En pleine affaire Sansal, un documentaire repris par des médias proches du pouvoir relate l’histoire supposée d’un ancien jihadiste algérien, qui aurait été approché par la DGSE pour recueillir des informations sur les islamistes.
« Les uns après les autres, les « vautours » de la DGSE chargés de mener des missions sataniques en Algérie (…) sont passés entre les mailles du filet. Trois semaines après avoir publié un article au vitriol contre le «France Macronito-sioniste » A l’occasion de l’arrestation de l’écrivain Boualem Sansal, la presse algérienne poursuit son offensive contre la France et l’accuse désormais d’avoir fomenté une “conspiration”un “Barbouzerie très française”que les services de renseignement de l’État auraient déjoué.
Le 7 décembre, deux chaînes publiques algériennes, EPTV et AL24, ont diffusé un documentaire racontant l’histoire d’un certain Aïssaoui Mohamed Amine, qui se présente comme un ancien jihadiste de 35 ans. Né en Algérie, après avoir passé son enfance en Espagne, il a vécu en France en 2013, avant de rejoindre l’État islamique en Syrie puis en Irak. Là, il aurait participé aux combats sous le pseudonyme d’Abou Rayan. Il aurait également été blessé lors d’un bombardement perpétré par les forces de la coalition irakienne, puis capturé en Turquie. Il y aurait été incarcéré, avant d’être rapatrié en Algérie et de nouveau placé derrière les barreaux pendant trois ans, jusqu’en 2019.
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« Complots et manœuvres »
Trois ans plus tard, en 2022, tout aurait changé : l’association Artémis, qui existe et agit dans le domaine de la prévention de la radicalisation, l’aurait contacté, puis rencontré en avril 2023 à Alger. Selon le documentaire, largement relayé par la presse algérienne, l’individu qui a rencontré l’ex-jihadiste était un “exécutif de la DGSE (…) premier secrétaire de l’ambassade de France”. A partir de ce moment, les services français seraient “resté en contact” avec lui et l’aurait chargé de collecter des informations sur les islamistes et les passeurs de migrants dans sa région natale de Tipaza. La DGSE aurait également prévu de l’envoyer au Niger pour qu’il rejoigne un groupe armé, mais le projet aurait été annulé avec le coup d’État de juillet 2023 dans le pays. Aucune preuve n’est fournie.
Mohamed Amine, qui aurait donc servi d’informateur en Algérie, a conclu son récit en estimant que cette affaire « révèle clairement un profond ressentiment ainsi que l’ampleur des complots et manœuvres ourdis contre l’Algérie ». Plus “Grâce à la conscience du peuple algérien et à la cohésion du front intérieur ainsi qu’à la vigilance et au professionnalisme des services de sécurité, toutes les tentatives visant à porter atteinte à la sécurité et à la stabilité de notre pays se sont soldées par un échec”nous pouvons lire.
« Victoire éclatante des services de sécurité algériens »
Au moins trois médias proches du pouvoir, L’Expression, la Nouvelle République (NR) et Algérie Presse Service (APS) ont rapporté le documentaire en utilisant presque les mêmes termes. Le premier a accueilli un «barbouzerie très français déjoué”, « marquant une victoire éclatante pour les services de sécurité algériens ». Le NR, pour sa part, a qualifié l’affaire de « une sorte de déclaration de guerre contre l’Algérie dans un Monde troublé, plein de défis géopolitiques et géostratégiques et de conflits armés, où le plus fort reste et le plus faible devient esclave. » L’APS, qui écrivait de son côté à l’occasion de l’arrestation de Boualem Sansal que Paris était corrompu par un lobby « anti-algérien » et « prosioniste », veille à ce que le « Services de renseignement français » avait “orchestre” et “complot (…) visant à déstabiliser l’Algérie”.
Déjà en mai 2023, L’Expression avait révélé un « Mystérieux complot contre l’Algérie »Ou « des membres influents du Mossad, cinq responsables des services de renseignement français ainsi que douze éléments des services marocains » se seraient réunis à Tel Aviv pour “l’élaboration d’un plan visant à déstabiliser l’Algérie”, rappeler à nos collègues de Monde .
Bizarrement, quelques mois plus tôt, “l’affaire Bouraoui” battait son plein. Cette opposante au régime d’Alger, qui avait dirigé le mouvement Barakat contre un quatrième mandat du président Abdelaziz Bouteflika, faisait l’objet d’une interdiction de sortie lorsqu’elle s’était réfugiée en Tunisie en février 2023. Brèvement arrêtée par les autorités du pays en vue de extradée vers l’Algérie, elle avait utilisé son passeport français pour échapper aux autorités algériennes et obtenir la protection du consulat général de France à Tunis. Elle a finalement été condamnée par contumace à 10 ans de prison, en novembre 2023. Ce nouveau documentaire, diffusé en pleine affaire Boualem Sansal, risque de dégrader une nouvelle fois les relations compliquées entre Paris et Alger. Contacté, le Quai d’Orsay n’a pas encore réagi.