Riyad Avlar a passé vingt ans dans les prisons syriennes, dont dix dans la tristement célèbre prison de Saydnaya. Il en hérite des conséquences et d’une obsession : documenter et réparer les atrocités qui y sont commises sous Bachar al-Assad.
« Je suis sûr qu’un jour nous verrons Bachar al-Assad devant le tribunal », prophétise le militant turc, cofondateur de l’Association des détenus et des personnes disparues de la prison de Saydnaya (ADMSP) en 2017, quelques mois après sa libération. .
“Nous ne voulons pas de vengeance, nous voulons justice”, explique à l’AFP l’ancien prisonnier depuis le siège de son association à Gaziantep, dans le sud-est de la Turquie, d’où lui et d’autres anciens de Saydnaya recueillent et vérifient des témoignages et des documents qui raconter les horreurs qui y ont été perpétrées.
Des milliers de détenus, certains entassés depuis les années 1980 dans cette prison du nord de Damas qu’Amnesty International qualifie d’« abattoir humain », ont été libérés dimanche par les rebelles syriens à leur entrée dans la capitale syrienne.
Les images de prisonniers hagards et émaciés, certains portés par leurs camarades parce qu’ils étaient trop faibles pour s’échapper de leurs cellules, ont fait le tour du monde.
“Ça m’a fait plaisir de les voir (libres), mais quand j’ai vu les murs et les cellules, ça m’a ramené à cet endroit, je suis encore traumatisé”, confie ce père actuel, arrêté en 1996 à Damas, où il était. étudiant, pour avoir évoqué les exactions du régime syrien dans une lettre envoyée à ses proches.
– « art-thérapie » –
Aujourd’hui encore, Riyad Avlar se réveille parfois la nuit en sursaut, se croyant enchaîné, comme il l’a été pendant deux mois en Syrie dans une cellule plongée dans le noir.
“J’ai vu des gens mourir sous mes yeux, beaucoup de faim”, raconte le militant aux fines lunettes noires et à la barbe poivre et sel, qui conserve au poignet gauche une cicatrice héritée des tortures qu’il y a subies là-bas entre vingt et cinq ans.
Il décrit également avoir vu les gardes de Saydnaya, après avoir affamé les détenus, jeter de maigres rations de nourriture dans les toilettes. « Les prisonniers les mangeaient pour survivre », certifie-t-il.
Sa reconstruction s’est faite par le théâtre et l’apprentissage du saz, un luth à long manche populaire en Turquie. « Art-thérapie », résume-t-il.
Mais aussi grâce au travail mené au sein de son association, avec laquelle il a aidé d’innombrables familles à obtenir des preuves de la vie de leurs proches emprisonnés à Saydnaya.
Les « insiders », les employés de la prison, leur envoyaient jusqu’il y a peu des documents internes, confie-t-il sans pouvoir en dire plus.
– « plus jamais ça » –
La prison de Saydnaya, où se sont précipités des foules de proches du disparu après sa libération, espérant retrouver leurs proches dans les cachots souterrains, est désormais vide.
Selon l’Association des détenus et des personnes disparues de la prison, plus de 4 000 détenus ont été libérés par les rebelles.
L’association estime que plus de 30 000 détenus ont été exécutés à l’intérieur de la prison ou y sont morts sous la torture, faute de soins ou de nourriture entre 2011 et 2018, ce qui a incité ses autorités à y créer des « salines », des morgues de fortune utilisées pour conserver les cadavres en raison de l’absence de chambre froide.
Face à une telle horreur, Riyad Alver ne pense pas retourner un jour à Damas. Mais il confie avoir « toujours rêvé que Saydnaya devienne un jour un lieu de mémoire ».
« Je suis tellement heureux qu’il n’y ait plus un seul détenu là-dedans », ajoute-t-il rapidement. “J’espère que cela ne se reproduira plus jamais.”
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