Géoingénierie | Assistants du climat

Alors que le réchauffement climatique s’accélère, l’idée de manipuler le climat de notre planète apparaît de plus en plus séduisante pour certains experts. Un débat qui divise cependant la communauté scientifique quant aux possibles avancées de la géo-ingénierie. Faut-il tout miser sur la technologie pour compenser notre échec collectif à réduire nos émissions de gaz à effet de serre ?


Publié à 1h17

Mis à jour à 5h00

L’idée en elle-même n’est pas nouvelle. La nature elle-même offre des exemples de géo-ingénierie qui peuvent être très efficaces pour ralentir la hausse des températures sur Terre. C’est notamment le cas des volcans : lors d’une éruption, le panache de cendres peut contribuer à refroidir l’atmosphère en bloquant les rayons du Soleil.

L’éruption du Pinatubo, aux Philippines, en 1991, a entraîné une baisse de la température mondiale de 0,5°C en 1992. Mais elle a aussi tué des centaines de personnes, déplacé des milliers d’autres tout en frappant durement l’économie du pays, il faut le souligner.

Dans une série d’articles publiés sur le thème « Acheter du temps », le journaliste Christopher Flavelle, de New York Times, s’est récemment intéressé aux nouvelles avancées en matière de géo-ingénierie. L’idée avancée par certains scientifiques est qu’il faut se donner plus de temps pour réduire nos émissions polluantes alors qu’il est presque certain qu’il sera impossible de limiter le réchauffement à 1,5°C, voire 2°C au-dessus du niveau enregistré au début de l’ère préindustrielle.

Dans cette optique, le recours à la géo-ingénierie serait temporaire, juste le temps d’apporter les changements nécessaires dans nos sociétés pour atteindre la neutralité carbone. Un exemple serait de libérer des aérosols dans l’atmosphère pour bloquer les rayons du soleil. Une stratégie, comme d’autres, qui est cependant loin de faire l’unanimité.

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PHOTO DAVID GRAY, ARCHIVES REUTERS

Centrale électrique au charbon à Pékin

Deux camps s’opposent

En janvier 2022, une soixantaine de chercheurs ont publié un projet d’accord pour ne pas recourir à la géo-ingénierie solaire, qui a depuis recueilli le soutien de plus de 500 scientifiques à travers le monde, dont le climatologue Michael Mann.

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PHOTO PETE MAROVICH, ARCHIVES DU NEW YORK TIMES

Climatologue Michael Mann

Leur principal argument est que « le déploiement de la géo-ingénierie solaire ne peut pas être équitablement gouverné à l’échelle mondiale et présente un risque inacceptable s’il est mis en œuvre comme une future option de politique climatique ».

Un an plus tard, en février 2023, une centaine de scientifiques, dont le climatologue américain James Hansen, publiaient une lettre ouverte appelant plutôt à davantage de recherches sur la géo-ingénierie. « Le niveau actuel de connaissances sur les interventions MRS [modification du rayonnement solaire] ne suffit pas pour détecter, attribuer ou prédire leurs conséquences sur les risques climatiques. […] Si nous soutenons pleinement la recherche sur les approches MRS, cela ne signifie pas que nous soutenons l’utilisation du MRS », précisent-ils néanmoins dans leur missive.

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PHOTO MICHAEL NAGLE, ARCHIVES DU NEW YORK TIMES

Climatologue James Hansen

On pourrait avoir l’impression que la communauté scientifique est divisée sur cette question, mais ce n’est pas vraiment le cas, estime Alejandro Di Luca, professeur au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’UQAM.

Il n’est pas vraiment divisé en deux camps égaux. La majorité des scientifiques sont dans le camp du non.

Alejandro Di Luca, professeur au Département des sciences de la terre et de l’atmosphère de l’UQAM

“En raison de la complexité du système climatique, c’est le principal argument pour lequel beaucoup d’entre nous sont très mal à l’aise avec le recours à la géo-ingénierie”, ajoute-t-il. Une problématique qui lui fait aussi penser au film Déni cosmique (Ne cherchez pas) où les autorités décident d’utiliser la technologie pour récupérer les métaux précieux présents sur une comète qui va détruire la Terre. Une stratégie qui mène aussi à la destruction de notre planète dans cette fiction du cinéaste Adam McKay.

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PHOTO LUISA GONZALEZ, ARCHIVES REUTERS

Le réservoir du lac San Rafael, en Colombie, s’assèche début avril

Une solution qui n’est pas une panacée

Alain Létourneau, professeur de philosophie à l’Université de Sherbrooke, rappelle que la géo-ingénierie ne permet pas de s’attaquer au problème, mais plutôt de contrôler les symptômes des changements climatiques. « Tout le monde s’accorde sur le fait que nous devons réduire nos émissions. C’est la principale chose à faire. Mais force est de constater que nous continuons, année après année, à augmenter la production de gaz à effet de serre », souligne-t-il.

C’est également dans ce contexte qu’il envisage la possibilité de recourir à la géo-ingénierie. « Si à un moment donné, nous disposions d’outils technologiques qui nous permettent de nous donner quelques années de marge de manœuvre supplémentaire pour réaliser une véritable transition, je pense que ce n’est pas non plus une possibilité qu’il faut rejeter. de la main. »

Le revers de la médaille, estime-t-il, est de faire croire que la technologie nous empêcherait de modifier nos comportements pour atteindre la neutralité carbone. A ce sujet, la communauté scientifique semble unanime : la géo-ingénierie ne constituerait qu’un outil supplémentaire dans la lutte contre le changement climatique.

Outre les enjeux technologiques, une autre question demeure si nous avions réellement la possibilité de manipuler le climat : qui décide quoi, où et quand utiliser la géo-ingénierie ? Le problème, selon Alain Létourneau, est que nous ne disposons pas actuellement d’un cadre de gouvernance efficace pour gérer les enjeux à l’échelle mondiale.

Si nous ne sommes même pas capables de gérer la réduction des gaz à effet de serre, et si nous ne sommes pas capables de gérer l’adaptation au changement climatique, alors comment pouvons-nous commencer à gérer adéquatement le changement climatique ? la question du génie climatique ?

Alain Létourneau, professeur de philosophie à l’Université de Sherbrooke

Malgré tout, Alejandro Di Luca et Alain Létourneau reconnaissent qu’il ne faut pas se priver de faire des recherches sur les différentes techniques de géo-ingénierie pour mieux en mesurer les tenants et les aboutissants.

“Il y a aussi des dangers à ne pas faire de recherche, donc je suis un peu déchiré par tout cela”, avoue Alejandro Di Luca. Certaines technologies pourraient être utiles à petite échelle, dit-il, mais le diable se cache dans les détails, dit-il.

« On voit bien qu’il y a bel et bien une transition énergétique en marche. Nous sommes en train de faire des choses, souligne Alain Létourneau. Nous pourrions penser que nous pourrions y arriver [réduire nos GES] dans un délai raisonnable, de l’ordre de 20 ans. Mais actuellement, on nous dit que nous avons 10 ans pour le faire. Si nous avions les moyens de nous accorder quelques années de plus… »

« Je ne dis pas que nous allons faire de la géo-ingénierie. Ce que je dis, c’est que cela va nous coûter plus cher si nous ne faisons pas de recherche adéquate pour bien évaluer les différentes technologies. Je pense que nous n’avons pas le choix, mais nous devons le faire dans la communauté scientifique, la communauté démocratique », ajoute M. Létourneau.

Quelques techniques envisagées

Imitez les volcans

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PHOTO HENDRA AMBALAO, PRESSE ASSOCIÉE

Un panache de fumée s’élève du volcan Ruang, en Indonésie, le 18 avril.

Une technique de géo-ingénierie consiste à imiter les volcans, qui dispersent un panache de cendres lors d’une éruption. En 2022, l’homme d’affaires américain Luke Iseman, fondateur de la société Make Sunsets, a lâché deux ballons dans le ciel de la péninsule de Basse-Californie, au Mexique. Les ballons contenaient du dioxyde de soufre, une substance également libérée par un volcan en éruption. Son expérience a suscité un tollé au sein de la communauté scientifique.

Fais briller les nuages

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PHOTO IAN C. BATES, ARCHIVES DU NEW YORK TIMES

Une expérience a été menée début avril en Californie lorsque des aérosols ont été rejetés par l’eau de mer.

Une expérience a été menée début avril en Californie lors du rejet de particules atmosphériques naturelles (bioaérosols et embruns marins). L’objectif du projet mené par des chercheurs de l’Université de Washington était de rendre les nuages ​​plus brillants afin qu’ils reflètent les rayons du Soleil.

Du fer dans les océans

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PHOTO TANVEER BADAL, ARCHIVES DU NEW YORK TIMES

Injecter du fer dans les océans pourrait avoir des conséquences très graves sur les écosystèmes marins.

En injectant du fer dans les océans, on stimulerait la production de phytoplancton, ce qui augmenterait la capacité des océans à absorber le CO2. Une idée qui semble simple à première vue, mais dont les conséquences pourraient être très graves pour les écosystèmes marins.

Un parasol pour la Terre






Une autre solution imaginée par les astronomes et les physiciens serait de déployer un parasol géant dans l’espace, qui bloquerait ainsi une partie des rayons du Soleil qui réchauffent notre planète.

La danse de la pluie

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PHOTO CHRISTOPHER PIKE, PRESSE ASSOCIÉE

Inondations à Dubaï en raison de fortes pluies le 18 avril

L’injection d’iodure d’argent dans les nuages ​​pour provoquer de la pluie est une autre variante de la géo-ingénierie, qui pourrait être utilisée en cas de grave sécheresse, par exemple. Une technique controversée, que les scientifiques qualifient même parfois de fraude. Après les pluies torrentielles de la semaine dernière aux Émirats arabes unis, des rumeurs ont circulé selon lesquelles le programme d’ensemencement des nuages ​​de l’État arabe était responsable de la catastrophe. “Il n’existe aucune technologie capable de créer ou même de modifier sérieusement ce type de précipitations”, a déclaré le professeur Maarten Ambaum, de l’Université de Reading, au Royaume-Uni, aux médias spécialisés. Nouveau scientifique.

 
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