Alors que l’application chinoise TikTok semble se rapprocher de plus en plus d’une interdiction imminente aux Etats-Unis prévue le 19 janvier, les experts pointent le double standard dans la gestion des réseaux sociaux chez nos voisins du Sud.
Une chose est sûre, la réélection de Donald Trump aux États-Unis semble apporter une vague de changements importants dans le paysage des médias sociaux au sud de la frontière.
Le téléchargement de TikTok pourrait devenir impossible aux Etats-Unis à compter du 19 janvier. L’avenir de l’application, dont la réputation n’est plus à faire auprès des jeunes, est entre les mains de sa maison mère chinoise. ByteDance.
Le Congrès américain a adopté en mars dernier une loi autorisant ByteDance à vendre TikTok et à rompre les liens avec son application populaire, la considérant comme une menace pour la sécurité nationale. Le Congrès avance que les données personnelles des utilisateurs risquent d’être transmises au gouvernement chinois, estimant que Pékin pourrait utiliser le réseau social à des fins de propagande ou de désinformation.
En effet, la loi chinoise peut obliger les entreprises à partager les informations collectées telles que la géolocalisation et l’adresse IP de leurs utilisateurs.
Les juges de la Cour suprême des États-Unis se sont donc penchés vendredi sur une éventuelle interdiction de TikTok, même si pour l’instant, tout indique qu’elle sera maintenue malgré la demande du président élu Donald Trump, fin décembre, de suspendre son activité. menace d’interdire le pays. Contre toute attente, il a pris la défense de l’application ces derniers mois, contredisant quelque peu son mantra Rendre sa grandeur à l’Amérique
(Rendre sa grandeur à l’Amérique
).
Tout indique que la justice américaine maintiendra la décision des élus du Congrès, au printemps dernier, d’obliger ByteDance à vendre la partie américaine de TikTok ou d’interdire la distribution de l’application si l’entreprise chinoise refuse.
Photo : Reuters / Dado Ruvić
S’il ne parvient pas à annuler la décision du Congrès, il pourrait convaincre les élus de le faire, voire suspendre son entrée en vigueur. Cela plongerait encore l’avenir de l’application dans l’incertitude, puisque l’interdiction pourrait être rétablie à tout moment si le président le souhaite.
Pour te défendre, ByteDance discute de la liberté d’expression tout en défendant le premier amendement. La société a également déjà indiqué que Pékin n’autoriserait pas la vente de l’application.
Nous ne fermons pas une plateforme d’expression car nous craignons que les propos exprimés soient dangereux
a répondu l’ancien solliciteur général des États-Unis, Noel Francisco, aujourd’hui avocat de l’entreprise chinoise dont le chiffre d’affaires projeté pour 2025 devrait atteindre 10 milliards de dollars américains, selon les données de Statista.
TikTok maintient qu’il n’y a aucune preuve que l’entreprise a fourni des données au gouvernement chinois et ajoute qu’il existe des moyens de rendre cela impossible, par exemple en sous-traitant la gestion des données à une entreprise dotée de serveurs sécurisés.
ByteDance a donc probablement jusqu’au 19 janvier pour vendre la plateforme qui, rien qu’aux Etats-Unis, compte 170 millions d’utilisateurs.
Même si la loi américaine avance, les utilisateurs qui disposent déjà de l’application sur leur téléphone portable pourront continuer à l’utiliser, mais ne pourront plus faire de mises à jour, ce qui rendra l’application obsolète dans un futur proche.
Les plus expérimentés auront néanmoins toujours la possibilité de se connecter à un VPN faire semblant d’y accéder depuis un autre pays.
Liberté d’expression à géométrie variable
Plusieurs autres sociétés, comme les géants du commerce en ligne Temu et Amazon, ont cependant des liens avec la Chine et sont tolérées aux États-Unis.
Si le Congrès américain revient sur sa décision sur l’avenir de TikTok, cela montrerait qu’il existe une liberté d’expression à géométrie variable selon l’origine de la plateforme
déplore le spécialiste du fact-checking et de l’éducation aux médias, Laurent Bigot, en entrevue samedi à l’émission Les faits d’abord, animée par Alain Gravel.
Que [ces chefs d’entreprises] Ce qu’ils demandent lorsqu’ils parlent de liberté d’expression, c’est l’absence de réglementation. Ils prônent l’impossibilité de limiter quoi que ce soit, y compris les propos les plus véhéments qui animent ces réseaux afin de garantir qu’ils génèrent des revenus.
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Mark Zuckerberg a fait d’autres annonces dans une vidéo publiée sur ses réseaux sociaux mardi.
Photo : Facebook/Mark Zuckerberg
Qu’il s’agisse de TikTok ou de Facebook – qui a mis fin cette semaine au fact-checking sur sa plateforme aux Etats-Unis par des organismes indépendants – ce sont [entités] qui est là pour faire entreprise quoi qu’il en coûte pour nos démocraties
ajoute l’expert.
Pour Mark Zuckerberg, mettre fin à son programme de fact-checking est un moyen de contrecarrer la censure sur les réseaux sociaux, estime le spécialiste.
Pour lui, dès qu’il y a une forme de règle, il y a censure, indique M. Bigot, tandis que Meta lui-même établit des règles lorsqu’il souhaite limiter le travail de vérification des faits.
Zuckerberg n’a jamais voulu, par exemple, que le fact-checking (qui était par ailleurs très sommaire et effectué par des tiers comme les médias) puisse s’appliquer au domaine politique. C’est une règle qu’il n’a jamais hésité à mettre en place, avance M. Bigot.
Pour le professeur au Centre de recherche en droit public de l’Université de Montréal, Pierre Trudel, la récente annonce de Mark Zuckerberg n’est autre qu’une sorte d’ajustement de la part de Meta à la tendance forte incarnée par la réélection de Donald Trump. vers une conception beaucoup plus libertaire de la liberté d’expression et moins soucieuse d’assurer un équilibre.
La nouvelle se veut inquiétante aux yeux du professeur, qui a l’impression qu’elle pourrait avoir pour effet deaccentuer l’absence d’informations fiables sur les réseaux sociaux
. Ce sont des plateformes où l’on multiplie les mécanismes pour générer des clics et du trafic. Le modèle économique des médias sociaux consiste à transformer l’attention des internautes de manière à maximiser tout en dollars publicitaires. Ce n’est pas un modèle qui valorise la vérification des informations établies de manière rigoureuse.
Selon le professeur, cette récente décision de Meta peut avoir de graves conséquences sur la manière dont nous obtenons l’information et par conséquent sur la démocratie puisque Facebook, Instagram et WhatsApp sont les principaux espaces publics d’échange.
Un retard flagrant de régulation de la part des États
Les États ont mis beaucoup de retard à établir un certain équilibre dans ce qui est actuellement régi par le marché du brut. Les impératifs démocratiques associés à la vérification des faits, à la rigueur de l’information, au fait de faire la différence entre une mode et un fait vérifiable tombent à l’eau, faute d’exigences et d’obligations, estime M. Trudel.
Les États ont actuellement besoin de très peu de plateformes, que ce soit TikTok ou Facebook, pour faire leur travail en ce sens. En Amérique comme en Europe, ils interviennent en réalité très peu pour rendre ces plateformes responsables et transparentes quant à leurs algorithmes.
M. Bigot estime cependant que les Etats ont bel et bien les moyens de réguler ces mastodontes de la communication dont les propriétaires semblent se rapprocher de plus en plus des dirigeants politiques.
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Le président élu des États-Unis, Donald Trump, s’exprime à Mar-a-Lago à Palm Beach, en Floride, le 7 janvier 2025.
Photo : Reuters / Carlos Barria
Mark Zuckerberg, comme plusieurs de ses compatriotes et concurrents, multiplie les avances envers Donald Trump depuis cet été, et surtout depuis sa réélection.
Le patron de Meta a notamment dîné en novembre avec M. Trump à sa résidence de Mar-a-Lago, en Floride, dans un geste perçu comme une volonté d’apaiser les relations avec le futur président des Etats-Unis.
Autre geste adressé au camp républicain : Meta a nommé un fidèle de M. Trump, Joel Kaplan, à la tête de ses affaires publiques, en remplacement de l’ancien vice-Premier ministre britannique, Nick Clegg, démissionnaire.
Nous subirons les bouleversements de Trump, les revirements de Zuckerberg et d’autres chefs d’entreprise qui cherchent essentiellement à assurer la protection de leurs intérêts.
Le spécialiste de la vérification des faits note que tout part d’un malentendu avec ces plateformes. Ils ne sont pas considérés comme des éditeurs, mais uniquement comme des outils de diffusion
il explique. Ainsi, ils ne relèvent pas d’un certain nombre de lois ou de règles applicables à tout autre type d’éditeur.
Pierre Trudel estime que c’est le prix à payer de la part des États pour avoir tardé à agir de manière concertée afin de répondre aux pressions des plateformes numériques.
Si l’Australie, l’Europe et le Canada travaillaient davantage ensemble, cela pourrait peut-être contribuer à rééquilibrer cette situation. bulldozer ce qui ronge notre droit à l’information.
Ce revirement en matière de vérification des faits a suscité une vague d’inquiétude dans de nombreux pays, de l’Europe à l’Australie en passant par le Brésil.LUI et le Conseil de l’Europe.
Le réseau international de vérification des faits IFCN a même qualifié l’argument de justification avancé par Mark Zuckerberg de « fact-checking » était politiquement orienté
et conduit trop de censure
comme faux.
Si Meta généralisait au monde entier sa décision, qui ne concerne pour l’instant que les Etats-Unis, cela aurait des conséquences dramatiques.
a prévenu le réseau qui regroupe plus de 130 organisations, dont l’Agence -.
Le Haut-Commissaire duLUI pour les droits de l’homme, Volker Türk, a également affirmé vendredi que la réglementation des contenus haineux en ligne il n’y avait pas de censure
.
Mark Zuckerberg a justifié sa décision mardi par son inquiétude pour restaurer la liberté d’expression [ses] plates-formes
à l’approche du retour à la Maison Blanche le 20 janvier de Donald Trump, qui critique durement Facebook depuis plusieurs années.
Tout bien considéré, les critiques s’accordent sur le fait que ce qui est laissé de côté dans ce type de situation, c’est le droit du public à une information de qualité.
With information from Aimée Lemieux and Agence -