RAPPORTS. « Qui achètera de telles maisons ? » Le dilemme immobilier des victimes des inondations

RAPPORTS. « Qui achètera de telles maisons ? » Le dilemme immobilier des victimes des inondations
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C’est décidé. Après les inondations de novembre et janvier, Vincent Maquignon souhaite déménager. Pour ce faire, il s’est adressé au Fonds Barnier, un dispositif étatique visant à racheter les maisons les plus endommagées. Mais quiconque possède une maison de 110 mètres carrés rue Salengro à Blendecques (Pas-de-Calais) ne se fait pas d’illusions : il n’y sera pas tout à fait heureux. « La valorisation de ma maison sans tenir compte des inondations est de 256 000 €. Je viens de regarder quelques agences immobilières. Pour un bien équivalent dans une zone sans risque d’inondation, il me faudrait débourser au minimum 300 000 €. Ou que je m’égare dans les villages de l’Audomarois ».

6 500 foyers ont été touchés en novembre et 2 800 en janvier. Les murs sèchent à peine, les travaux sont loin d’avoir commencé dans tous les intérieurs, tandis qu’une partie des sinistrés vivent encore dans des logements provisoires. Les Nordistes n’en ont donc pas fini avec les conséquences des inondations dans le Pas-de-Calais. La question immobilière est centrale. Devons-nous partir ou rester ? « Dans notre secteur, la majorité des victimes veulent rester, » avance Yovan Tricot, cheville ouvrière du Collectif du haut estuaire de la Canche et de ses affluents (CHECA), qui regroupe les sinistrés du Montreuillois. Une maison, ce n’est pas que financier, il y a de l’émotion, on y est attaché. Mais ils veulent des travaux de sécurité pour protéger la zone, afin de ne pas revivre un automne-hiver dramatique.»

Pas si facile de partir

Si certaines victimes envisagent de rester, c’est aussi faute d’alternative. D’abord parce que les maisons touchées par l’eau sont désormais invendables. « C’est compliqué d’estimer un prix après une catastropheconfie Antoine Lallau, chez Stéphane Plaza Immobilier à Saint-Omer. Et au-delà de la définition d’un prix, qui achètera de telles maisons ? » Selon les professionnels de l’immobilier contactés, il faudra plusieurs années sans inondations et sans gros travaux de sécurisation pour que les biens retrouvent une valeur en adéquation avec le marché régional.

Lire aussi : “On regarde l’eau arriver” : les inondés du Pas-de-Calais entre dégoût et résignation

Faire appel au Fonds Barnier, ce système de rachat de logements endommagés par les inondations géré par l’État, est donc une solution tentante. “D’autant que le train ne passera certainement pas deux fois”, estime Vincent Maquignon. Mais pour en profiter, « le bien doit avoir été endommagé à hauteur de plus de la moitié de sa valeur […] sans tenir compte du caractère inondable de la propriété.

Concrètement, le propriétaire d’un logement estimé à 400 000 € avant inondation, qui bénéficie d’une indemnisation d’assurance pour dommages matériels de 220 000 €, peut réclamer 180 000 € supplémentaires au Fonds Barnier (le plafond est de 240 000 €). De quoi lui permettre de racheter un bien d’une valeur de 400 000 €.

Sauf que ce pourcentage de perte à moitié valeur exclut un certain nombre de logements, déplorent les victimes. A ce jour, seules cinq demandes de rachat ont été déposées, confirme la préfecture du Pas-de-Calais. A Blendecques, 800 maisons touchées par les eaux, une quarantaine de demandes de dossiers ont été enregistrées à la mairie, précise néanmoins Vincent Maquignon, également adjoint au maire.

Moins de maisons où déménager

Pour ceux qui réussissent à vendre, il faudra aussi trouver un bien… dans des secteurs où il en manque mécaniquement. « 30 % de ma zone de prospection était sous l’eau, indique Julien Villalon de Stop Immo à Montreuil-sur-Mer. Il y a évidemment moins de propriétés dans les zones non inondables. Pour son collègue de Saint-Omer, Antoine Lallau, « Des villes sont complètement sorties des critères de recherche, comme Blendecques et Arques, même si tous les secteurs n’ont pas été inondés. Du coup, cela évoque d’autres villes, mais comme il y avait déjà assez peu de biens à vendre, c’est encore plus tendu. Les prix n’ont pas encore augmenté, mais ils devraient venir… »

Ainsi, dans le Pas-de-Calais, chacun essaie de trouver une solution à sa situation forcément particulière. Comme ce quinquagénaire Audomarois qui, s’installant dans une autre commune, a mis sa maison en vente juste avant les inondations… Finalement, il la louera une fois les travaux de réfection terminés. En attendant que sa propriété, jamais inondée avant ces derniers mois, retrouve une valeur acceptable pour éventuellement la vendre.

Pour d’autres, un nouvel aspect immobilier, plus urgent, se profile, rappelle Yovan Tricot. A Montreuillois, tout proche du littoral, les sinistrés ayant pris des locations temporaires vont être confrontés au début de la saison touristique. « Les propriétaires vont recommencer à louer à la semaine, on comprend les enjeux de chacun… » Et les locations non touristiques ne sont pas légion. Il quittera son logement provisoire avec ses enfants à la mi-mai, même si à ce jour les travaux de son logement de La Caloterie n’ont pas encore commencé. « J’espère juste que la maison sera squattable. Dommage s’il n’y a ni peinture ni cuisine.

 
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