Cour suprême | L’autre couple inquiétant

Cour suprême | L’autre couple inquiétant
Cour suprême | L’autre couple inquiétant

(New York) « Comment avez-vous vécu votre vie ? Êtes-vous vraiment un réactionnaire réprimé ? »


Publié à 00h56

Mis à jour à 6h00

Le 11 janvier 2006, le sénateur républicain de Caroline du Sud Lindsey Graham a voulu aider le juge Samuel Alito en lui posant cette question. D’ici là, les démocrates de la commission judiciaire du Sénat refusent de croire que le choix du président George W. Bush de remplacer la juge Sandra Day O’Connor à la Cour suprême n’ait aucun souvenir « précis » d’un fait non négligeable : son appartenance à un groupe de Princeton. Anciens de l’université fondée en 1972 en opposition aux efforts de cet établissement prestigieux d’accueillir davantage de femmes et de noirs.

Une affiliation que le juge Alito a pourtant mentionné parmi ses qualifications pour le poste de procureur adjoint au sein de l’administration Reagan en 1985.

“Je ne suis pas un réactionnaire”, répond celui qui est déjà connu comme un catholique conservateur dont le respect pour le précédent créé par le jugement Roe c.Wade et légaliser l’avortement est plus qu’incertain.

Mais ce jour-là, ce n’est pas la réponse de Samuel Alito qui a retenu l’attention des médias. Assise derrière le juge, son épouse Martha-Ann, libraire juridique de profession, a fondu en larmes en entendant la question du sénateur Graham, puis a quitté la salle où se déroulait l’audience de son mari.

Des larmes stratégiques ou sincères ? Quoi qu’il en soit, de nombreux observateurs citeront ce moment pour expliquer pourquoi les démocrates ont abandonné leur projet de bloquer la confirmation du futur rédacteur de l’arrêt abrogeant. Roe c.Wade. Les sénateurs Joe Biden, Barack Obama et Hillary Clinton ont certes tenté d’avancer en votant pour le recours à une manœuvre d’obstruction parlementaire (le « flibustier »), mais un nombre suffisant de leurs collègues plus modérés ou timides se sont inclinés devant les larmes de Martha-Ann. Alito.

Dix-huit ans et quelques mois plus tard, Samuel et Martha-Ann Alito reviennent dans l’actualité à cause des drapeaux qui flottent sur leurs propriétés. Résultat : ils forment un couple aussi inquiétant que celui de Clarence et Virginia Thomas à l’approche des décisions de la Cour suprême dans deux affaires majeures.

Vous récuser ?

Ces deux affaires sont liées à l’élection présidentielle de 2020. Dans l’un, Donald Trump demande l’immunité pénale pour ses actions à la Maison Blanche visant à lui permettre de s’accrocher à la présidence, notamment son discours et ses tweets du 6 janvier 2021, qui ont contribué à l’attaque de ses partisans contre le Capitole.

Dans l’autre affaire, un ancien policier conteste une loi invoquée parmi les charges retenues contre lui et plus de 300 autres personnes condamnées ou inculpées en lien avec l’attaque du Capitole, dont l’ex-président.

La neutralité du juge Thomas dans ces affaires a été remise en question en raison de la participation de son épouse aux efforts de Donald Trump pour annuler les résultats de l’élection présidentielle de 2020. Cependant, malgré les pressions, le doyen de la Cour suprême refuse de se récuser pour ces causes.

Dans le cas de Samuel Alito, c’est un drapeau américain hissé à l’envers par son épouse au-dessus de la propriété du couple à Alexandria, en Virginie, qui remet en cause sa neutralité. LE Washington Post a révélé samedi qu’un de ses journalistes avait interrogé les Alitos devant leur résidence, le 20 janvier 2021, jour de l’investiture de Joe Biden, à propos de ce drapeau.

“C’est un signal de détresse international !” », a crié Martha-Ann, très en colère contre le journaliste, selon le récit du Poste.

Dans l’armée américaine, lever un drapeau à l’envers est en réalité un signal de détresse. Mais c’est aussi devenu un signe de contestation politique que les partisans de Donald Trump ont adopté après l’élection présidentielle de 2020 et brandi lors de l’attaque du Capitole.

Samuel Alito a nié toute implication dans l’histoire du drapeau à l’envers dans des courriels adressés à New York Timesqui a publié un article sur le sujet le 16 mai, et Washington Postqui a choisi de ne rien écrire sur le sujet en janvier 2021. Dans une interview à Fox News, le juge a expliqué que son épouse avait soulevé le drapeau à l’envers en réaction aux affiches et aux commentaires grossiers d’un voisin.

“Fuck Trump”, proclamait une affiche dont Martha-Ann s’était plainte, ce qui lui aurait valu d’être traitée de “salope” par le voisin.

Le juge Alito n’a pas commenté un article plus récent du New York Times à propos de la présence d’un autre drapeau controversé, qui flottait l’été dernier devant une maison de vacances qu’il possédait dans son New Jersey natal.

Il s’agissait du drapeau « Un appel au ciel », qui remonte à la guerre d’indépendance américaine et a été adopté ces dernières années par les chrétiens de droite et les partisans de Donald Trump, dont certains ont été brandis lors de l’attaque du Capitole.

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PHOTO MICHAEL PEREZ, PRESSE ASSOCIÉE

Le drapeau « An Appeal to Heaven », brandi par les partisans de Donald Trump en 2020

Était-ce une autre initiative de Martha-Ann Alito sur laquelle son mari a choisi de fermer les yeux ? Ou est-ce un drapeau auquel Samuel Alito s’identifie ?

Selon les normes en vigueur au sein de la justice fédérale, les juges doivent se récuser en cas de partialité réelle ou apparente. D’où l’avis de plusieurs juristes selon lesquels les juges Thomas et Alito devraient se récuser des affaires liées à l’élection présidentielle de 2020 en raison des agissements de leurs épouses.

Mais Samuel Alito est aussi imperméable à la pression que Clarence Thomas. Sa femme l’est peut-être moins, à en juger par son signal de détresse de 2021 et ses larmes de 2006.

 
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