Institut des Sourds et Muets

Ce joyau du patrimoine est abandonné depuis près de 10 ans.

Avec son toit rongé par la rouille et son état de décrépitude avancé, il illustre bien malgré lui les conséquences du tatouage bureaucratique.

Mais voici une excellente nouvelle : l’Institut des Sourds-Muets pourrait bientôt connaître une nouvelle vie. Sa propriétaire, la Société québécoise des infrastructures (SQI), lancera ce mercredi un appel de propositions pour réaménager le site, a-t-on appris.

Enfin !

On parle ici d’un projet gigantesque, à deux pas du métro Sherbrooke, sur le Plateau Mont-Royal. Un emplacement ultracentral.

La branche immobilière du gouvernement suggère d’y construire 1 000 nouveaux logements, en préservant au moins deux des sept pavillons historiques en pierre grise.

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PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

L’ancien Institut des Sourdes-Muettes est situé sur la rue Berri, à deux pas du métro Sherbrooke, sur le Plateau Mont-Royal.

Contrairement à d’autres appels à projets mal ficelés, comme ceux de l’ancien hippodrome des Blue Bonnets ou de Voyageur Island, celui-ci me semble solide.1.

Toutes les « conditions gagnantes », pardonnez le cliché, semblent réunies. Les rôles ont été bien définis entre les deux niveaux de gouvernement : Québec, qui vend le site, et Montréal, qui accordera les permis. Une large place sera accordée aux promoteurs privés. Le financement public est déjà étudié pour inclure des centaines de logements sociaux.

L’objectif de chacun : accélérer au maximum l’étude du dossier, en utilisant les nouveaux « super-pouvoirs » prévus par la loi, et réduire au minimum les tracas administratifs.

C’est pourquoi je suis optimiste.

L’Institut, pour ceux qui connaissent un peu le Plateau, est situé dans un quadrilatère entre les rues Saint-Denis, Cherrier, Berri et Roy. La congrégation des Sœurs de la Charité, servantes des pauvres, s’y installe en 1882, avant de quitter les lieux dans les années 1960 et 1970.

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Québec a acheté le site en 1979 pour y loger les employés du réseau de la santé, et tout ce beau monde (ou presque) est parti en 2015.

C’est plus tard que c’est devenu très complexe.

La Ville de Montréal a pris une réserve partielle sur le site entre 2018 et 2020, dans l’espoir d’y créer des logements sociaux. En vain. La SQI a ensuite réalisé une série d’analyses structurales et géotechniques.

Le processus a été d’une lenteur frustrante. À tel point que Liza Frulla, qui dirige l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ), situé à deux pas, a lancé un cri du cœur dans les pages de La presse en avril 2023. « Avec tout ce potentiel, je n’arrive pas à croire qu’à Montréal, on le laisse se consumer », a-t-elle dénoncé.2.

Que s’est-il passé depuis ?

Plusieurs réalisations, selon ce que j’ai compris. Tant dans le gouvernement de François Legault que dans l’administration de Valérie Plante.

Le Québec a enfin reconnu l’existence d’une crise du logement, après l’avoir longtemps niée. Depuis deux ans, une réforme n’attend pas l’autre.

L’ancien programme AccèsLogis, jugé trop lourd et inefficace, a été remplacé par le Programme québécois de logement abordable (PHAQ). Le changement vise à accélérer le développement des projets et à financer uniquement ceux qui ont atteint leur maturité. Nous commençons à voir des résultats.

Québec a également accordé aux villes une série de « superpouvoirs » dans le cadre de son projet de loi 31. Au fond, ils permettent d’accélérer l’approbation des projets résidentiels, en sautant l’étape souvent fatidique des référendums citoyens.

Montréal, de son côté, a assoupli ses positions. La Ville a entre autres édulcoré son ancienne réglementation « 20-20-20 », très restrictive et boudée par le secteur de la construction. Sa version révisée donne un peu plus de flexibilité aux promoteurs en termes d’inclusion de logements sociaux.

Dans le cas de l’Institut des Sourdes-Muettes, l’arrondissement du Plateau utilisera les nouveaux « superpouvoirs » accordés par Québec pour contourner toute demande référendaire qui pourrait bloquer le projet.

En plus de ces allègements législatifs et réglementaires, tant à Québec qu’à Montréal, tout le monde se « parlait » au lieu de se confronter. Cela m’a été confirmé par plusieurs sources.

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PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

L’évaluation municipale du site est de 21,4 millions. Le prix de vente pourra être revu à la baisse si le projet soumis maximise le nombre de logements.

La Ville et le gouvernement provincial se sont entendus sur les principaux paramètres du projet. Cette communion a permis de lancer un appel à propositions pas trop restrictif, à la satisfaction de toutes les parties prenantes.

«Nous voulons laisser place à la créativité, nous ne voulons pas mettre trop de limites», m’a résumé le maire du Plateau, Luc Rabouin, en entrevue.

La vente du terrain a été confiée au cabinet Landerz. L’évaluation municipale s’élève à 21,4 millions. La SQI pourrait toutefois accepter un prix inférieur si le projet soumis maximise le nombre de logements.

Cette réduction de prix constituerait une forme de contribution gouvernementale au projet.

Québec envisage aussi immédiatement de financer partiellement 200 logements sociaux ou abordables par l’intermédiaire du PHAQ. Ou participez à une coentreprise ou à un autre type de partenariat. Une mise qui pourrait valoir plusieurs dizaines de millions de dollars.

Un atout majeur pour tout acheteur potentiel.

Une chose est sûre : « Il faudra une densification pour redonner de la valeur à ce bâtiment », m’a dit Simon G. Boyer, président du cabinet Landerz, qui pilote la transaction.

Certains des sept bâtiments seront sans doute démolis. L’acquéreur retenu pourra construire de nouveaux bâtiments sur le site. Une hauteur assez élevée est même envisagée sur la partie sud du terrain.

On pourrait penser à une tour d’une vingtaine d’étages, équivalente à celle des quelques immeubles environnants, situés autour de la station de métro Sherbrooke.

L’objectif est de construire sur le site des centaines de logements abordables ou « hors marché », incluant la rénovation de bâtiments patrimoniaux. Le reste des appartements peut être loué ou vendu en fonction des prix du secteur. C’est cette part qui garantira un certain seuil de rentabilité au projet.

En bref : voici un appel à propositions aux paramètres extra-larges, saupoudré de bonne volonté et assaisonné d’éventuels investissements publics dans le logement social. Un projet qui va intéresser, j’ai l’impression, plusieurs acteurs importants. Peut-être même des consortiums inhabituels, entre le secteur privé et la communauté.

Résultats des courses : 30 janvier.

1. Lire l’éditorial « Arrêtons de tourner en rond chez Blue Bonnets »

2. Lire l’article « Institut des Sourdes-Muettes : « Je n’arrive pas à croire qu’à Montréal, on le laisse dépérir » »

 
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