Le réalisateur guadeloupéen Jean-Claude Barny a présenté, dans le cadre du festival « Dakar Cour », organisé du 9 au 14 décembre dans la capitale sénégalaise, son troisième long métrage de fiction dans lequel il met en scène l’humaniste et penseur anticolonial martiniquais Frantz Fanon. (1925-1961).
Simplement intitulé « Fanon », ce biopic se veut un hommage au psychiatre et essayiste français dont « Lles damnés de la terre » (Maspero, 1961) est l’un des livres les plus célèbres.
Les scènes racontées dans ce film se déroulent entre 1953 et 1956, période qui coïncide avec le séjour de l’écrivain martiniquais en Algérie, en pleine colonisation française avec son lot de violences humaines.
Le film de Jean-Claude Barny se déroule également dans un contexte où la résistance à la colonisation commence à se structurer autour du Front de libération nationale (FLN), catalyseur de l’indépendance présentée comme une expérience douloureuse en Algérie survenue en 1962.
Le réalisateur a notamment souligné l’apport de Frantz Fanon dans cette lutte. Elle montre également que la profession de psychiatre de ce dernier a suscité peu d’intérêt, en comparaison de son activisme anticolonial, dont on retrouve les échos dans ses écrits dont les plus mémorables sont Peau noire, blanc masques (Seuil, 1952),‘An V de la révolution algérienne (Maspero, 1959), texte militant plusieurs fois réédité depuis et considéré comme un « classique de la décolonisation ».
« +Fanon+ est presque fait pour l’état actuel du monde […] Et je pense que c’est quelqu’un dont les écrits sont parfois nécessaires, dans le parcours d’un homme. C’est quelqu’un qui m’a guidé en tant qu’être humain, en tant qu’universaliste, en tant que cinéaste”, a expliqué Jean-Claude Barny pour justifier son choix d’évoquer cette période de la vie de cette figure emblématique du monde noir.
“C’est aussi, je dirai naïvement, mais avec une grande sincérité, un amour de l’être humain”, ajoute-t-il à propos de son film, fruit, à ses yeux, d’un “très long terme”, né d’une “introspection personnelle”.
Il note : « Quand on est cinéaste ou artiste, je pense qu’il faut prendre quelque chose, savoir ce qui nous guide. Je pense qu’on ne peut pas créer systématiquement quelque chose sans avoir une sorte de leitmotiv. Fanon était mon réalisateur.
“A la fin de ma carrière de cinéaste, poursuit Jean-Claude Barny, je pense que je devais lui rendre hommage, le remercier, pour tout ce qu’il m’a apporté en tant qu’être humain.”
Barny décide de centrer son film sur Fanon le psychiatre, spécialité médicale dans laquelle il est titulaire d’un doctorat. Le biopic qui commence avec l’arrivée de Fanon à l’hôpital psychiatrique de Blida en Algérie où il vient d’être nommé chef de service se termine par son départ pour la Tunisie.
Le film « 90% sourcé et historique »
Le film plonge au cœur de la guerre d’Algérie où Fanon lutte contre la colonisation au nom de l’humanité, met en avant ses méthodes qui permettent aux patients enfermés de reprendre goût à la vie, contrastant avec celles d’autres médecins dans un contexte colonial où la libre pensée est réprimé.
Fanon fait face aux violences physiques dont sont victimes les Algériens dans leur pays, mais aussi aux violences verbales et racistes auxquelles il se trouve confronté et qui l’amènent à constamment se mettre en danger avec sa famille.
Le tournage du film a eu lieu en Tunisie, même si l’histoire parle de l’Algérie, conséquence du « refus » des autorités algériennes d’accueillir la production, selon le réalisateur de « Nég Maron » (2004).
« Dans le travail que je fais, j’essaie vraiment d’aller jusqu’au bout de tout ce que je fais. En précision, en légitimité, en authenticité. Parce que c’est vrai que ce sont des films qui peuvent être racontés en toute vérité », a déclaré le réalisateur.
« J’ai fait beaucoup de recherches sourcées. Et lorsque nous avons porté le projet auprès des autorités culturelles algériennes, j’ai tout à fait compris pourquoi elles ont refusé. Parce que c’est aussi, pour eux, quelque chose qui est encore vivant », a-t-il déclaré.
Il a toutefois souligné que “toutes les repérages” pour la réalisation du film ont été faites en Algérie il y a six ans.
«Je pense que c’est l’histoire d’Abane Ramdane [compagnon de combat de Fanon, un personnage clé du film dénommé l’architecte de la révolution]sa démocratie qui a peut-être fait hausser un peu les sourcils aux autorités [algériennes] », poursuit-il, avant de remercier l’Algérie, la Tunisie mais aussi le Maroc, qui, dit-il, lui ont permis d’avoir les sources qui lui ont permis de mener à bien son projet.
« Le film est à environ 90 % sourcé et historique », a insisté Jean-Claude Barny, selon qui « tout ce qui est dit dans le film est vérifiable, c’est le plan, les dates, les personnages. C’est un bon travail très détaillé sur l’histoire.
Le reste, correspondant à 10 % du film, dépend de la manière dont a été réalisée la mise en scène, a-t-il précisé.
Ce biopic, dont la sortie est prévue en avril en France, sera projeté dans toutes les capitales africaines, promet son distributeur.