La salle de spectacle de La Ciotat, dans les Bouches-du-Rhône, est toujours vide ce 28 novembre. C’est l’heure des derniers réglages pour la direction de La Chaudronnerie. Sophia Aram teste le son en poussant dans les aigus la voix crépitante de Laurène, personnage phare de son one-woman show, Le monde d’après. Une caricature d’une jeune femme réveilléqui dessine “coeurs avec la main” et “vagins avec doigts”, en soutien « aux personnes racialisées ». « Attention, avec elle on fait sonner les haut-parleurs à chaque fois » prévient l’humoriste, qui connaît son public – “pas de très jeunes, même s’il y en a”.
Bernard et Armelle Vieau, paisible couple de retraités, ont ce soir l’impression de braver un interdit. Leur fille a été émue lorsqu’elle a appris qu’ils assistaient au spectacle : « Vas-tu voir Sophia Aram ? Mais elle devient raciste ! » « Elle est de moins en moins à gauche », » a commenté plus sobrement leur fils, qui, dans le schisme des églises de l’humour de France Inter, préfère Guillaume Meurice.
Le placide Bernard, septuagénaire au CV impeccable Le baby-boomer (barricades en Mai 68, électeur déçu de François Mitterrand, soutien désorienté d’Emmanuel Macron), ne s’est pas laissé ébranler. « J’essaie d’être dans le camp des gens intelligents, assure cet ancien chef d’entreprise, même si je ne sais plus vraiment où ils sont. » Ce qui lui donne un point commun avec la star du soir, perdue dans le brouillard d’une gauche qui ne lui ressemble plus.
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