“Je suis un extrémiste de la modération”

“Je suis un extrémiste de la modération”
“Je suis un extrémiste de la modération”

Le titre intrigue d’emblée : « L’avion, Poutine, l’Amérique… et moi ». Un objet littéraire non identifié qui tient toutes ses promesses ambiguës, entre confessions d’un écrivain, essai géopolitique et pure fiction. Avec des révélations dignes d’une série à rebondissements. Mais où est la vérité ? « Je ne crois pas du tout à l’objectivité des biographies, alors j’y suis allé sous forme romanesque, explique Marc Dugain. Mais je n’invente rien. J’ai même atténué ce que j’ai vécu… ce qui est quand même génial ! »

Au-delà des révélations étonnantes, Marc Dugain nous replonge dans ses années de golden boy à New York, où il gagnait 300 000 dollars par an. Une goutte d’eau pour de nombreux yuppies de Wall Street, mais suffisante pour assurer la sécurité de leurs enfants, alors que la santé mentale de leur mère se détériore. Ce héros alter ego a une liaison avec une femme cadre, crée sa propre entreprise aéronautique à l’heure où le mur de Berlin s’effondre et vole de succès en succès. Ce n’est pas vraiment l’itinéraire classique d’un écrivain français. « A 40 ans, j’ai tout arrêté. Ce que je faisais était très intéressant, mais je n’étais pas au bon endroit… »

La fiction ne m’a jamais quitté. Elle m’a aidé à survivre lorsque je traversais des moments sombres

Marc Dugain

Dugain lâche tout, au grand étonnement de ses confrères américains face à ce coup de folie frenchy. Le perdant prend la plume et publie, en 1998, « La Chambre des Officiers ». L’histoire transposée de son grand-père, un beau soldat revenu le visage brisé de la guerre de 1914-1918. Avec, croit-il, une variante, puisqu’il imagine que sa bien-aimée, effrayée par son visage détruit, l’aurait abandonné, et qu’il en épouserait une autre. Sa grand-mère est enthousiasmée par son écriture mais instable… « Comment as-tu su ça ? » lui dit-elle. Face à son incompréhension, elle lui avoue le secret de famille : « Tu as inventé la réalité, c’est exactement ce qui est arrivé à ton grand-père… » De quoi le réconforter dans son changement radical de direction.

Un mystère demeure : comment le jeune Marc, qui à 16 ans s’était lancé dans une correspondance effrénée avec son ami et âme sœur Fred Vargas, a pu devenir l’un des acteurs de ces années fastes qu’il n’a cessé de fustiger ? A l’époque, il lui assure fermement qu’il écrira une « théorie de la révolution », inspirée par Jean-Jacques Rousseau. « C’est très intéressant, les chemins détournés », commente Dugain. Nous étions tous les deux des personnalités très complexes, avec trop de comptes à régler avec notre enfance… Fred, même si elle est passée par le CNRS, a commencé à écrire plus tôt que moi. Pourtant, la fiction ne m’a jamais quitté. Elle m’a aidé à survivre lorsque je traversais des moments sombres. »

Sur l’assassinat de Kennedy, je suis sûr à 99,99% de ma thèse

Marc Dugain

Au fil de ses romans, l’auteur s’est fait un devoir de nous faire découvrir les coulisses des secrets d’État, de la à la Russie, en passant par l’Amérique. Car ce que Dugain ne supporte pas, c’est qu’un pouvoir demande à ses citoyens – comme son grand-père – de croire à des mensonges éhontés. « Alors moi aussi, je m’arroge le droit de faire de la fiction qui va dans mon sens ! »

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Et tant pis pour ceux qui l’imaginent en théoricien du complot sur papier. « Au contraire, je suis un extrémiste de la modération. Je crois au doute et à sa vertu. Même quand je suis convaincu de quelque chose, je dis : « Il me semble que… » Sur l’assassinat de Kennedy, je suis sûr à 99,99 % de ma thèse. Mais si un jour quelqu’un parvient à me convaincre qu’Oswald était un « tueur solitaire », je l’admettrais. Parce que la vérité est si difficile à atteindre. »

Je vous l’assure, je n’ai jamais travaillé ni à la DGSI, ni à la DGSE

Marc Dugain

Or on sait que pour nourrir ses fictions l’homme s’appuie sur un réseau d’agents ultra informés. Au point d’être régulièrement approché par d’étranges lecteurs russes qui « aiment » ses romans… alors que l’auteur de « Une exécution ordinaire » n’est visiblement pas traduit dans le pays de Poutine. Il y est même considéré comme une taupe.

Dugain serait-il réellement un agent secret ? Une hypothèse qui le ravit. « Ce serait merveilleux si je révélais dans mon dernier livre que mon statut d’écrivain n’était qu’une couverture, et que mes livres ont été écrits par les services de… l’action littéraire ! dit-il en riant. Les affaires qui m’intéressent font que je suis très souvent en marge des deux mondes. Mais, je vous l’assure, je n’ai jamais travaillé ni à la DGSI, ni à la DGSE. Et c’est vrai ! » Des propos de menteur patenté… qu’est forcément un romancier plein d’imagination.

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« L’avion, Poutine, l’Amérique… et moi », de Marc Dugain, éd. Albin Michel, 368 pages, 22,90 euros

©DR

 
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