une épreuve de force pour Bruno Retailleau

une épreuve de force pour Bruno Retailleau
une épreuve de force pour Bruno Retailleau

“L’Algérie cherche à humilier la .” En déplacement à Nantes, Bruno Retailleau n’a pas tourné autour du pot. Interrogé sur le retour, jeudi, en France de l’influenceur algérien Doualemn expulsé le même jour vers son pays, le ministre a estimé que “nous avions atteint un seuil extrêmement inquiétant avec l’Algérie”. Cet influenceur de 59 ans a été interpellé à Montpellier, après une vidéo postée sur TikTok où il avait lancé des appels au meurtre en ligne. Placé mardi dans un centre de rétention administrative (CRA) à Nîmes, il a été mis dans un avion jeudi après-midi, mais a été renvoyé en France jeudi soir, l’Algérie l’ayant “interdit de territoire”, selon le ministère de l’Intérieur. « La France ne peut pas tolérer cette situation. Nous devons désormais évaluer tous les moyens dont nous disposons vis-à-vis de l’Algérie pour défendre nos intérêts”, a-t-il appelé, soulignant que ces mesures doivent être étudiées “au plus haut niveau”, par le Président et le Premier ministre.

“Le ministre de l’Intérieur a voulu faire un coup de pub qui lui est revenu en face”

Cinq mois après sa prise de fonction, Bruno Retailleau, qui promet régulièrement sur ses réseaux et dans les médias, de ne « rien lâcher » face à « l’entrisme » des Frères musulmans, voit, pour la première fois, son autorité publiquement remis en question.

« C’est une affaire lamentable. Tolérance zéro pour ce type d’influenceurs, mais le ministre de l’Intérieur a voulu faire un coup de pub qui lui est revenu en face. Il ne peut pas se permettre de s’agiter sur des sujets aussi importants dans un contexte de dégradation de la voix de la France en Afrique », fustige le président du groupe socialiste au Sénat, Patrick Kanner.

« Le pouvoir politique algérien ne veut pas de réconciliation »

Ce bras de fer s’inscrit en fait dans une relation bilatérale déjà dégradée entre la France et l’Algérie. L’arrestation de Boualem Sansal, écrivain franco-algérien, mi-novembre à son arrivée en Algérie, avait déjà été perçue en France comme une réponse du gouvernement algérien à la reconnaissance par la France cet été de la souveraineté marocaine sur le Sahara. Occidental. Pour le sénateur des Hauts-de Seine, Roger Karoutchi, les relations franco-algériennes sont exploitées à des fins de politique intérieure par le président de la République algérienne. « Pour assurer sa crédibilité, le président Tebboune a compris qu’il avait tout intérêt à mobiliser l’opinion publique de son pays contre l’ancienne puissance coloniale. Le pouvoir politique algérien ne veut pas de réconciliation. Quand on écoute certains ministres algériens, on a l’impression que leurs ressortissants subissent l’apartheid en France. Avant même la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, le président Tebboune avait annulé à trois reprises un voyage en France. Bruno Retailleau a raison. Nous n’avons pas d’autre choix que d’aller vers le rapport de force », souligne-t-il.

Parmi les pistes dont dispose l’exécutif, l’une d’entre elles est régulièrement évoquée par le ministre de l’Intérieur : la dénonciation de l’accord franco-algérien signé le 27 décembre 1968 et qui, selon Bruno Retailleau, permet aux Algériens de bénéficier de « très des conditions avantageuses en matière d’immigration familiale avec des dérogations aux dispositions de droit commun», a-t-il expliqué en novembre dernier devant la commission des lois du Sénat.

« Le repentir et la culpabilité persistante sont ce qui nous a amenés là où nous en sommes aujourd’hui. »

« Il faut arrêter d’être gentil avec ce pays qui se moque de nous. Il doit être considéré comme les autres. La guerre d’Algérie est loin derrière nous. Le repentir et la culpabilité permanente sont ce qui nous a amené à la situation actuelle. En refusant l’accès à son territoire à un de ses ressortissants muni d’un passeport en cours de validité, l’Algérie a commis une faute et la France doit le dire haut et fort», soutient la sénatrice LR, Jacqueline Eustache-Brinio.

Le député centriste Philippe Bonnecarrère qui était, l’année dernière, en tant que sénateur, co-rapporteur sur la loi immigration, conseillerait plutôt de procéder par étapes. «Renouer de bonnes relations avec l’Algérie semble actuellement hors de portée. La question est de savoir si la France va hausser le ton ou éviter la surenchère ? Dénoncer l’accord de 68, bloquer les transferts d’argent vers l’Algérie… sont des mesures qui visent M. et Mme Tout le monde et non la Nomenklatura algérienne. Et on l’a vu il n’y a pas si longtemps avec la conditionnalité de la délivrance des visas sur les laissez-passer consulaires, cette politique est un échec. C’est pourquoi je propose plutôt de réduire drastiquement le nombre de passeports de service qui sont l’équivalent des passeports diplomatiques.»

A gauche, la sénatrice socialiste Corinne Narassiguin, co-rapporteuse d’une mission d’information sur les accords internationaux conclus par la France en matière migratoire, souligne la “précipitation” du ministre à expulser ce ressortissant algérien alors que “la justice faisait son travail”. Il doit, en effet, être jugé le 24 février à Montpellier. «Bruno Retailleau fait preuve d’une obsession à dénoncer cet accord de 68. On ne peut donc pas s’étonner que les Algériens ne soient pas coopératifs. Nous pouvons, à cet égard, nous inspirer de ce que nous avons fait avec le Maroc, avec lequel les relations ont été tendues ces dernières années. Depuis que nous avons repris des relations normalisées, nous avons pu discuter de politique migratoire.» Prenant le contrepied des élus LR cités plus haut, le sénateur les exhorte « à accepter que la France entretienne des relations spécifiques avec l’Algérie ». « À l’exception de la Nouvelle-Calédonie, c’est la seule ancienne colonie de peuplement de France. Il y a quelque chose d’organique dans cette proximité historique. Le durcissement des conditions de regroupement familial ou autre n’empêchera pas les nombreuses familles franco-algériennes de perdurer et de s’agrandir.»

« Cette affaire sera aussi un test pour les autres membres du gouvernement »

Le sénateur écologiste Guy Benarroche s’interroge sur le choix du ministre de précipiter l’expulsion de cet « influenceur » sans avoir l’accord préalable de l’Algérie. “Soit c’est délibéré, soit c’est de l’amateurisme.” Un point soulevé par les avocats de « Doualemn » que Beauvau n’a pas encore éclairci. Le sénateur écologiste voit dans cette affaire « l’exploitation par Bruno Retailleau du corpus idéologique de l’extrême droite à des fins de politique intérieure ».

« Bruno Retailleau est dans son rôle absolu. Il avait aussi prévenu après la chute du gouvernement Barnier qu’il ne resterait au pouvoir que s’il avait les moyens de mener une politique migratoire efficace », répond Roger Karoutchi avant de conclure : « Cette affaire sera aussi un test pour les autres membres du parti. le gouvernement.

 
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