P.Heureusement, lorsqu’elle s’installe à Saintes dans la maison de l’architecte Victor Fontorbe (1815-1875), Marie-Hélène Perfect n’a pas jeté les plans qu’elle a trouvés dans les combles. Mieux encore, elle les a sortis des cartons et s’est passionnée pour les comprendre. Outre les documents signés par celui qui fut architecte de la ville et du district de Saintes de 1842 à 1875 (1), elle découvre des plans et des croquis du père de ce dernier, Jean-Bertrand Fontorbe. Et parce qu’il s’agissait de Rochefort où travaillait l’homme et où était né le fils, cette dame a eu la bonne idée d’envoyer les ballots à la Ville. Il y a six ans, le guide conférencier Frédéric Chasseboeuf étudiait de près toutes ces plaques architecturales qui permettent une autre lecture de Rochefort. Ce que personne ne savait jusque-là.
Ici, plusieurs bâtiments ont été attribués à Brossard, Lavoine ou Quentin, mais à Jean-Bertrand Fontorbe, bien plus. C’est alors qu’arrive la veuve de l’arrière-petit-fils de Victor Fontorbe, Marie-Hélène Perfect ! Elle fait savoir que si Victor Fontorbe, le fils, avait pesé à Saintes, Jean-Bertrand, le père (seconde moitié du XIXèmee siècle-1836), était un architecte installé dans la ville et ayant travaillé à Rochefort.
Formé sur le tas
Après avoir été arpète pour son père, Victor travaille pour Jean Burguet, architecte de l’hôpital Saint-André de Bordeaux ; puis à l’atelier Leclère à Paris ; avant d’entrer aux Beaux-Arts. A l’inverse, le Père Jean-Bertrand s’est formé sur le tas. Au départ, il a travaillé dans le génie maritime et a davantage joué un rôle dans la construction. Il fut l’entrepreneur général des travaux maritimes du port et reçut même la décoration de la Lys en 1816. Mais il savait parfaitement dessiner, il apprit l’aquarelle et il utilisait le dessin au trait.
Il travaille pour la Marine qui ne choisit pas n’importe qui. Fontorbe ne peut donc pas être un simple constructeur
C’est sans doute ses deux casquettes, manuelle et artistique, qui lui permettront de gravir les échelons pour devenir un architecte respecté. « Il travaille pour la Marine, qui ne choisit pas n’importe qui. Il préside la commission des travaux et réside à Rochefort avec Félix Garde (1779-1853), architecte de ville reconnu qui disposait d’un réseau jusqu’à Paris. Fontorbe ne peut donc pas être un simple bâtisseur », explique Frédéric Chasseboeuf, levant le voile sur le mystère Fontorbe.
En 1816, Jean-Bertrand achète sa maison au 90, rue Saint-Pierre (actuelle rue Pierre-Loti). Est-ce à cause d’un revers de fortune entre 1820 et 1822 que le constructeur commence à dessiner des plans ? En tout cas, dans son quartier, il a commencé à transformer les maisons de ses voisins.
Un style néoclassique
Donc aux 84 et 86 rue Saint-Pierre, mais aussi aux 101, 94, 98, 110, 117. Ou encore rue de la République aux 48, 50, 63, 88 entre autres. Il reconstruit en partie des bâtiments qui combinent habitations et entrepôts, souvent pour de riches commerçants. Surtout, il refait la façade dans un style néoclassique avec des bossages, des pilastres, des frontons, des balcons et des garde-corps géométriques, des demi-oculi, des lauriers et des cercles sculptés dans la pierre. Cela ajoute un étage. Il redistribue l’intérieur.
« La collaboration avec Marie-Hélène Perfect a été précieuse car les architectes privés ne transmettent généralement pas leurs archives. Désormais, nous savons quels bâtiments correspondent aux plans qu’elle nous a envoyés. Et ces documents permettent très certainement d’attribuer à Fontorbe d’autres maisons dont on ne savait rien jusqu’alors, à tel point qu’elles reprennent ses éléments de composition », se réjouit Frédéric Chasseboeuf.
Malgré une courte carrière, Jean-Bertrand Fontorbe, architecte de second ordre et certainement provincial, a joué un rôle essentiel dans l’architecture de Rochefort au XIXe siècle.e siècle. Il était temps que cela se sache.
Merci à Frédéric Chasseboeuf, guide conférencier du service du patrimoine de la Ville.
(1) Par ailleurs, en 1844, il est également nommé architecte des quartiers de Rochefort, Marennes, Saint-Jean-d’Angély et Jonzac.
Bio express
1785 : Naissance à Orléans.
1810 : Arrive à Rochefort où, comme auparavant aux Sables-d’Olonne, il travaille dans le génie maritime. Employé du port, il s’occupe des commandes de sable et de pierre.
1815 : Mariage avec la fille d’un pharmacien de Marine, qui lui donnera deux fils, dont Victor qui sera architecte de la Ville de Saintes.
1823 : Décès de sa femme.
1827 : Tout en étant entrepreneur pour la Marine, il devient constructeur et architecte dans le secteur civil. On retrouve ses premiers plans.
1830 : Il devient conseiller municipal de Rochefort.
1836 : Décès.