Sous pression depuis plusieurs semaines en raison de nombreux revers politiques et du risque d’une crise économique avec les États-Unis, le Premier ministre canadien a annoncé sa démission, lundi 6 janvier.
Après presque dix ans à la tête du Canada, l’ère Justin Trudeau touche à sa fin. Le Premier ministre a annoncé sa démission lundi. Des rumeurs circulaient depuis dimanche soir après la publication d’un article dans le quotidien Le Globe and Mail . Le Premier ministre aurait indiqué vouloir quitter la présidence de son parti, le Parti libéral, avant une réunion cruciale prévue le mercredi 8 janvier. Lundi après-midi, le chef aurait déclaré que «malgré tous les efforts, le Parlement est paralysé depuis des mois […] “C’est pourquoi j’ai l’intention de démissionner de mes fonctions de chef du parti et de Premier ministre une fois que le parti aura trouvé un remplaçant.”.
« Pendant les vacances, j’ai eu le temps de réfléchir avec ma famille. Toute la réussite de ma carrière est due à leur soutien »a-t-il confié, avant d’assurer avec un sourire qu’il avait « toujours préoccupé par les Canadiens ». « Le pays mérite un choix clair et réel »» affirma-t-il avec détermination.
Cette annonce intervient à moins de dix mois des prochaines élections législatives – qui auront lieu en octobre – et après que Justin Trudeau ait exprimé son intention de se représenter. Mais la montée de son impopularité au sein de son parti comme auprès des Canadiens, et une potentielle crise économique avec les États-Unis de Donald Trump l’ont poussé à repenser sa place dans la politique de son pays. Le Figaro fait le point sur les raisons de sa démission.
Grave crise politique au sein de son parti
Cela fait plusieurs mois qu’une grave crise secoue le Parti libéral au pouvoir, qui a essuyé une série de revers politiques. Depuis l’été dernier, neuf ministres ont quitté le gouvernement ou ont annoncé qu’ils ne voulaient pas se présenter aux prochaines élections fédérales. Le Premier ministre a notamment perdu le soutien de son principal allié de gauche, Jagmeet Singh, mettant fin à une alliance conclue il y a trois ans. En quittant le navire, le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD) n’a pas mâché ses mots contre ses anciens collègues : « Les libéraux sont trop faibles, trop égoïstes et trop proches des ultra-riches pour se battre pour le peuple. »
Le gouvernement de Justin Trudeau a survécu de peu à une série de votes de censure initiés par l’opposition conservatrice qui gagne en popularité dans les sondages. Dans le même temps, les détracteurs du Premier ministre réclamaient sa démission.
Mais le coup de tonnerre a frappé le 16 décembre avec la démission surprise de la vice-première ministre et poids lourd du gouvernement, Chrystia Freeland, qui a encore fragilisé Justin Trudeau. La ministre des Finances s’est justifiée en arguant contre les menaces de Donald Trump d’imposer des droits de douane de 25 % sur tous les produits canadiens. « Aujourd’hui, notre pays est confronté à un grand défi. La nouvelle administration américaine poursuit une politique agressive de nationalisme économique[…] Nous devons prendre cette menace au sérieux.a-t-elle expliqué dans une lettre publiée sur X. Car le retour du milliardaire américain à la tête des Etats-Unis marque le début d’une crise économique pour le Canada.
Risque de crise économique avec les Etats-Unis
A peine élu, Donald Trump a menacé Ottawa de représailles économiques, la principale étant cette augmentation de 25 % des tarifs douaniers. L’accord entre le Canada, les États-Unis et le Mexique (ACEUM – anciennement Nafta) devra être renégocié en 2026, voire cette année. Chrystia Freeland a été la négociatrice canadienne en 2017, avec succès. Face aux menaces de guerre tarifaire, l’ancien vice-premier ministre a mis en garde sur la nécessité de préserver la capacité budgétaire du Canada. Pendant ce temps, Justin Trudeau multipliait les cadeaux fiscaux pour faire plaisir aux électeurs. Le Premier ministre s’est toutefois rendu en Floride en novembre pour rencontrer Donald Trump dans sa propriété de Mar-a-Lago afin d’éviter une guerre commerciale.
Mais depuis, Donald Trump, qui prendra ses fonctions de président le 20 janvier, a porté des coups humiliants à Justin Trudeau sur les réseaux sociaux, l’appelant à plusieurs reprises. “gouverneur” du Canada. Le futur homme fort des États-Unis ne cesse de parler du Canada comme du 51e État des États-Unis. « De nombreux Canadiens souhaitent que le Canada devienne le 51e État. Ils économiseraient énormément en impôts et en protection militaire. Je pense que c’est une excellente idée.il a tweeté, par exemple.
Popularité en baisse
Longtemps plébiscité pour le charme de sa jeunesse, celui qu’on surnomme «Kid Kodak» car son éternel sourire de bon élève a vu sa popularité chuter. Justin Trudeau est perçu par la population comme responsable de la forte inflation qui frappe le pays ainsi que de la crise du logement et des services publics. La place préférée dans le cœur des Canadiens est désormais occupée par Pierre Poilièvre, le chef du parti conservateur présenté comme le Canadien Donald Trump, qui dispose de 45 % d’intentions de vote aux prochaines élections législatives, contre 25 % pour Justin Trudeau.
Avec son nouveau statut, le rival du Premier ministre lui reproche ouvertement son incapacité à faire face à la hausse du coût de la vie, à la crise du logement et à la criminalité, alors que la dette nationale a doublé. C’est ce même adversaire politique qui est à l’origine de la motion qui a failli faire tomber le gouvernement de Justin Trudeau.
Pour tenter d’enrayer son déclin, le Premier ministre est même revenu en octobre dernier sur l’un de ses engagements phares : l’immigration. Celui qui promettait d’accueillir 500 000 immigrés par an, a finalement revu les quotas à la baisse, tablant plutôt sur 395 000 nouveaux arrivants en 2025, puis 380 000 l’année suivante et 365 000 en 2027. Ce rétropédalage s’explique par la publication d’un sondage révélant que 60 % des Canadiens estimaient qu’il y avait trop d’immigration.
Ce ralentissement de sa politique migratoire ne suffit cependant pas à lui faire gagner des points de popularité, l’obligeant à n’envisager qu’une seule solution : la démission.