Avec Trump ou Harris, les cleantech européennes menacées

Avec Trump ou Harris, les cleantech européennes menacées
Avec Trump ou Harris, les cleantech européennes menacées

Le premier a été illustré dans créant une unité dédiée à la justice environnementale en 2005, puis comme procureur de Californie poursuivant plusieurs majors pétrolières. LLe second, il a annoncé en 2017 la sortie des États-Unis de l’accord de Paris adopté deux ans plus tôt par la communauté internationale. Difficile de se trouver plus éloigné que les deux candidats sur le sujet du climat. Cependant, le sujet controversé était largement absent de la campagne. Et les positions de Trump et Harris se sont progressivement rapprochées sur l’IRA (Inflation Reduction Act).

Si cette politique volontariste d’investissement vise avant tout à dynamiser, grâce à des subventions et des crédits d’impôts, les technologies vertes détestées par le candidat républicain, grand partisan du « Big Oil », celui-ci n’annonce pas de retour sur une stratégie déjà couronnée par 336 milliards de dollars d’investissements.

De son côté, Kamala Harris emboîte le pas à Biden, qui n’a pas inversé la politique protectionniste instaurée par Donald Trump avec des droits de douane destinés à interdire l’entrée des produits chinois sur le territoire américain. Au printemps dernier, le président a approuvé une taxe de 100 % sur les véhicules électriques à compter du 1er janvier 2025.

Risque de concurrence chinoise

Vu d’Europe, l’IRA revient à « tout sauf la Chine ». Mais sur le fond, ce système ne profite pas à l’Europe, bien au contraire. Dans un effet domino que Neil Makaroff, directeur de Perspectives stratégiques et expert à la Fondation Jean Jaurès, « Si les champions chinois des technologies propres sont exclus du marché américain, ils inonderont le marché européen avec encore plus d’agressivité commerciale. ». « Surtoutsouligne cette fois Célia Agostini, directrice des Cleantech pour la , que la Chine pratique de toute façon une politique de surcapacité et de prix bas destinée à inonder les marchés étrangers. »

LES 27, dont l’économie est très ouverte et pour certains États membres (notamment l’Allemagne) très dépendants de leurs exportations vers le marché chinois, ne parviennent pas à s’entendre sur une politique protectionniste. Toutefois, les industries de technologies propres, telles que les panneaux solaires et les voitures électriques, sont au premier plan des importations chinoises.

La concurrence chinoise exacerbée par les tarifs douaniers américains n’est pas la seule menace qui pèse sur les technologies vertes européennes. Depuis deux ans, des conditions de financement de l’innovation bien plus favorables qu’en Europe attirent de nombreuses start-up cleantech aux États-Unis. ” Si cette situation persiste, ce sera donc aux Etats-Unis que les prochaines générations de panneaux solaires ou de batteries électriques verront le jour. », s’alarme Neil Makaroff. « On a même vu des projets d’usines de batteries quitter l’Europe pour les Etats-Unis » déplore Célia Agostini. Pourtant, ces projets industriels représentent les emplois de demain.

Le prix de l’énergie

Kamala Harris devrait poursuivre cette politique, mais dans le cadre du jeu international et du multilatéralisme. « Elle pourrait être plus ouverte à l’établissement de normes communes des deux côtés de l’Atlantique » », veut croire Neil Makaroff. Trump, de son côté, pourrait revenir sur certaines normes (comme les plafonds d’émissions pour les automobiles ou les sites industriels) et réorienter une partie des fonds que l’IRA consacre aux technologies vertes vers les énergies fossiles ou les industries polluantes.

Mais, loin de profiter aux cleantech européennes, ces mesures contribueraient à faire baisser encore le prix de l’énergie aux États-Unis. À la clé : un différentiel accru avec les prix européens, qui pénalisent déjà les industriels du Vieux Continent, y compris ceux des cleantech. Pire, le républicain pourrait aller jusqu’à fermer le robinet des exportations américaines de GNL et provoquer une crise énergétique aussi grave que celle créée par la guerre en Ukraine, » ce qui plongerait l’Europe dans une situation catastrophique », reconnaît Jules Nyssen, président de l’Union des énergies renouvelables. ” Mais si l’Europe respecte ses objectifs de décarbonation, elle pourra à terme se passer à la fois du gaz russe et du GNL américain. », se souvient-il. Mais pas avant plusieurs années.

Cette concurrence américaine exacerbée, qui pourrait alimenter la concurrence chinoise, risque aussi de nuire à l’acceptabilité de la transition écologique. ” Les Européens, qui pour certains se sentent comme les perdants de la mondialisation, ne devraient pas être aussi les perdants d’une transition qui se ferait avec des équipements étrangers, notamment chinois. », prévient Célia Agostini.

L’Europe en quête de protectionnisme

Trump ou Harris, les faiblesses des cleantech européennes sont en réalité structurelles et nécessitent une réaction. ” Pour la première fois dans l’histoire, la nécessaire transition énergétique n’est pas motivée par un gain de compétitivité », observe Jules Nyssen. Au contraire, cela nécessite des renoncements et, à court terme, augmente le prix de l’énergie. Cela ne sert donc à rien d’investir selon les seules lois du marché, ce qui rend d’autant plus nécessaires les contraintes ou normes établies par les États. Comme les dispositifs français MaPrimRenov ou le Fonds Chaleur, dont les récentes coupes dans le budget 2025 sont regrettées par le président du SER.

« L’Europe devra réagir », confirme Neil Makaroff, qui déplore de son côté une baisse des investissements nationaux, précisément dans les industries les plus nécessaires à la transition écologique, alors que la fin du dispositif temporaire du plan de relance se profile à l’horizon 2026. » C’est à l’Europe de faire ce qu’elle doit faire, surtout dans ce contexte incertain. », conclut Célia Agostini, qui observe qu’en Europe il y a « un défi de mobilisation de l’argent privé, qui est abondant mais qui ne finance pas aujourd’hui ce qu’il devrait ».

Politique industrielle

« Les mesures aux frontières ne suffiraient pas sans une véritable politique industrielle », insiste Neil Makaroff. ” Au-delà de politiques et de choix sectoriels clairs, l’Europe doit soutenir l’émergence de secteurs industriels par le biais de marchés publics et de garanties publiques telles que celles mises en place par le Canada.précise le directeur des Cleantech pour la France. L’ordre privé a aussi un rôle à jouerajoute-t-elle. Nous devons amener les grandes entreprises à travailler avec ces nouvelles technologies, comme le fait Renault avec le fabricant français de batteries Verkor ».

« Avec Kamala Harris, qui respectera mieux le jeu international, le pire serait évitéestime Jules Nyssen. Mais l’Europe n’échappera pas à une réflexion sur elle-même, sur le rôle qu’elle entend jouer dans une économie mondiale qui n’a plus rien de libéral, mais qui est marquée par le retour des États-nations.. »

 
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