« Et puis, pour gagner, Michel Platini nous dit… », raconte Alain Giresse, vainqueur du Championnat d’Europe avec la France il y a quarante ans

« Et puis, pour gagner, Michel Platini nous dit… », raconte Alain Giresse, vainqueur du Championnat d’Europe avec la France il y a quarante ans
« Et puis, pour gagner, Michel Platini nous dit… », raconte Alain Giresse, vainqueur du Championnat d’Europe avec la France il y a quarante ans

l’essentiel
Alors que les Bleus débuteront le tournoi dans quinze jours exactement, lundi 17 juin contre l’Autriche, le « Toulousain » Alain Giresse, milieu de terrain vainqueur de l’édition en 1984, se souvient et se projette – plaçant l’équipe de France parmi les grands favoris du tournoi 2024. en Allemagne (14 juin – 14 juillet). Pour La dépêche, Gigi (71 ans ; 47 apparitions, 6 buts) se mouille. Des propos de celui qui fut également entraîneur du TFC entre 1995 et 1998 puis en 1999-2000.

Il n’a jamais joué à Toulouse mais a entraîné les Violets ; lui qui a joué sur les bancs de 9 clubs ou sélections. Sa dernière expérience l’a conduit au Kosovo jusqu’en juin dernier et, non satisfait, Alain Giresse se dit prêt à relever un nouveau défi. En attendant, « Gigi » nous a donné rendez-vous au club de Balma, une commune du nord-est de Toulouse où il vit depuis longtemps. Rasé de près, maillot d’époque sur le dos, l’échange avec… des couilles cassées durera une heure. Passionnant, passionné, passionné.

Alain, si on vous raconte le 27 juin 1984…
Clair, net et précis. Il y a des dates comme ça qu’on n’oublie pas, comme le 8 juillet 1982 (France-RFA à Séville). Nous n’avons pas besoin de les entourer. C’était un mercredi. La journée des enfants. A l’époque, on jouait souvent des matchs internationaux en semaine. Et pas le week-end.

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Quel souvenir vous vient en premier ?
Le trophée. Lorsque vous monterez à la tribune, vous recevrez la coupe. Ça y est, c’est du concret. Réel. Vous avez gagné, vous êtes champion ! Avec tout ce que cela peut représenter. Car, à ce moment-là, on ne parle pas du premier titre d’une équipe de football, mais plutôt du premier sacre dans le sport collectif français. Il n’y avait pas encore de handballeurs ni de volleyeurs. Ou des basketteurs. C’est une concrétisation, oui c’est le terme.

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1984-2024, on fête ses 40 ans : jusqu’ici, si proche en somme, non ?
Pour ceux qui ont été observateurs, et nous qui en sommes les acteurs, nous y sommes encore en quelque sorte. On a l’impression que, tout au long de ces années, l’histoire ne s’est pas arrêtée. Cette consécration est encore présente dans les mémoires de chacun.

Ou l’histoire du plafond de verre qui se brise…
Je fais souvent référence à 1982 qui est un formidable piédestal. Tout d’un coup, nous réalisons que nous avons la possibilité de concourir à un niveau élevé ; postulez donc pour la victoire finale. Ce concours nous a été très utile.

Le succès de 84 s’est donc bâti sur les cendres de 82.
Bien sûr. Nous ne nous attendions pas à être demi-finalistes en Espagne. Il faut faire en sorte qu’une telle chose porte ses fruits. Et c’est ce que nous avons réalisé pour l’euro : avec certitude, confiance et, évidemment, ambition.

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De même, s’il n’y en avait pas eu 84, y aurait-il eu 1998 et 2000 derrière ?
Disons que cela se serait produit plus tard, différemment. Lorsqu’il y a un échec, on repart pratiquement de zéro. Il faut relancer la mécanique. D’un autre côté, le danger rôde même lorsque tout fonctionne bien. En 1986, vous avez terminé 3e de la Coupe du monde. On se vante que la relève est assurée. Résultat ? Vous n’êtes pas à la Coupe du monde 90, ni à la Coupe du monde 94. Et vous participez à la prochaine Coupe du Monde car vous êtes automatiquement qualifié comme pays organisateur. Savoir faire le point sur ce qui se passe pour survivre n’est jamais facile. Après 1982, nous avons appris nos leçons en vue de préparer 1984.

Et devenir une grande nation du football.
Absolument. Vous nommez l’Argentine, le Brésil, l’Allemagne, l’Italie et, au milieu, la France. Angleterre? Une Coupe du monde. En 1966. À la maison. Barre de points. Nous exigeons autre chose. Nous sommes légitimes, n’est-ce pas !

A cet Euro-84, c’est un parcours de rêve !
Déjà, quand on compte, on arrive à 14 buts. En termes d’attaque, nous étions largement devant tout le monde. Puis, sans trahir le vestiaire, on s’est dit : “Il y a 5 matchs, il faut gagner 5 matchs.”

Tigana, notre N’Golo Kanté de l’époque

Le match d’ouverture n’a-t-il pas été facile ?
Un bon Danemark avec des joueurs partout dans les grands clubs. Il fallait aller le chercher, ce 1-0. La Belgique est magique. La Yougoslavie ? On ne démarre pas bien mais Platini inscrit un triplé (3-2). La mi-temps contre le Portugal arrive (3-2 a.p.) : forcément, les fantômes de 1982 et les penaltys refont surface dans la nuit andalouse. Nous nous sommes retrouvés dans quelque chose que nous avions déjà vécu. Donc, on avait la force mentale d’être toujours là, de redémarrer sans cesse. Jusqu’à la fin. Quelle ruée de la part de Tigana, notre N’Golo Kanté ! Il se tire comme un forcené et a la lucidité de se centrer au second plan. Platini, pareil, le met en l’air, mais il ne faut pas trop le soulever non plus…

Le final ?
Elle n’est pas très jolie, c’est vrai. Mais nous le gagnons. A part ça, l’attente semblait plutôt interminable. Une longue, très longue journée.

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Comment ça ?
Nous étions déjà dans notre monastère de Saint-Lambert-des-Bois (Yvelines), là-bas, au milieu de la forêt autour de Paris, loin de tout. Un vrai feu vert, seuls au monde dans notre bulle et, je vous jure, c’était horrible d’attendre le match. La matinée et les discussions continuent ; mais l’après-midi, mon dieu… je tournais en rond ; Je me suis couché, je me suis relevé; Il y en avait qui jouaient aux cartes, je les ai observés un moment puis je me suis recouché. Je regardais juste ma montre. Franchement, je n’avais jamais vécu ce match et la tension qui l’entourait. Vous avez les nerfs à rude épreuve. Puis ça finit par arriver : goûter, départ pour le Parc. On entendait les mouches voler dans le bus… Puis…

Oui…
Nous entrons dans le stade. Il faut y aller, il ne faut pas trembler. Et juste avant d’entrer sur la pelouse, Michel souhaite nous dire un dernier mot. « Les gars, pendant les hymnes, je veux que tout le monde ait les yeux fixés sur la coupe, les yeux sur la coupe. Nous ne nous détournons pas du but ; nous l’avons déjà attrapé, le trophée. Et en effet, nous avons tous regardé. Et nous avons gagné. Maintenant, on ne va pas dire ça… mais bon, ça a marché. Je conseille à tous ceux qui jouent une finale de coupe de se regarder dans les yeux (Il rigole).

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Sur le terrain, encore une fois, ce n’était pas évident !
Ce n’était pas le football espagnol raffiné que nous connaissons aujourd’hui. C’était accro, c’était commis ; en plus ils avaient ciblé Luis « le traître », il avait droit à un traitement de faveur. Mais on ouvre le score (1-0, 57e).

La célèbre Arconada – du nom du gardien espagnol coupable – est entrée dans la légende…
Tiens, à ce sujet, je viens de lire dans un numéro spécial de L’équipe que Luis Arconada a affirmé que ce n’était pas lui qui avait commis l’erreur : « Le coup franc de Platini est exécuté avec une telle vrille qu’il m’échappe plus que c’est moi qui fais une erreur de main… » D’ailleurs, je préfère aller dans sa direction. Je connaissais le personnage qu’avec les Girondins je devais rencontrer fréquemment avec son club de la Real Sociedad. Un grand joueur.

C’était “Il était une fois dans l’Ouest”

Lequel décline en toute fin de match alors que Leroux était expulsé sur un plongeon, définitivement, de Bellone (2-0, 90e).
Dans un face-à-face, c’est un peu comme celui qui tire en premier et, selon la situation, on prend une option. C’est Il était une fois dans l’Ouesten vérité.

Fernandez, Tigana, Giresse, Platini : le carré magique, nous voilà !
Oui, c’est littéralement une figure géométrique : vous avez associé Tigana à Fernandez, le plus défensif à la base, et, plus haut, au duo Giresse-Platini. Quatre côtés, on atterrit sur nos pieds. Nous jouons en 4-4-2. Après, il y a toute une animation avec les mouvements de chacun et les compensations qu’il doit y avoir. Précision, on oublie souvent que le premier carré est avec Genghini au Mundial-82. En fait, nous sommes comme les Mousquetaires : nous parlons toujours des trois alors qu’il y en avait quatre. Eh bien, nous étions cinq avec Fernandez à participer à l’Euro. Luis est toujours taquiné : “Vous n’êtes pas à l’origine de la vraie place.” Vous le connaissez, il gémit…

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Evidemment, ce Championnat d’Europe en 1984 constitue l’apogée de votre carrière ?
Un titre comme celui-là efface tout. C’est ce qui reste. On peut parler de ceci, de cela ; OK d’accord. Là, nous sommes champions. J’ai eu des matchs avec une intensité émotionnelle évidemment, qui ont une grande dimension. Mais cela règle tout. Ensuite le niveau de jeu… A travers le carré magique, quels en étaient les principes ? Michel Hidalgo voulait des joueurs capables de réfléchir et d’analyser. Donc techniquement équipé pour apporter les solutions nécessaires. Le coach demandait toujours de passer par le milieu, on ne mettait pas de longs ballons devant. C’était facile, j’ose dire, et vraiment agréable, car la complémentarité se réalise aussi, avant tout, à travers les liens que nous avions les uns avec les autres. Le sens du jeu. Tout simplement. Instinct.

Il a d’abord marqué ses objectifs avec ses yeux

Une-deux avec Tigana et petit plongeon sur le gardien. Lors du deuxième match, match référence 5-0 contre la Belgique, Giresse a signé la deuxième très belle réalisation. « Oui, sourit-il, j’en ai marqué quelques-uns comme ça… Un but de Gigi, bien sûr. Attendez que le gardien se jette un peu. Quand on voit qu’il est au sol, il faut se mettre au-dessus. Ce que je dis, c’est que des buts comme celui-là se marquent, entre guillemets, avec les yeux. Parce qu’il faut analyser l’ensemble de l’action et faire le bon choix, optez pour le geste technique adapté. ce n’est pas être la tête sur le ballon, dans le guidon, ne rien voir et frapper comme une mule ! En plus, devant, ce n’est pas n’importe quel but : Jean-Marie Pfaff Un garçon charmant qui. participera à mon jubilé. On en a reparlé : « Jean-Marie, il fallait que tu restes debout. Eh bien, si tu étais resté debout, je t’aurais jeté à terre ! Bref, c’est comme ça qu’on l’appelle. intelligence situationnelle. Anticiper grâce à la vision périphérique On peut le dire, ce fut un match sublime où toutes les planètes sont alignées. Ou deux fois avec le France-Brésil de 1986. On ne fait pas match nul… »

 
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