Dans quel autre métier peut-on disparaître plus de 6 mois sans éveiller le moindre soupçon ? C’est le scandale de ces dernières semaines aux Etats-Unis, qui pose une nouvelle fois la question de l’âge des hommes politiques américains.
La députée républicaine texane Kay Granger, âgée de 81 ans et en poste depuis 1997, était introuvable depuis plus de six mois. Elle a été retrouvée dans une maison de retraite spécialisée pour personnes souffrant de troubles de la mémoire.
Une disparition cachée ?
C’est le journal local The Dallas Express (fondé par un de ses anciens opposants politiques) qui l’a retrouvée, après avoir reçu des informations indiquant qu’elle vivait depuis peu dans cet établissement de la ville de Fort Worth, au Texas.
Depuis le 24 juillet, elle ne se rend plus à Washington pour participer aux débats et aux votes, sans attirer l’attention des dirigeants républicains, alors même que le pays a frôlé la fermeture et que chaque vote pouvait faire basculer les votes.
C’est cette absence dans une période cruciale qui commence à inquiéter les autorités locales, et notamment Bo French, le chef du comté qu’elle représente : « Alors que des votes extrêmement importants ont lieu, Kay Granger est introuvable. La marge au Congrès est très mince, et l’absence de vote républicain prive 2 millions de personnes de leurs droits. Nous méritons mieux.
D’autres habitants du comté se sont joints à l’appel, exigeant une explication sur la disparition de la députée. Ils demandent notamment que le prochain député, déjà élu, qui doit prendre ses fonctions en janvier lors de l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, comble le vide laissé par Kay Granger. En effet, le député avait renoncé à se représenter et devait prendre sa retraite dans quelques mois.
Des inquiétudes, mais surtout de la colère
Loin de s’inquiéter de l’état de santé de Kay Granger, de nombreux internautes américains sont plutôt choqués qu’un représentant du peuple puisse disparaître sans qu’aucune question ne soit posée.
Alors que les Américains subissent de plein fouet l’inflation et la hausse du coût de la vie, nombreux sont ceux qui se plaignent que la députée ait continué à percevoir son salaire (87 000 $ sur ces 6 mois d’absence) alors qu’elle n’a pas davantage représenté ses électeurs.
Réagissant à sa disparition, le milliardaire Elon Musk a même réclamé la mise en place de tests cognitifs pour les élus américains.
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Les États-Unis, une gérontocratie méconnue ?
Cet exemple dramatique est avant tout révélateur d’une crise plus profonde qui traverse le système politique américain : l’apparition de ce que l’on pourrait appeler une gérontocratie où les élus sont de plus en plus âgés. Beaucoup s’accrochent à leur emploi même si la raison devrait les pousser à prendre une retraite bien méritée.
Le cas le plus notable est celui de Joe Biden, toujours président depuis un mois, âgé de 81 ans, dont les problèmes de santé ont été largement documentés lors de la campagne présidentielle.
De nombreux analystes politiques, y compris dans son propre camp, ont alerté sur les conséquences d’une telle image face à Donald Trump, presque aussi vieux mais en meilleure forme physique. Après la défaite, on sait aujourd’hui que c’est ce retrait tardif qui a coûté en partie à Kamala Harris l’élection présidentielle. En maintenant aussi longtemps Joe Biden dans la course à la Maison Blanche, le Parti républicain a torpillé ses maigres chances face à un Donald Trump acclamé.
Ironiquement, le nouveau président n’a que 3 ans de moins que Joe Biden, devenant ainsi le candidat le plus âgé à l’élection présidentielle américaine à 78 ans.
Il s’agit d’un problème qui touche non seulement le Sénat, mais aussi d’autres institutions comme la Cour suprême, où les juges sont condamnés à perpétuité. Pour Samuel Moyn, professeur de droit et d’histoire à Yale et qui s’exprimait sur le sujet dans une tribune du New York Times, c’est l’augmentation de la durée de vie qui rend nos institutions obsolètes. Désormais, les élus peuvent atteindre 100 ans et continuer à exercer leurs fonctions. « Avant 1970, les juges étaient en fonction quinze ans en moyenne. Depuis, ce chiffre a presque doublé pour atteindre 26 ans. Dans les deux chambres législatives américaines, l’âge moyen n’a jamais été aussi élevé, à 57,8 ans pour la chambre basse, et 65,3 ans pour la chambre haute.
Selon Samuel Moyn, cela pose une question de représentativité, et explique pourquoi une partie des jeunes se désintéresse de la vie politique américaine. En gardant coûte que coûte les rênes du pouvoir, les députés octogénaires participent à la crise de la démocratie américaine. « La politique est censée donner la priorité à l’avenir collectif plutôt qu’au maintien indéfini du pouvoir, qui corrompt inévitablement – et de plus en plus – à mesure qu’il est exercé. »
Fatigués d’être gouvernés par des gens deux fois plus âgés, les Américains réclament l’instauration de nouvelles règles pour renouveler la classe politique. Dans une étude du Pew Research Center de 2023, 87 % étaient favorables à l’établissement d’un nombre maximum de mandats pour les députés, comme c’est le cas actuellement pour le président. 79% souhaitent l’instauration d’une limite d’âge pour les députés, 74% pour ceux de la Cour suprême.
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