Une semaine après les événements, l’extrême droite a exploité les violences qui ont suivi le match entre l’Ajax Amsterdam et le Maccabi Tel Aviv dans la capitale néerlandaise. A l’ordre du jour du débat à la Chambre des représentants ce mercredi, le sujet a été repris par le Parti pour la liberté (PVV), qui a imputé l’incident aux “musulmans, notamment marocains”. Le chef du parti d’extrême droite, Geert Wilders, a inclus ses remarques dans sa série de déclarations anti-immigration et hostiles aux médias contre la double nationalité. Dans le même temps, il a proposé d’étendre la déchéance de nationalité sur la base de ce qu’il appelle « l’antisémitisme ».
En présence du Premier ministre néerlandais Dick Schoof, du ministre de la Justice et de la Sécurité David van Wee et de la ministre de l’Intérieur Judith Uitermark, Geert Wilders a proposé que les « accusés » soient poursuivis pour « terrorisme ». Il a en ce sens invité le chef du gouvernement à demander au procureur de la République la révocation de la citoyenneté néerlandaise des binationaux concernés, “en particulier les Marocains”.
Dans le cadre du débat, le leader du parti travailliste Denk, Stephan van Baarle, a interrogé Wilders sur les commentaires incendiaires tenus par les partisans du Maccabi Tel Aviv, y compris les slogans anti-arabes et ceux en soutien direct au génocide en cours à Gaza, ainsi que sur les versions des faits qui Les partisans israéliens essayaient de « chasser les Palestiniens ». En évitant de répondre, Geert Wilders a omis des éléments factuels, se contentant de condamner « toutes les formes de violence ». Par conséquent, il a soutenu que ces remarques étaient « incomparables » à ce qu’il a appelé « la pure haine des Juifs ».
Les hostilités ont commencé entre partisans israéliens
Dans ses propos, Geert Wilders a même estimé que toute comparaison serait « abjecte ». Cependant, les arrestations suite aux violences d’après-match concernaient dix résidents israéliens, établissant le lien avec l’implication des supporters du Maccabi Tel Aviv dans les affrontements. Dans ses rapports, la police a confirmé que la tension s’est intensifiée lorsque des individus au visage couvert ont retiré un drapeau palestinien, scandé des slogans anti-arabes et attaqué un taxi. Les autorités ont ensuite fait état d’« appels à la mobilisation des chauffeurs de taxi » contre les supporters concernés.
Plus tôt cette semaine, un rapport du maire d’Amsterdam, Femke Halsema, a décrit un « cocktail toxique d’antisémitisme, de hooliganisme et de colère face au conflit en Palestine, en Israël et dans d’autres régions du Moyen-Orient. Par ailleurs, le document révèle que la police municipale avait prêté attention à la présence de supporters « fanatiques » du Maccabi Tel Aviv la veille du match.
Mardi, lors d’un conseil municipal, le dirigeant local a estimé que des “justices” avaient été engagées “contre les Juifs” et “les minorités sympathisantes des Palestiniens” à Amsterdam. Suite aux violences, les rassemblements ont été interdits dans la ville pour éviter d’éventuels affrontements. Les manifestations pro-palestiniennes ont également été interdites.
La veille, cependant, des émeutes avaient éclaté à Amsterdam Nieuw-West. Un tramway du GVB a été incendié avec des feux d’artifice lancés à l’intérieur, tandis que des pierres ont été lancées sur un bus. Plusieurs autres véhicules ont été endommagés.
« Bloquer la voie au projet fasciste de Geert Wilders »
Au sein de la société civile, parmi les binationaux, les propos de Geert Wilders ont choqué. Ils sont considérés comme faisant partie d’une controverse xénophobe plutôt que d’un traitement politique de la violence d’après-match. C’est surtout l’avis d’Abdou Menebhi, président fondateur de l’association EMCEMO (Centre euro-méditerranéen pour la migration et le développement). Contacté par Yabiladi, le militant déplore une “escalade des points de vue au niveau de la classe politique, qui utilise des termes graves comme ‘pogrom’, sans condamner les actes des supporters du Maccabi, mais en associant les jeunes Marocains à des actes graves, à travers un raccourci vers l’antisémitisme et un rapprochement avec le terrorisme.
Dans ce contexte, l’association critique les manœuvres idéologiques de l’extrême droite, comme le prolongement d’une polémique qui provoque des réactions politiques, qui s’éloignent des faits de violence et s’orientent vers une normalisation du discours anti-migrants.
« Après ses discours anti-musulmans et pro-israéliens, a fortiori depuis le 7 octobre 2023, sans aucune prise de position en faveur du cessez-le-feu dans la bande de Gaza, Geert Wilders trouve ici l’occasion idéale de faire ressortir tout son programme politique, qui qu’il défend depuis longtemps et qu’il tente de mettre en œuvre, après avoir remporté les dernières élections aux Pays-Bas”.
Abdou Menebhi
Le militant estime que ce climat délétère “affecte toute la dynamique pro-palestinienne”. Il souligne en outre que « nous devons résister au projet fasciste et l’empêcher ». “Le retrait de la citoyenneté à la jeunesse néerlando-marocaine pour des raisons anti-israéliennes est une manière de trouver un argument en faveur de l’expulsion des étrangers, bien qu’ils s’inscrivent dans une assimilation politique d’extrême droite qui remet en question l’intégration de ces personnes”, Abdou Menebhi dénonce en outre.
Une conférence du tissu associatif “contre toutes les formes de discrimination raciste” se tiendra vendredi à Amsterdam. Selon Abdou Menebhi, cette rencontre réunira une large représentation de la société civile : ONG et syndicats. L’objectif sera notamment de “réfléchir aux moyens, y compris juridiques, de protéger notre communauté et de créer un grand front contre toute division de la société néerlandaise, question de vie démocratique et d’Etat de droit”.