L’épopée de Saint-Exupéry dans les Andes, un réveillon de Noël dans les années 2000, un adolescent apprenti fromager… La sélection cinéma de Figaro.
Noël à Miller’s Point – Avoir
Comédie de Tyler Taormina – 1 h 46
Taormina, 34 ans, met en scène le dernier réveillon de Noël d’une famille italo-américaine de la classe moyenne de Long Island avant la vente de la maison – un secret rapidement révélé. Nous sommes au milieu des années 2000, les téléphones ne sont pas encore intelligents et ne monopolisent pas l’attention des invités. On assiste à une orgie de nourriture, de cigares, de chants de Noël. Une réunion de famille comme tout le monde en a vécu, sans discussions profondes, mais parfois ponctuée de petites épiphanies, d’instants de grâce. C’est le cas lors de la lecture d’un texte d’un des oncles, d’abord sur un ton moqueur puis sans sens secondaire, plongeant le public dans une tendre mélancolie.
Noël à Miller’s Pointle troisième film très autobiographique de Tyler Taormina, confirme la santé retrouvée des outsiders du système. C’est comme un film de Martin Scorsese sans la mafia. Nostalgique et élégiaque. ET. S.
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Vingt dieux – Avoir
Drame de Louise Courvoisier – 1 h 30
Dans le Jura, Totone (Clément Faveau) y va doucement. Ce rouquin boit des litres de bière, ne rate pas un salon agricole, n’hésite pas à sauter sur les tables pour se lancer dans une danse limousine, qui consiste à se déshabiller un à un sous les acclamations de la foule. Comme c’est l’été, l’adolescente à la peau délicate risque d’attraper un coup de soleil. D’autres dangers l’attendent : au lit avec une demoiselle, une dépression l’empêche d’atteindre ses objectifs. Le fiasco ne semble pas le traumatiser. La mort de son père va l’affecter davantage, même s’il ne laisse rien paraître. Ici, il s’occupe du domaine familial et de sa petite sœur. Pour les conserver tous les deux, il doit remporter le concours du meilleur comté. Le coin lui semble un peu étranger. Marie-Lise (Maïwène Barthelemy), agricultrice voisine, leur servira de professeur, ce qui ne l’empêchera pas de lui jouer un tour.
Fougueux, vibrant, Vingt dieux a l’énergie d’un pur-sang. Un cinéaste est né. Louise Courvoisier était faite pour ça. Nous n’aurons pas besoin de nous souvenir de son nom. Ce sera bientôt sur toutes les lèvres. ET. N.
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Je ne veux plus y aller maman – On voit
Documentaire d’Antonio Fischetti – 1 h 50
Le journaliste Antonio Fischetti se demande comment rendre hommage à ses collègues assassinés le 7 janvier 2015, dont la disparition l’a choqué. Il a d’innombrables souvenirs de ses camarades, de nombreux vieux numéros de Charlie Hebdo et une archive qu’il chérit : une interview vidéo d’Elsa Cayat, psychiatre et chroniqueuse de presse, tuée le 7 janvier. Fischetti tire sur ce fil qui l’entraîne vers les caricatures. Les coups de plume des satiristes ne font que présenter des miroirs grossissants de la réalité. Antonio Fischetti a échappé au massacre qui a laissé derrière lui douze personnes. Il a été sauvé par des funérailles. Parti assister aux funérailles de sa tante, il n’a pas pu assister aux siens… La mort l’a sauvé. Cette observation occupe étrangement son esprit. Antonio Fischetti, patient attentionné, se confesse. Il évoque aussi son frère décédé avant sa naissance, l’eau de Lourdes que nous avions ramenée à la maison, sa mère qui a fini par ressembler à la Vierge Marie. A la fin, il enfile son maillot de bain et se glisse dans une rivière qui le berce. Il a enfin trouvé sa place : ailleurs.
Le documentaire Je ne veux plus y aller maman avance au rythme de ses doutes. Sans gravité, sans sérieux, mais avec une candeur qui rend ce personnage sympathique. B. P.
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Saint Ex – A éviter
Drame de Pablo Agüero – 1 h 38
Au début des années 1930, l’épopée aérienne est à son apogée. C’est le - des pionniers. Celui surnommé « Saint-Ex » (Louis Garrel) est un aviateur expérimenté chargé d’acheminer le courrier postal vers l’Argentine et la Patagonie en traversant la cordillère des Andes, avec son collègue Henri Guillaumet (Vincent Cassel). Lorsque Guillaumet disparaît mystérieusement dans la Cordillère, Saint-Exupéry « vole » au secours de son ami et mentor. Si le premier quart d’heure crée une illusion, emmenant le spectateur dans le sillage d’aventuriers en plein atterrissage, le film s’essouffle vite. Le pauvre Louis Garrel s’essouffle en hurlant « Guillaumet ! Guillaumet ! » pendant une bonne partie du film. Quant à la voix off, elle déclame avec le plus parfait sérieux des banalités : « Tu es comme un frère pour lui », « Je suis là mon ami, je suis là ! » ou « Toujours plus vite, toujours plus loin, toujours ensemble ».
Dessine-moi un désastre. Mais qu’a fait Pablo Agüero dans ce gâchis ? Avoir voulu raconter l’épopée bien réelle de la poste aérienne sous la forme d’une fable pseudo-onirique éthérée : telle est la grande erreur. O. D.
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Femmes au balcon – A éviter
Comedy by Noémie Merlant – 1 h 43
45°C à Marseille. Culottes séchant sur la corde à linge. La canicule aiguise les esprits. Il y a ces trois filles. Ils essaient de trouver un peu d’air frais sur le balcon. Effort inutile. L’une a les seins exposés. C’est sa tenue de travail : elle excite les voyeurs sur la toile. Il n’y a pas de métier stupide. Le second se revendique romancier. Son roman n’a pas encore été publié. La troisième est actrice. On la voit arriver dans la robe rouge de Marilyn Monroe dans Niagara. Elle a un défaut : elle lâche des pets, ce qui fait la joie de ce petit monde qui rit, qui pleure, qui chante, qui danse. Les trois dames aperçoivent un type dans l’immeuble d’en face. Le beau gosse est photographe. Comme il n’a pas l’oeil dans sa poche, il les invite à prendre l’apéritif chez lui. Cette initiative est tout à fait révélatrice d’une masculinité toxique. Avec l’aide de l’alcool et du fourneau, les choses vont tourner au vinaigre. La vengeance de ces dames sera sanglante. Helmut Newton de la Canebière finira empalé sur le socle d’un projecteur. Un morceau de willy finira au congélateur.
Le spectacle est grisant. Cette bouillabaisse dite féministe, digne du mécénat 2.0, vous colle aux doigts. L’intrigue pédale dans le vide. ET. N.
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