une perturbation sociale annoncée

une perturbation sociale annoncée
une perturbation sociale annoncée

La salle La Coursive à La Rochelle

Peut-on se réjouir au moins du pire ? Nous ne parlons pas d’une majorité relative ou absolue à l’Assemblée mais d’une nouvelle étude de l’Association des professionnels de l’administration du divertissement (Lapas) examinant la diffusion des émissions pour la saison à venir. Des chiffres affinés qui restent alarmants et dessinent les perspectives d’une rupture sociale du secteur à l’heure où s’ouvre le 78e festival d’Avignon.

L’étude est plus vaste et plus approfondie que celle qui avait alerté sur la crise du spectacle vivant en avril, mais le résultat est à peine moins effrayant. Menée par Lapas, en association avec deux syndicats, le Syndeac et le Synavi, l’étude dont les résultats ont été rendus publics aujourd’hui anticipe une baisse de 25% de la diffusion des émissions pour la saison prochaine. En avril, elle était de plus de 50%. Un effondrement revu à la baisse donc, qui reste néanmoins d’une ampleur considérable et laisse présager des jours sombres pour le secteur du spectacle vivant.

Une cause est identifiée depuis longtemps : pour les théâtres publics, l’augmentation, due à l’inflation, du coût des matières premières et de la masse salariale que la stabilité des aides d’État ne compense pas, et qui est aggravée par endroits par la réduction des subventions. auprès des autorités locales. Une deuxième source de crise, plus controversée, est cependant mise en lumière par cette étude : le plan « meilleure production, meilleure diffusion » promu par la Direction générale de la création artistique (DGCA), sur lequel le constat de Lapas est sans équivoque.“Le cercle vertueux consistant à produire moins de créations pour les diffuser plus largement ne se retrouve pas dans les données que nous avons pu collecter.” .

«Nous puiserons dans les réserves et les fonds propres»

Le plan « meilleure production, meilleure distribution » vise à corriger l’essor créatif qui a conduit au cours des deux dernières décennies un nombre croissant d’entreprises à produire toujours plus de spectacles dans des conditions qui se dégradent, tout comme leurs perspectives de distribution. Une politique d’inspiration malthusienne menée par la DGAC qui, selon Véronique Felenbock, coprésident de Lapas, implique de réduire le nombre existant de compagnies de spectacles vivants. Une sorte de sélection naturelle donc, toujours selon le directeur de Lapas, qui s’orchestrera au détriment de la diversité du paysage. « Les femmes, les artistes non blancs, les personnes queer, les personnes handicapées, tous ceux qui appartiennent à une minorité vont évidemment souffrir » le premier de cette politique qui favorise déjà les artistes » installée ».

Verser Emmanuelle Queyroysecrétaire général de l’Association des Centres Dramatiques Nationaux (ACDN), on peut en effet constater « une diminution de la diversité, au sens du nombre de spectacles différents » dans les CDN, mais en contrepartie d’un meilleur soutien aux artistes, comme le prévoit le plan. Les chiffres que nous avons pu observer en avril et qui portent sur l’année civile 2024 (et non sur la saison 24-25) suggèrent une baisse de 10 % du nombre d’émissions diffusées sur le réseau CDN. « Dans ces conditions, le réseau compte toujours 220 artistes associés et reste le plus structurant en termes de moyens de production publique, derrière l’opéra. », précise le gérant. Mais l’année 2025 risque d’être encore plus dure car « on sait que la grande majorité des structures seront en déficit. Enfin, cela nous puiserons dans les réserves et les capitaux propres car nous n’avons pas le droit d’être en déficit. Et à un moment donné, il va falloir faire attention. ». Et donc réduire encore davantage les dépenses.

Un cauchemar social

Alors que les incertitudes politiques actuelles et la volatilité des engagements des collectivités locales laissent planer d’autres nuages, l’avenir s’annonce très incertain pour le secteur du spectacle vivant, c’est le moins que l’on puisse dire au vu des résultats de cette nouvelle étude. Moins pour ses institutions, dans un premier temps, que pour ses parties prenantes. Car au-delà d’une appréciation différente entre l’ACDN et Lapas sur les bénéfices du plan « mieux produire, mieux diffuser », les deux s’accordent sur le fait, comme le poursuit Véronique Quevroy, que « la combinaison de plusieurs crises retombe finalement sur la partie la plus fragile du secteur, c’est-à-dire sur les équipes artistiques ». L’étude de Lapas laisse augurer en ce sens que « le nombre de compagnies qui tournent moins de 20 dates/an augmentera de 33% dans la saison 18/19 à 52% dans la saison 24/25 ». Pour Véronique Felenbok, « Le ruissellement des fonds du plan « produire mieux, distribuer mieux » des institutions vers les entreprises ne se fait donc pas car, naturellement, les institutions sont affaiblies et prennent cet argent pour réduire leurs déficits. ». Emmanuelle Queyroy rappelle de son côté que les dirigeants des CDN sont des artistes et « qu’ils sont désespérés par la situation et conscients de la situation précaire que vivent les équipes artistiques ». Et particulièrement « que l’explication ne vient pas seulement des CDN mais de toutes les structures et labels, de tout l’écosystème, qui programme et produit les entreprises ». Véronique Felenbok announces “un cauchemar social” puisque 42% des sondés parmi les 315 équipes artistiques annoncent une baisse de leur volume d’emploi pour la saison prochaine. Nulle part l’optimisme n’est de mise. Le moins mauvais est-il à venir ?

Eric Demey – www.scenewev.fr

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

NEXT La Marseillaise sifflée et huée par les supporters belges avant le match