 2023), les marges de progrès sont nombreuses pour réduire ces chiffres.

L’étude porte sur cinq pays : le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Japon, la Chine et les États-Unis. Dans le pire des cas, il faut 118 000 kilomètres pour atteindre la parité avec une voiture thermique, et ça, c’est en Chine. Voyons ce qui rend ce pays spécial et comment la situation évoluera d’ici la fin de la décennie.

Le cas particulier de la Chine

La Chine de 2024 est un pays où la production d’électricité a une empreinte carbone assez faible, et cela se reflète dans l’utilisation d’une voiture électrique. En effet, pas moins de 121 gCO2 émis par kilomètre parcouru sont estimés lors de la conduite d’une voiture électrique. À titre de comparaison, c’est plus que les émissions estimées d’une voiture à moteur à combustion au Royaume-Uni.

Les autorités européennes ne s’y trompent pas, notamment avec la récente saga du bonus écologique en France, qui prend désormais en compte le score environnemental des véhicules pour être éligible. En pratique, les voitures en provenance de Chine comme la Tesla Model Y, la MG4 ou la Dacia Spring sont exclues du système.

Pourtant, l’Empire du Milieu entend développer son réseau, en travaillant dur pour décarboner son électricité. Dans les 15 prochaines années, l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique du pays devrait permettre de diviser par 5 ou 6 la quantité de CO2 par km parcouru dans une voiture électrique rechargée en Chine.

Part de chaque Source d’énergie dans la production d’électricité en Chine // Source : BloombergNEF

Comme le montre le graphique ci-dessus, nous sommes actuellement au pic de l’électricité sale en Chine. En effet, la part de l’éolien et du solaire dans le mix énergétique chinois va exploser dans les 15 prochaines années, permettant notamment de passer à 83% d’électricité 0 carbone en 2040. Dans le même temps, la part de l’électricité issue du charbon La part des centrales électriques alimentées au charbon passera de 58 % à 17 %, signalant le début de la fin de l’électricité chinoise à base de carbone.

Les mini véhicules électriques à la rescousse ?

Si l’on compare les mêmes voitures électriques en Europe ou aux USA et en Chine, les résultats sont en effet bien pires en 2024 pour les véhicules rechargés en Chine. Il existe pourtant en Chine tout un segment de véhicules électriques qui permet de minimiser l’impact écologique, et donc de réduire la dette carbone : les mini véhicules électriques.

Ce sont des voitures qui sont loin d’être anodines en termes de ventes, puisqu’en 2023 elles représentaient plus de 10 % des ventes de voitures électriques du pays. Pour avoir une empreinte carbone moindre, il n’y a pas de secret : il faut une batterie plus petite. En moyenne, le pack batterie de ces mini voitures est de 17 kWh, ce qui équivaut à moins de 30 % d’un pack d’une Tesla Model 3 RWD de 60 kWh par exemple.

Ces véhicules sont donc légers et consomment très peu (moins de 12 kWh/100 km en conditions réelles). Tout cela permet de réduire de 79 % les émissions liées à la fabrication du pack batterie et celles liées à l’utilisation de 32 % par rapport à une voiture électrique de taille moyenne. Sur l’ensemble du cycle de vie (250 000 kilomètres) et incluant la fabrication du châssis, les émissions totales sont estimées à 16 tonnes de CO2, contre 29 tonnes pour la moyenne des voitures électriques en Chine.

Et la France ?

Dans l’étude publiée par Bloomberg, la France n’apparaît pas, mais il nous importe d’en parler pour savoir où l’on se situe par rapport aux autres pays considérés. Selon les derniers chiffres publiés par EDF, la fourniture d’un kWh d’électricité par EDF a induit l’émission de 114,25 grammes de CO2. Le pays le plus performant dans l’étude Bloomberg est le Royaume-Uni avec 138 gCO2/kWh. Cela place donc la France en tête du classement, en tant que fournisseur d’électricité bas carbone.

Il est important de garder à l’esprit que ce chiffre est bien celui relatif à la fourniture d’un kilowattheure, mais pas à la production, qui peut être plus ou moins décarbonée selon les importations ou les exportations d’électricité du pays. RTE vous permet d’aller un peu plus loin dans l’analyse si cela vous intéresse.

Source : EDF

Avec le chiffre de 114 gCO2/kWh pour la France, il faudrait probablement moins de 40 000 kilomètres pour atteindre l’équilibre avec une voiture thermique, soit moins de 4 ans d’utilisation selon les chiffres de l’INSEE. Si l’on prend en revanche les chiffres de la production électrique d’EDF, le constat est clair : 96 % de l’électricité produite en France est décarbonée, ce qui permet d’afficher un bilan de 20 gCO2/kWh. En consommant uniquement cette électricité, l’équilibre avec une voiture thermique serait atteint en moins de 10 000 kilomètres.

Cette étude se concentre cependant sur les émissions de CO2 de l’électricité, et pas seulement sur l’électricité issue des énergies renouvelables. Par exemple, en Chine, la part du nucléaire est faible, mais celle du solaire et de l’éolien devrait exploser d’ici 2050, permettant de réduire l’intensité carbone de l’électricité. De notre côté, en France, la part du nucléaire atteint près de 70 % de la production totale d’énergie électrique, alors que nous sommes à moins de 14 % issues des énergies renouvelables, selon EDF. Les constats pourraient donc être différents si l’on se concentrait uniquement sur les énergies renouvelables.

Un avenir décarboné qui enterrera les véhicules thermiques

Outre l’évolution du mix énergétique décarboné, on assistera également à l’avènement du V2G, du V2H ou du V2L, qui soulageront les réseaux électriques pour répondre à la demande croissante d’électricité. Les particuliers qui s’équipent de panneaux solaires et privilégient l’autoconsommation deviendront aussi progressivement des consommateurs d’électricité 100 % zéro carbone, et s’ils rechargent leur voiture électrique avec cette énergie, ils rouleront véritablement sans émettre de CO2.

Le défi actuel, qui peut parfois rendre l’électricité moins propre, se situe aux heures de pointe de consommation, lorsque les centrales électriques polluantes doivent être redémarrées pour répondre aux besoins. Mais à l’avenir, nous devrions pouvoir nous en passer en partie grâce aux voitures électriques et à leur interconnexion avec le réseau.

Concept Nissan Re-Leaf
Concept Nissan Re-Leaf

Au final, non seulement les voitures électriques sont moins polluantes que les voitures thermiques en usage, mais elles font surtout partie intégrante de la solution pour assurer un avenir sans carbone. Les technologies de pointe qui commencent tout juste à arriver sur certaines voitures électriques vont permettre de soulager le réseau, et parfois le portefeuille.

En revanche, les voitures thermiques ne sont pas encore mortes, et elles continuent bien sûr d’évoluer, mais dans une moindre mesure. Sur de nombreux marchés, la fin des ventes de véhicules thermiques a été enregistrée, et elle est pour bientôt. Enfin, dans toute l’étude Bloomberg, la part de pollution induite par la production d’essence n’est pas prise en compte : nul doute que si tel était le cas, l’écart entre électrique et thermique serait encore plus grand.

 
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