Révélation de Vestes jaunes, l’actrice anglaise vient présenter le très attendu Tomber au festival Canneséries, où elle recevra le Prix Madame Figaro Rising Star.
Elle sort d’une nuit blanche sur le tournage de la mini-série à Londres Pois de senteur qu’elle coproduit et où elle incarne l’héroïne principale. Ella Purnell s’excuse pour son expression fatiguée. Nous la détrompons. La jolie brune aux grands yeux d’héroïne de manga apparaît naturellement ravissante, vive et bavarde, via Zoom, sa tasse de café à la main – « pour tenir toute la journée ». Le grand public l’a découverte dans la série Vestes jaunes (Canal+). Ella Purnell incarne une capitaine d’équipe de football féminine qui survit à un accident d’avion, incarnant parfaitement l’archétype de « la fille la plus populaire du lycée » qui réussit tout, mais dont l’ascension est interrompue en plein vol. Tout le contraire de l’actrice britannique qui a récolté, avec l’immense succès international de cette série, le fruit de vingt-sept ans d’une carrière entamée dès le berceau dans son Londres natal.
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Ce talent précoce commence le mannequinat dès son plus jeune âge, signe une première publicité à 8 ans, puis tourne un premier film à 11 ans, une comédie musicale, Olivier ! à 12 ans, une première série à 22 ans, avec le romantique Douce-amèreproduit par Brad Pitt… Au cinéma, son air clair de bon enfant lui permet d’incarner la version plus jeune de stars comme Keira Knightley (Avec moi toujours), Angelina Jolie (maléfique) ou Margot Robbie (Tarzan). Sortir de l’ombre des stars établies pour mieux entrer dans la lumière est un défi qu’Ella Purnell semble avoir relevé. Mais depuis quelques années, cette native de Whitechapel – un quartier de Londres où évoluait un certain Jack l’Éventreur – semble avoir trouvé sa spécialité : la survie en milieu hostile.
Après les zombies (Armée des morts), l’univers ultraviolent deArcanes (la saison 2 est prévue pour l’automne sur Netflix), la forêt perdue de Vestes jaunesElla Purnell affronte désormais le Los Angeles post-nucléaire de Tomber (Amazon Prime Video) peuplé de factions meurtrières et de créatures mutantes. « J’aime repousser mes limites, y compris physiques, pour comprendre jusqu’où je peux aller », nous confie-t-elle, quelques jours avant de présenter en avant-première cette nouvelle série et de recevoir le prix Madame Figaro Rising Star. Prix au festival international Canneséries 2024, qui se déroule du 5 au 10 avril, à Cannes. Rencontre avec une jeune comédienne à qui rien ne fait peur.
Madame Figaro. – Qu’avez-vous ressenti en annonçant votre Prix Madame Figaro Rising Star, qui vous sera remis le 6 avril prochain lors du Festival CanneSeries 2024 ?
Ella Purnell. – Une distinction, c’est toujours un peu fou, et surprenant ! Mon premier réflexe est de penser : êtes-vous sûr qu’il n’y a pas d’erreur sur la personne ? C’est un tel honneur de fouler ce tapis rose emblématique sur les traces de mes prédécesseurs (Sydney Sweeney, Daisy Edgar Jones, Phoebe Dynevor, Morfydd Clark…), des actrices incroyablement talentueuses, dont je suis la carrière avec admiration. Même si ces fameuses marches, avec talons hauts obligatoires, sont très intimidantes… Comme je ne suis jamais allée au Festival de Cannes, cette première sera d’autant plus inoubliable.
Quand avez-vous ressenti l’étincelle de ce métier ?
A 18 ans, grâce à Tim Burton, et mon rôle d’Emma Bloom dans Miss Peregrine et les enfants particuliers. Avant, c’était l’envie de divertir ma famille, ma passion pour le chant, qui me poussaient à devenir comédien. Acteur depuis l’enfance, je n’avais aucun projet de carrière. Je m’amusais, un projet à la fois, sans me soucier du lendemain. Ma crise existentielle est survenue après le baccalauréat. Je ne savais pas si je voulais tourner à nouveau ni pourquoi. J’ai pensé à tout abandonner pour l’université. Et comme mes deux réalisateurs préférés dans le monde ont toujours été Tim Burton et Wes Anderson… faire des études ou un film avec Tim Burton, la question ne se pose plus. Et mon choix de vie s’est confirmé !
Photo Kailey Schwerman
Les adaptations de jeux vidéo se multiplient à Hollywood avec le succès record de Super Mario Bros, le film au cinéma ou Le dernier d’entre nous à la télévision. Ce qui vous a attiré Tomber ?
Ce mélange des genres entre western, science-fiction et jeu vidéo. Depuis la sortie du premier opus de la franchise en 1996, Tomber a développé un univers tellement riche pour ses fans. Dans ce Los Angeles uchronique, au 22ee siècle, Lucy, mon personnage, a grandi dans un gigantesque abri antiatomique, élevée comme une fille privilégiée dans les années 1950. Protégé du chaos de l’apocalypse nucléaire qui a dévasté le monde et creusé les inégalités entre les nantis et les démunis. Elle part en mission de sauvetage, propulsée dans un monde inhospitalier et violent, sans perdre son idéalisme. Mais nous ne sommes pas dans le désert déprimant de Mad Maxnous rions beaucoup aussi.
Quel spectateur de séries êtes-vous ?
Binger invétéré, un cas d’école, selon mon copain (Le chanteur américain Max Bennett Kelly, NDLR.) Je redécouvre des séries vintage comme Femmes au foyer désespérées, par exemple, dans lequel j’ai retrouvé avec délice mon « papa » de Tomber, Kyle MacLachlan. Regarder des drames me donnait l’impression de rapporter du travail à la maison. Les comédies légères sont mon moment de détente de la journée. Ma dernière addiction ? Les trois saisons de Le grand, un faux biopic satirique sur l’accession au pouvoir de Catherine II de Russie, avec Elle Fanning dans le rôle titre et Nicholas Hoult dans le rôle de son mari empereur, qu’elle évince sans pitié. Audacieux et hilarant.
En quoi la création de votre personnage sur plusieurs épisodes, voire saisons, à la télévision est-elle différente de la création de votre personnage sur grand écran ?
Au cinéma, tout est généralement dans le scénario original ou presque, balisé du début à la fin. Vous pouvez vous préparer à votre rôle et vous détendre sur le déroulement du scénario. Je venais du cinéma britannique quand j’ai tourné Douce-amère. Et c’est là que j’ai attrapé le virus de la télévision. J’ai découvert et adoré ce « chaos » spécifique : ne pas connaître à l’avance le destin de son personnage. C’est un saut dans le vide un peu effrayant : on n’est pas toujours d’accord avec les scénaristes, on croise les doigts pour qu’ils ne nous abandonnent pas ! Et vous pouvez recevoir un scénario réécrit à la dernière minute, avec dix-sept pages à apprendre du jour au lendemain. C’est épuisant, mais le défi devient addictif, proche de l’improvisation. Oui, vraiment, j’adore la télé !
Je vois cet âge d’or des séries aux personnages féminins forts comme une opportunité historique de représenter toutes les femmes dans leur diversité.
Ella Purnell
Nous vivons un âge d’or des séries, avec des propositions d’auteurs et de genres, portées par des personnages féminins forts. Comment analysez-vous cette tendance ?
J’y vois forcément une opportunité historique de représenter toutes les femmes dans leur diversité. Quand j’étais adolescent, les rares rôles intéressants étaient décrochés par un ou deux quelques heureux. Pour les autres, les personnages de lycéenne ou de petite amie du personnage principal. Ces héroïnes, créées le plus souvent par des hommes, ne semblaient pas authentiques aux 52 % de la population qu’elles étaient censées représenter. Aujourd’hui, ma propension à aller vers des rôles forts de personnages violents et névrotiques, mais surtout riches et intéressants, est une réaction à toutes ces années où je n’ai pas pu y accéder. Je suis aujourd’hui actrice, coproductrice et réalisatrice. Je savoure pleinement l’opportunité de travailler en cette période passionnante de notre industrie.
Tomber, par Genève Robertson-Dworet et Graham Wagner. Disponible sur Amazon Prime Video le 12 avril.