Cabarets parisiens, les secrets d’un succès durable

Ce sont lieux uniquesdes enchanteurs, qui parviennent à partir une marque indélébile dans l’esprit de ceux qui y vont. Le monde réel à part d’où velours rouge côtoie des lustres étincelants, où le prestige se confond avec l’intimité, et où l’on vient applaudir une multitude d’arts joués dans des décors somptueux, les cabarets fascinent autant qu’ils intriguent. ” J’aime penser qu’ils sont semblables à un écrin où vous placez vos bijoux le plus précieux », confie Kathleen Tamisier, sociologue, auteure et ancienne Crazy Girl(1). Le Moulin Rouge, le Paradis Latin, le Crazy Horse, mais aussi la Nouvelle Eve ou le César Palace… Les noms des plus grands Cabarets parisiens sont connus de tous et trouvent un écho international comme les hauts lieux de la fête, vie nocturne et l’élégance à la française.


©Sandie Bertrand/Moulin Rouge

Chaque année, les cabarets français attirent plus de 2,6 millions(2) de spectateurs. Mais derrière cet éclat se cache une réalité plus complexe. En 2022, le groupe Accor prononce notamment la fermeture de l’emblématique Piscine. En juin 2024, le cabaret Chez Michou(3) qui rythmait les nuits de Pigalle depuis 1956, fut contraint de fermer ses portes. Pourtant, l’intérêt pour le monde du music-hall semble plus fort que jamais dans la capitale. Pour continuer à lever le rideau tous les soirs et parviennent à perpétuer leur image prestigieuse, les cabarets mettent de nombreux moyens en place et travaillent au quotidien pour réinventer leur spectacle et leur offre.


Le cabaret, un univers aux mille et une vies

Si l’imaginaire commun projette le cabaret comme un lieu de spectacle où se succèdent peintures artistiquesil n’en a pas toujours été ainsi. Le sens de terme « cabaret » a beaucoup évolué au fil des années, et au Moyen Âge, cette dernière désignait un débit de boissonsdéjà avec cette fonction sociale et cette ambiance conviviale. Ce n’est qu’à partir des XVIe et XVIIIe siècles que le monde de la boisson rencontre celui de la représentation, donnant ainsi naissance à des lieux où artistes, écrivains et intellectuels rub shoulders. Establishments such as Procope, Café de la Régence, or even the Cabaret on rue des Fossés précèdent alors les cabarets parisiens incontournables comme le Paradis Latin créé en 1803 — le plus ancien cabaret parisien encore en activité — puis reconstruit par Gustave Eiffel en 1889 après un incendie, le Chat Noir en 1881, le Moulin Rouge en 1889 et plus tard, le Cheval fou conduit par Alain Bernardin sur l’avenue George V, en 1951.


©Sandie Bertrand/Moulin Rouge

Même si Paris est régulièrement citée comme l’épicentre du monde du divertissement en , c’est effectivement tout le pays qui est touché. À l’échelle nationale, il y a environ 260 cabaretsdont seulement une trentaine dans la capitale. Près de Bordeaux, l’Ange Bleu est par exemple le plus grand cabaret français avec 1 200 places. A Kirrwiller, en Alsace, le Palais Royal peut accueillir jusqu’à 1000 personnes. ” Dans la région, les cabarets sont parfois les seules salles de spectacle et il y a une vraie création artistique », appuie Jean-Victor Clerico, directeur général du Moulin rouge qui vient de fêter ses 135 ans.


L’authenticité au service de la modernité

Créer, réinventez-vousse renouveler… Pour se pérenniser et continuer à séduire le public, les trois grands cabarets parisiens sont clairs : il faut rester fidèle à ses origines en apportant une pointe d’innovation. ” Il faut garder ce que les gens veulent voir au Moulin Rouge, notamment le French Cancan. La modernité est au service de l’authenticité », explique Jean-Victor Clerico. ” Nous comptons sur les fondements et l’originalité du lieu créé par Bernardin, tout en modernisant les chiffres en intégrant, par exemple, les nouvelles technologies », ajoute Kathleen Tamisier. Dans le même esprit, en 2019 Le Paradis latin a fait appel au chorégraphe et metteur en scène Kamel Ouali créer L’oiseau du paradisune revue qui réinterprète l’esprit du cabaret de manière moderne : « Je me suis inspiré de l’histoire du lieu en évoquant Napoléon et Gustave Eiffelil explique. Ensuite, j’ai voulu m’aider codes du cabaret de les transposer à l’énergie d’aujourd’hui, à mon univers, et à tout ce que l’actualité me donne envie d’exploiter, comme écologie discuté dans l’un des tableaux ».


©Lucie Guerra/Le Bonbon

Sans être en concurrence, les trois établissements proposent différents spectaclescomplémentaires et en constante évolution, répondant également aux exigences d’une clientèle Ile-de-France et international. « On peut aller voir plusieurs cabarets dans la semaine, ils seront expériences totalement différent à chaque fois », affirme Jean-Victor Clerico. Plus classique, la revue Fée joué au Moulin Rouge depuis 2000, s’impose comme la quintessence de cabaret traditionnelbien qu’il ait subi de nombreux changements en 24 ans. Sur scène, une soixantaine des danseursdécors imposants et costumes de plumes importants composent les quatre scènes de ce spectacle incontournable.

Plus petit et plus intime, le Crazy Horse propose une performance exclusivement féminine dont la signature est « jecorps nu qui bougesensualité sans la moindre vulgarité », souligne Kathleen Tamisier. Résolument modernele spectacle utilise de nombreux effets de lumière pour offrir un « très élégant et ultra contemporain« . Au Paradis latin, nouvelles technologies ont aussi une place de choix. Des investissements importants ont été réalisés dans son et lumière pour permettre cela » expérience ultime pour le spectateur », tant souhaité par Walter Butler, propriétaire des lieux. Dans un éclectisme sans précédent mêlant classique et modernité, L’oiseau du paradis réinvente notamment les décors traditionnels grâce à l’utilisation de la technologie virtuelle sur écrans LED, tout en restant consacré aux usages du cabaret : « je voulais préserver la tradition du music-hall avec un French Cancan et un final en grand blanc, typique du Paradis Latin », explains Kamel Ouali.


Walter Butler et Camel Ouali, Paradis Latin ©Alix Malka


Un univers en constant renouvellement

Malgrédéfis financiers et artistiques auquel il doit faire face, le monde du cabaret est en plein essor. ” Dans cette société plutôt standardisée, nous avons besoin de glamourquitter la maison. Le cabaret est une parenthèse enchantée, joyeuse, festive voire espiègle », confie Kathleen Tamisier. Toujours garder une partie de leur mystèrele Moulin Rouge, le Paradis Latin et le Crazy Horse continuent de afficher complet. ” Le cabaret est aujourd’hui à la mode parce qu’il est incroyablement moderne », déclare Walter Butler.

Parallèlement, la capitale voit quotidiennement émerger nouveaux cabaretsdes spectacles et des troupes apportant de la fraîcheur à cette discipline unique. ” Il y a un nouvel intérêt parce que C’est un domaine illimité.. On peut faire ce qu’on veut, de l’humour, du cirque, c’est un art très vaste », explique Jean-Victor Clerico.


L’Oiseau du Paradis ©Le Paradis Latin

Le rendre durable dans le temps, c’est aussi initier les nouvelles générations. Depuis 2022, Paradis Latin propose un deuxième spectacle, Mon premier cabaretdestiné au jeune public. ” Les cabarets pour enfants n’existaient nulle part. C’est une émission familiale où les parents ne s’ennuient pas et les enfants s’amusent », explique Kamel Ouali. Capables d’innover sans cesse, les cabarets parisiens réussissent continuellement surprendre et émouvoir. « C’est un exercice extrêmement difficile car il faut qu’il tienne sans être fourre-tout, sinon la magie n’opérera pas. », ajoute-t-il. Heureusement, cet univers unique n’est pas près de tirer sa révérence selon le réalisateur : « L’endroit où nous nous sentons le plus librec’est sans doute dans un cabaret ».

(1) Nom donné aux danseurs du Crazy Horse
(2) Données du ministère de la Culture
(3) Le Lido est transformé en salle de spectacle et Gad Elmaleh rachète Chez Michou en octobre 2024

Pour aller plus loin :

  • Le Crazy Horse, dans l’intimité d’un cabaret mythiquede Kathleen Tamisier aux éditions L’Aube
  • Nous irons tous au paradisde Walter Butler, aux éditions Paradis Latin
  • Cabaret, cabaretsde Lionel Richard, aux éditions L’Harmattan
 
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