Le département des Deux-Sèvres, durement touché par le passé par la grippe aviaire, a été épargné en 2024. “Il n’y a eu aucune épidémie chez le bétail ni aucun cas signalé chez la faune sauvage”, confirme la préfecture. Le dernier cas des Deux-Sèvres remonte au passé «début 2023». Le sujet reste cependant suivi de près dans un département qui a “environ 850 élevages de volailles”. Parmi eux, « 200 personnes bénéficient d’une vaccination préventive »élevages de plus de 250 canards.
« Certaines espèces comme les canards propagent davantage le virus. C’est la vaccination qui a permis à une filière avicole de subsister en France. L’ensemble du secteur en a bénéficié. Les résultats sont là, ils sont convaincants observe Mickaël Gatard, éleveur de Forêt-sur-Sèvre et président de la section volailles FNSEA79. Nous avons toujours une épée de Damoclès au-dessus de notre tête, il ne faut pas relâcher notre vigilance, mais la vaccination nous permet d’envisager l’avenir avec plus de sérénité. »
« Fermer nos animaux n’est pas bon pour nous »
Avec ses 30 000 canards à Augé, l’entreprise familiale Chez Morille est concernée par l’obligation vaccinale. «Tous les canards sont vaccinés depuis le 1ET Octobre 2023 avec le vaccin naturel ; protège presque tout le secteur” se félicite Jean-Robert Morille, tout en regrettant que cela ne permette pas de lever l’interdiction de sortir ses canards en extérieur.
En effet, malgré l’absence de cas dans le département, toutes les espèces de volailles devront être reconfinées à partir du 9 novembre 2024 dans toute la France. La conséquence du passage d’un risque « modéré » à un risque « élevé » décidé par l’État pour certains cas en Bretagne, dans les Landes et dans l’Allier à partir d’août 2024.
« Le vaccin a joué son rôle. Nous espérons désormais que les bons résultats de la vaccination permettront à l’administration d’être plus souple afin d’éloigner nos volailles ! chiede Jean-Robert Morille. Enfermer nos animaux n’est pas bon pour nous. L’essence de l’élevage est en plein air”. Il salue une expérimentation réalisée par les collectifs d’élevage en liberté et la Confédération des agriculteurs. « C’est super, j’espère que ça nous aidera à avancer dans cette direction ! »
A Mazières-en-Gâtine, Hélène Bailly nourrit les mêmes espoirs. Membre du collectif Sauve qui Poule Poitou et co-secrétaire général de la Confédération paysanne des Deux-Sèvres, l’éleveur participe à l’expérimentation nationale. « La Confédération des agriculteurs a obtenu un budget de 700 000 euros du ministère de l’Agriculture pour évaluer les risques dans nos élevages sauvages. »
“Il y a des agriculteurs qui s’arrêtent, le moral est touché”
Une étude a donc été lancée auprès de 92 entreprises pilotes en France, dont six dans les Deux-Sèvres. « Ce qui est bien, c’est que l’État s’intéresse à notre bétail. Notre objectif est de faire évoluer la réglementation afin que nous puissions laisser nos volailles dehors. » Mais attendez de voir ce qui se passe : « Je regrette qu’il ne s’agisse pas d’une expérience complète et comparative avec d’autres méthodes de sélection. Nous ne savons pas ce qui en résultera. »
Les élevages en liberté refusent toujours de subir des confinements répétés. “Ils ont de mauvais objectifs” se désole Hélène Bailly, voulant le prouver «presque toutes les exploitations touchées par la maladie n’étaient pas en liberté».
Le mode d’élevage offrirait des avantages : « Nos fermes sont autosuffisantes. Nous recevons les poussins à l’âge d’un jour et les emmenons simplement à l’abattoir. Il n’y a aucun mouvement entre les deux. Dans les grandes exploitations, les vétérinaires viennent tous les mois, font de nombreux traitements, font de nombreuses visites. » Avec un risque présumé accru de transmission du virus d’un site à un autre.
« Déjà, nos volailles courent moins de risques de contracter la maladie car nous avons moins de déplacements avec le monde extérieur et presque aucun risque de la propager puisque nous sommes dans un environnement clos. » Les épidémies passées l’ont démontré : « Ayant gardé nos volailles en extérieur, nous n’avons eu aucun cas, même si le virus se propageait partout dans les élevages fermés. »
Mais le modèle extérieur souffre : « Avec leurs normes, ils ralentissent les installations et les transmissions. Il y a aussi des agriculteurs qui s’arrêtent, le moral est touché.”
92 « fermes pilotes » en France
A la demande de la Confédération paysanne et de collectifs comme « Sauve qui Poule », une expérimentation a été lancée en France dans 92 « fermes pilotes » pour évaluer les risques liés à la grippe aviaire dans les élevages avicoles en plein air.
Hélène Bailly, agricultrice à Mazières-en-Gâtine, fait partie des six « fermes pilotes » des Deux-Sèvres sélectionnées pour cette expérimentation nationale.
« En avril 2024, des représentants désignés par le ministère sont venus réaliser un diagnostic de nos pratiques pour évaluer, selon eux, les risques. Par exemple, sur ceux liés au transport, nous étions bons mais moins sur ceux liés au contact avec les oiseaux sauvages”.
Cela a abouti à « quatre mesures concrètes pour chaque ferme pilote » pour l’expérimentation, de novembre 2024 à février 2025 avec des résultats attendus en mai 2025.
Le premier : « Nous comptons les oiseaux sauvages repérés dix minutes toutes les deux semaines à trois endroits différents. »
La seconde : « une analyse sanitaire des cabines de début et de fin de vide sanitaire ». Laisser un intervalle de trois mois entre chaque lot, nettoyer au jet d’eau et déplacer les cabines. “Ils voudraient que nous utilisions un désinfectant super puissant”ce qu’elle refuse. « Désinfecter, c’est déséquilibrer l’équilibre bactériologique existant ».
Le troisième est « expérience de compostage à la ferme » en cas d’animaux morts. « Nous nous battons pour empêcher l’arrivée des camions d’équarrissage dans nos fermes » considéré comme un risque de propagation de virus.
La quatrième est d’observer les conditions des animaux. « Pour nous, c’est le point le plus important. J’ai des souches résistantes, je n’utilise jamais d’antibiotiques ou autres traitements chimiques. Mes volailles ne sont pas malades et il n’y a pas de mortalité. Nos fermes sont en bonne santé. Si un virus survenait, ils auraient une meilleure immunité. »