Cerveau, interactions sociales et autisme

Cerveau, interactions sociales et autisme
Cerveau, interactions sociales et autisme

Guillaume Dumas

Crédit : Faculté de médecine, Université de Montréal

Au-delà de la génétique et du cerveau des personnes autistes, que se passe-t-il physiologiquement, comportementalement et cérébralement lors des interactions sociales ? Et en quoi ces éléments diffèrent-ils chez les enfants neurotypiques ?

Un nouveau projet dirigé par Guillaume Dumas, chercheur au CHU Sainte-Justine et professeur à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, vise à mieux comprendre les déterminants sociaux de l’autisme grâce à une approche multiniveaux. Ce projet, appelé SCALE (Social Cognition in Autism across Levels), est réalisé avec une équipe de recherche du CHU Sainte-Justine comprenant Laurent Mottron, Baudouin Forgeot D’Arc, Patricia Conrod et Sébastien Jacquemont, tous professeurs à la Faculté de médecine, et Anne Gallagher, Sarah Lippé et Karim Jerbi, du Département de psychologie de l’Université de Montréal.

Au moyen duhyperscanning, technique permettant d’enregistrer simultanément l’activité cérébrale de plusieurs personnes, le projet SCALE vise à caractériser précisément la dynamique des interactions entre les jeunes autistes et leurs parents afin de conduire au développement d’outils de diagnostic clinique et d’intervention personnalisée. Des entretiens individuels avec des patients partenaires enrichiront ces données en ajoutant une dimension subjective.

En ce dernier jour du Mois de l’Autisme, découvrez cette initiative qui pourrait transformer notre regard sur ce trouble neurodéveloppemental.

Explorer les bases biologiques de l’interaction sociale

Recherche basée sur l’électroencéphalographie simultanée de plusieurs individus (hyperanalyse-EEG) a révélé qu’une certaine convergence de l’activité neuronale peut se produire lors des interactions sociales. Ce phénomène, appelé « synchronisation neuronale interpersonnelle » (NIS), a été associé à plusieurs avantages en matière de communication.

Considérant le potentiel important du SNI dans le traitement de l’autisme, le projet SCALE vise désormais à démontrer son utilité clinique en analysant les interactions des jeunes avec leur mère ou leur père. Au total, 80 jeunes âgés de 6 à 16 ans participeront à l’étude avec un de leurs parents afin que l’équipe puisse récolter des données sur les signaux comportementaux, physiologiques et cérébraux. Les données d’un groupe d’environ 40 jeunes diagnostiqués autistes et de leurs parents seront comparées à celles d’un groupe témoin composé du même nombre d’enfants neurotypiques.

L’analyse par intelligence artificielle de ces grands ensembles de données permettra de mesurer les différences entre les deux groupes. « L’idée est de voir à quel point le rapport à autrui est différent, mais aussi comment les personnes neurotypiques – ici, les parents – interagissent différemment avec un enfant autiste et un enfant neurotypique », explique Guillaume Dumas, également professeur. en psychiatrie computationnelle à l’Université de Montréal.

Comprendre l’autisme à travers l’interaction sociale

Pour le professeur Dumas, les dimensions sociales sont cruciales pour comprendre l’autisme. « Ce trouble est souvent perçu comme un déficit de la personne, notamment sur le plan social », poursuit le chercheur. Mes recherches et celles de plusieurs collègues indiquent plutôt que le nœud du problème réside dans l’interaction elle-même. On dit souvent par exemple que les personnes vivant avec l’autisme ont du mal à deviner les émotions des autres, mais l’inverse est également vrai : les personnes neurotypiques ont beaucoup de mal à interpréter les émotions des personnes autistes. Il y a donc une difficulté relationnelle qui relève de la responsabilité des deux personnes. Cependant, jusqu’à présent, les neurosciences ont accordé très peu d’attention à cet aspect interactionnel de l’autisme. »

La place de la dimension subjective

A ces données quantitatives s’ajouteront des analyses d’entretiens afin d’aborder la dimension subjective chez les patients, réalisées par la doctorante Anne Monnier le Dr.r Oublié d’Arc. Cette section vise à explorer comment les expériences subjectives se construisent dans une dynamique d’interaction sociale.

« L’objectif est d’expliquer le regard des jeunes autistes sur leurs propres expériences, de se mettre à leur place », explique Anne Monnier. Cela nous permettra de mieux comprendre les facteurs liés à l’environnement social et à l’environnement familial. Il s’agit d’un aspect très innovant du projet, car la participation de patients partenaires est encore rare dans la recherche en neurosciences.

Les technologies de pointe et l’approche utilisée permettront à l’équipe de développer un modèle prédictif à plusieurs niveaux de l’autisme pour opérationnaliser l’utilisation dehyperanalyse-EEG en clinique. Mais plus encore, le projet SCALE nous invite à repenser l’autisme dans sa dimension fondamentale, appuyée par des données solides.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Le tueur en série Robert Pickton victime d’une « agression majeure » en prison
NEXT Quinté+ : Centrical, la base solide du Quinté de ce mardi 21 mai