« Les grandes nations du risquent de disparaître »

« Les grandes nations du risquent de disparaître »
« Les grandes nations du rugby risquent de disparaître »

Dans onze jours, World , l’instance mondiale qui régit le ballon ovale, aura un nouveau président. A 72 ans, Bill Beaumont ne peut pas se représenter, le nombre de mandats étant limité à deux. Alors, qui pour succéder à l’Anglais ? Trois candidats seront opposés, tous anciens internationaux. L’Italien Andrea Rinaldo, l’Australien Brett Robinson et le Français Abdelatif Benazzi, certainement le plus connu du trio.

Sans le favori, l’Écossais John Jeffrey, forfait pour la course en septembre en raison de différends avec sa propre fédération, l’ancien troisième ligne des Bleus (1990-2001), âgé de 56 ans, a de réelles chances de s’imposer. Il dénonce le modèle actuel de gouvernance de World Rugby, s’oppose au projet de carton rouge de vingt minutes et observe avec bonheur le retour d’Antoine Dupont sous le maillot du XV national.

Le JDD. Que dénoncez-vous dans la gouvernance actuelle de World Rugby ?

Abdelatif Benazzi. Il y a du conservatisme. Les onze grandes nations du rugby détiennent 75 % des voix. Tout est lié et cela peut nuire au développement mondial. Les pays émergents comme l’Espagne, la Géorgie, la Roumanie, l’Uruguay, le Canada et les États-Unis ont été laissés de côté. Inconsciemment, les grandes nations craignaient sans doute de perdre leur pouvoir. Alors qu’aujourd’hui, ils ont des difficultés financières ! La plupart de ces pays ont un déficit de fonctionnement d’environ dix millions d’euros. Il faut revoir ce modèle, s’ouvrir davantage et investir dans de nouveaux territoires pour que le rugby devienne mondial. Nous en récolterons ensuite les fruits. Mais il faut prendre ce risque. Car en restant ainsi, de grandes nations risquent de disparaître.

Alors c’est pour ça que vous vous êtes déclaré candidat à la fin de l’été ?

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Il était urgent que je prenne le taureau par les cornes, avec l’aide de ma fédération. Mes supporters croient au modèle français, à notre potentiel économique et à ce que nous pouvons apporter au rugby.

Comment comptez-vous faire la différence par rapport aux deux autres candidats ?

Je respecte les valeurs et l’héritage de World Rugby mais, encore une fois, nous devons absolument nous ouvrir démocratiquement et donner la parole aux autres nations pour qu’elles puissent peser sur les décisions. Ce sont toujours les mêmes pays qui participent à la Coupe du . Je ne veux plus que ce soient toujours les mêmes nations qui donnent 100 points à certaines équipes. Je veux une vraie compétitivité. Mes adversaires sont dans la continuité car ils font partie du comité exécutif de World Rugby depuis huit ans. Avec eux, ce type de conservatisme perdurera. Je suis pour l’évolution, et certaines grandes nations anglo-saxonnes sont d’accord parce qu’elles sont conscientes de l’urgence.

Votre double culture franco-marocaine est-elle un atout dans la mesure où elle vous permet de dire : «J’ai une vision plus globale» ?

Si ça peut aider, tant mieux. Je viens d’un pays qui n’a pas de tradition de rugby et j’ai été poussé vers le haut niveau. La m’a ouvert la porte. [Né à Oujda, Abdelatif Benazzi a fait ses premières armes sur sa terre natale avant d’exploser dans le championnat de France à Agen, NDLR.] J’ai ensuite joué en Angleterre [aux Saracens]. Comprendre différentes cultures est très important. Il faut proposer un rugby adapté à chaque région. On peut par exemple développer le rugby à sept en Asie et en Afrique. Si on ne construit pas une vraie stratégie en misant sur le succès des JO, c’est qu’on n’y comprend rien ! Chaque pays est affilié à un comité olympique. Chaque jeune veut représenter son pays. Le rugby à sept peut apporter cette réponse. Parler à chaque fédération avec sa propre culture est essentiel. Je serai le président de toutes les régions et de toutes les fédérations.

Une nouvelle règle est défendue par l’équipe sortante de World Rugby : le carton rouge des 20 minutes. C’est-à-dire qu’au bout de vingt minutes, le joueur expulsé serait remplacé par un coéquipier. Pourquoi y êtes-vous opposé ?

Si je suis élu président, ce genre de décisions ne seront plus prises par quelques pays historiquement influents comme la Nouvelle-Zélande. Ce carton rouge de 20 minutes a été offert après la finale de la dernière Coupe du monde contre l’Afrique du Sud. Les Néo-Zélandais l’ont perdu à quatorze [Sam Cane, le capitaine des All Blacks, avait été expulsé en première mi-temps]. Mais tout changement de règle doit d’abord être discuté par de nombreuses commissions et partagé par de nombreuses nations. La fédération française, la Ligue nationale de rugby, a présenté des statistiques sur quatre années. Il s’avère que jouer à quatorze joueurs ne signifie pas une défaite systématique. 40% des matchs numériquement inférieurs sont même gagnés ! Le carton rouge doit être définitif. Dans le cas contraire, dévaloriser le carton rouge peut conduire à un rugby plus violent. Cela doit absolument être interdit. Si la décision est adoptée, nous devrons tirer la leçon.

La tournée d’automne débutera par la France qui accueillera le Japon samedi prochain. Antoine Dupont, de retour en XV après sa parenthèse olympique dorée avec le numéro 7, pourra-t-il disputer tous les matches ?

Je ne suis pas entraîneur, mais je pense qu’il a complètement compris dans sa tête qu’il devait revenir. Cela fait plus d’un an qu’il est en équipe de France, et vous avez vu son retour fulgurant avec Toulouse : ses performances parlent pour lui. Je pense qu’il a hâte de reprendre son leadership du XV de France et de réussir ce défi de remporter cette série de trois matches à Paris.

« Dévaloriser le carton rouge entraînera un jeu plus violent »

Comment jugez-vous cette équipe de France ?

Après la Coupe du Monde de l’année dernière, un nouveau cycle a commencé. La fédération a conclu un nouvel accord avec la Ligue lui permettant de disposer de nombreux joueurs pour préparer les matches internationaux. Je crois que Fabien [Galthié, le sélectionneur] et son équipe sont complètement investis. On veut d’abord parler rugby après toutes les affaires de l’été. J’étais à Marcoussis dimanche [dernier] : les joueurs sont impatients de se retrouver, d’avancer et surtout de montrer leur niveau.

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