En faisons-nous trop ? Ou pas assez ? Avec le livre L’art d’en faire juste assez – Mesurer ses efforts sans s’épuiserl’auteur et psychologue Gaëtan Cousin nous aide à trouver un équilibre sans culpabiliser. Dans notre société où l’on a tendance à survaloriser l’effort, ce livre fait du bien. Entretien.
Qu’est-ce que l’effort ?
De manière générale, quand on parle d’effort, on parle d’effort physique et mental. C’est l’énergie déployée pour marcher, courir, pour accomplir une tâche simple ou complexe. Ce que je voulais faire avec ce livre, c’est parler des luttes émotionnelles. On en parle peu, même si la plupart des efforts que nous déployons dans la vie quotidienne ne sont pas des efforts physiques ou intellectuels, mais des efforts émotionnels. Nous supporterons une émotion désagréable, tolérerons des choses agaçantes, nous cacherons notre stress ou notre ennui, surmonterons notre anxiété, contiendrons notre impatience. Ce sont tous des efforts émotionnels. Plus ces efforts sont grands et fréquents, moins la vie nous paraît facile.
Les fêtes de fin d’année peuvent-elles représenter une tension émotionnelle pour certains ?
Oui, c’est un moment emblématique. Tout dépend de la façon dont nous envisageons Noël : est-ce une période que nous aimons ou pas ? Si être avec toute la famille avec laquelle on entretient parfois des relations compliquées est une corvée, au même titre que le stress d’offrir des cadeaux et de planifier le repas de Noël, l’effort émotionnel sera plus grand, car vécu comme une obligation. A l’inverse, si les réunions de famille sont un réel plaisir, l’effort émotionnel sera moindre. L’une des clés est de donner du sens à nos efforts émotionnels, car plus l’activité est significative pour nous, moins l’effort sera désagréable.
Notre - surestime-t-il l’effort ?
Le discours social sur l’effort n’est pas toujours cohérent. Nous adorons l’effort, mais nous voulons aussi l’éviter ! Nous valorisons l’effort et le dépassement de soi dans de nombreux domaines professionnels et sportifs, nous visons également très haut dans notre vie personnelle, mais à l’inverse, nous valorisons peu l’effort intellectuel. On se dit qu’il ne faut pas s’inquiéter. Il est difficile de s’y retrouver et vous vous demandez : est-ce que j’en fais trop ou pas assez ?
Dans votre livre, vous prônez la recherche du juste équilibre.
Oui. Et pour y arriver, il faut faire des choix en fonction de son -, de son énergie et de ses valeurs. La perfection n’existe pas. Des modèles de réussite sont avancés – une carrière brillante, des enfants super épanouis, une maison toujours impeccable, des repas sains, un corps parfait, des activités sociales intéressantes – mais si on veut cocher toutes ces cases, on va s’épuiser. On ne peut pas tout avoir. Il faut se poser la question : qu’est-ce qui est important pour moi, selon mes valeurs ? Je vais donc y mettre plus d’efforts.
Vous parlez d’efforts appropriés. Qu’est-ce que l’effort adapté ?
Il s’agit de donner une juste place à l’effort dans nos vies, en recherchant l’équilibre entre deux excès : l’épuisement et l’apathie. Un effort approprié est un effort bien placé qui permet d’avancer sereinement vers ses objectifs de vie, en évitant l’épuisement et en laissant régulièrement place à la facilité. L’idée est de comprendre que nous avons tous une quantité d’énergie limitée et que nous devons parvenir à mieux la gérer, pour ne pas nous épuiser, ce qui nous permet d’avancer vers nos objectifs de vie.
En tant que psychologue, voyez-vous le plus souvent des gens qui en font trop ou pas assez ?
Des gens qui en font trop, qui finissent par souffrir de dépression. Je vois des perfectionnistes, des gens qui sont constamment insatisfaits d’eux-mêmes, parce qu’ils ont l’impression de ne pas faire assez d’efforts, de courir après le -. On les appelle des perfectionnistes pathologiques ou excessifs. Après, il y en a qui ont un manque de tolérance à l’exercice, mais c’est plus rare.
Est-il possible d’éviter l’effort ?
Si l’on essaie d’éviter tout effort, au bout d’un moment, la vie prend sa revanche ! Le quotidien nous rattrape, cela ne sera pas possible dans notre vie professionnelle ou personnelle, nous ne pouvons donc pas éviter tous les efforts. Sur le plan psychologique, c’est même dangereux. Les personnes qui s’adonnent à l’évitement émotionnel, qui évitent d’affronter leurs peurs ou qui recherchent la solution de facilité finissent par souffrir d’une manière ou d’une autre. À l’inverse, si nous avons un schéma d’exigences trop élevées qui conduit à trop d’efforts, nous tombons dans l’épuisement ou dans un sentiment chronique d’insatisfaction envers nous-mêmes. Tout l’art est d’atteindre un équilibre, on se force un peu chaque jour, mais il faut aussi qu’il y ait une place à l’aisance au quotidien, car on ne peut pas enchaîner les corvées et les efforts émotionnels tous les jours, toute la semaine et toute l’année.
L’art d’en faire juste assez – Mesurer ses efforts sans s’épuiser
Le cousin de Gaëtan
Odile Jacob Editions
173 pages