Le Dconcernant Sylvia Baribeau en parle encore avec choc : « Je faisais des visites sans rendez-vous à Montréal-Ouest, lorsqu’une infirmière m’a tendu un papier et m’a dit : “Ouvre !” » L’instrument gynécologique qui s’y trouvait est resté souillé de tissus humains, après un nettoyage bâclé, raconte le médecin de famille. «Il servait à faire des biopsies [dans l’utérus] et n’avait pas été brossé avant d’être mis à l’autoclave ! J’ai dit : « On va tout arrêter ! » »
Après cette découverte, sept patients du réseau Forcemedic ont dû subir un dépistage en urgence en 2017, puis 80 autres en 2019-2020, alors même que ses six groupes de médecine familiale (GMF) n’avaient plus utilisé de matériel réutilisable depuis deux ans. , nous a dit son ancien PDG, Ricardo Cordeiro. «L’utilisation [d’instruments non stérilisés] peut favoriser la transmission d’infections, notamment de l’hépatite B, de l’hépatite C et du VIH », écrit la Direction régionale de santé publique (DRSP).
L’ancien directeur médical de Forcemedic, le Dr.concernant Sara Parniani avait allégué l’an dernier en Cour supérieure que ce « problème majeur » avait mis « en jeu » sa responsabilité professionnelle et son permis. Et que M. Cordeiro aurait introduit la stérilisation des instruments réutilisables « à son insu ». Tous deux rivalisent alors pour le contrôle de leur entreprise en s’accusant mutuellement d’incompétence. Mais ils l’ont finalement vendu, ont réglé leurs différends et nous ont écrit séparément qu’ils avaient toujours maintenu la qualité des soins.
« Les dépistages se sont révélés négatifs aux 3 virus [recherchés] », affirme la DRSP, qui ne peut pas donner de détails, les enquêtes épidémiologiques étant confidentielles.
Manque contrôle
Cet épisode n’est qu’un des échecs vécus par les GMF et cliniques de la région de Montréal au cours des dernières années, marqués notamment par des fermetures sans préavis, des abandons de dossiers médicaux et des cas de personnel mal formé, révèle notre enquête.
Les associations médicales et la plupart des soignants interviewés estiment qu’un phénomène en plein essor favorise les abus : de plus en plus de cliniques de première ligne où les soins sont payés par la RAMQ appartiennent à des entreprises non contrôlées. par des médecins.
Les actionnaires de ces sociétés et certains médecins affirment plutôt que la présence d’investisseurs améliore l’accès aux soins.
Pour le Collège des médecins, un problème demeure. L’organisation n’a pas le pouvoir d’obliger les gens d’affaires propriétaires de cliniques à respecter les normes qui régissent l’exercice de la médecine. Le Code des professions ne l’autorise pas, a-t-il expliqué cet automne aux parlementaires qui étudient la modernisation de cette loi (PL 67).
L’absence de « mécanismes rigoureux de surveillance et de contrôle » constitue « une menace importante pour la protection du public » et le gouvernement doit « remédier rapidement à la situation. [à ce] maillon faible du système professionnel », fait valoir l’Ordre dans son mémoire. Selon lui, le problème « n’a fait qu’empirer » au cours des dix dernières années, en raison notamment de la « réalité économique » et de « l’explosion de l’offre de services de santé privés ».
Les médecins délèguent une multitude de responsabilités aux propriétaires de cliniques, comme assurer la confidentialité des dossiers ou entretenir les instruments. Ces activités sont régies par de nombreuses règles professionnelles et éthiques, mais certains entrepreneurs les ignorent, nous écrit le Dr Mauril Gaudreault, président du collège.
Lorsque certaines cliniques commerciales ont fermé leurs portes, les cas ont été abandonnés, sans qu’aucun médecin n’en assume la responsabilité. Nous avons dû engager des poursuites judiciaires contre des tiers pour y accéder.
Le Dr Mauril Gaudreault, président du Collège des médecins
Opportunités d’affaires
La majorité des 384 GMF du Québec appartiennent toujours à des médecins, mais plusieurs en ont assez d’administrer de grandes structures ou ont pris leur retraite au cours des dernières années. Il arrive souvent que des entreprises de divers secteurs rachètent leurs cliniques ou en créent de nouvelles.
Ils reçoivent des millions de dollars, puisque le ministère de la Santé finance le fonctionnement du GMF (locaux, équipements, informatisation, certains salaires) et que les médecins leur versent une partie de leurs honoraires.
Plus un GMF traite de patients, plus il reçoit de subventions et de frais de cabinet. Certains entrepreneurs rivalisent donc pour former de petits empires.
Inquiète, la Fédération des médecins généralistes du Québec (FMOQ) a écrit au gouvernement en 2023 et 2024, pour qu’il « exige que les cliniques médicales soient détenues majoritairement par des médecins ».
« L’objectif premier des promoteurs est de faire du profit, et non du bien des patients ! Mais personne ne semble voir ou vouloir voir ce qui se passe », déclare son président, le Dr.r Marc-André Amyot, qui considère les manquements constatés par ses membres, le Collège et La presse.
Les médecins doivent pouvoir refuser un équipement inadéquat ou un personnel mal formé. Face à une grosse chaîne, le médecin de famille est David contre Goliath !
Le Dr Marc-André Amyot, président de la FMOQ
Egalement inquiet, le Dr Samer Daher, président de l’Association des médecins généralistes de Montréal, a interrogé ses confrères propriétaires de cliniques. Ce bilan l’a convaincu que “certains hommes d’affaires ont fragilisé l’offre de soins au détriment des patients” en se livrant à un “braconnage”, ce qui provoque selon lui beaucoup d’instabilité.
« Ils disent aux jeunes médecins : ‘venez, on ne vous obligera pas à travailler le soir ou le week-end’, et les attirent avec des honoraires de pratique anormalement bas, 15 à 20 % au lieu de 30 %. »
Les cliniques qui perdent des médecins à leurs dépens se retrouvent en péril, dit-il. Ils doivent donc réduire leurs propres frais de bureau, ce qui provoque un manque à gagner et les oblige à gratter le fond de leurs tiroirs.
“Même ceux qui ont leurs responsabilités à cœur doivent s’aligner sur le bas”, déclare le médecin généraliste, surpris que n’importe qui puisse acheter une clinique sans détenir une quelconque licence.
Plusieurs soignants interrogés par La presse confirmer ses dires. « Des jeunes sous-payés scannaient les rapports d’examens et les classaient au hasard, ce qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques », relate par exemple une infirmière qui a travaillé plusieurs années dans une GMF appartenant à des investisseurs. Nous ne pouvons pas l’identifier car son employeur lui interdit de parler aux médias.
Sur Google, des dizaines de patients atteints d’ulcères écrivent que les cliniques (très souvent détenues par des investisseurs) ne répondent pas au téléphone et ne rappellent pas, même en cas d’urgence. « Nous avons appelé plus de 100 fois en 2 jours », raconte l’un d’eux.
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Le Dconcernant Sylvia Baribeau l’a vécu chez Forcemedic. « Quand ils ont remplacé nos réceptionnistes par un central, c’est devenu l’enfer ! Il ne répondait même plus aux médecins et l’automatisme indiquait que je n’existais pas ! »
Accélérez le rythme
Autre Source de plaintes récurrentes chez les patients : la rapidité des rendez-vous. Le Dconcernant Baribeau rapporte avoir reçu en consultation des patients qui venaient de voir un autre médecin, sans avoir été examinés, même si elle estime que cela aurait dû être fait. « Certains ont eu une pneumonie ! », s’exclame le médecin généraliste.
Le gouvernement finance alors plusieurs consultations au lieu d’une et s’appauvrit, tandis que la clinique encaisse, dit le D.concernant Baribeau.
Certains médecins effectuent sans doute eux-mêmes les consultations. Mais selon le Dconcernant Isabelle Leblanc, qui préside le mouvement Médecins québécois pour le régime public et travaille dans un GMF universitaire, ses anciens résidents lui confient souvent que « les promoteurs insistent pour qu’ils voient beaucoup plus de patients que ce qu’ils jugent sécuritaires, parce que l’entreprise reçoit un pourcentage de leurs honoraires ».
Lorsqu’un réseau ne s’amortit plus, son déclin peut être chaotique.
Selon cinq anciens médecins de Forcemedic et ce que dit le D.concernant Sara Parniani dans sa demande légale, les dossiers médicaux électroniques de 50 000 patients ont été quasiment déconnectés par un fournisseur impayé en 2023.
Un professionnel non autorisé à parler aux médias affirme que “au final, nous avons manqué de pansements et de récipients pour aiguilles sales, la réponse aux demandes était toujours : ‘non, nous n’avons pas d’argent'”.
L’ergothérapeute Rémi Boulila, qui a racheté les cliniques du groupe, estime que celle de Montréal-Ouest s’est révélée irrécupérable, malgré ses efforts. « Quand nous sommes arrivés, la plupart des médecins étaient partis. Le site était vétuste, à moitié vide et le service de ménage n’était plus disponible. pendant un certain temps », nous a-t-il confié, ce que corroborent les soignants.
En avril, le Dconcernant Sylvia Baribeau a repris les rênes de cette GMF avec deux sœurs. Ils font face à une montagne de tâches administratives, mais le médecin généraliste ne revient pas en arrière : « Je ne veux plus jamais être traité comme un pion ! »
Apprendre encore plus
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- Nombre de GMF à l’été 2024. Ce chiffre était de 375 au 31 mars 2023 et de 366 au 31 mars 2022.
Source : Ministère de la Santé et des Services sociaux