Que reproche-t-on à Nicolas Sarkozy, jugé à partir de ce lundi ?

Que reproche-t-on à Nicolas Sarkozy, jugé à partir de ce lundi ?
Que reproche-t-on à Nicolas Sarkozy, jugé à partir de ce lundi ?

Nicolas Sarkozy et 12 autres personnes sont jugés par le tribunal correctionnel de Paris dans l’affaire dite du financement libyen de la campagne présidentielle de 2007.

C’est une affaire titanesque, pleine de rebondissements, qui a donné naissance à d’autres affaires dans l’affaire. L’affaire de soupçons de financement illégal de la campagne présidentielle de 2007 par des fonds libyens arrive ce lundi 6 janvier devant le tribunal correctionnel de Paris. Un procès qui marque le retour de Nicolas Sarkozy devant les juges.

L’ancien président de la République est jugé pour « financement illégal d’une campagne électorale », « corruption passive », « recel de détournement de fonds publics » et « association de malfaiteurs ».

Dans les 557 pages de l’ordonnance de renvoi, les juges constatent « le pacte de corruption conclu entre Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi » et considèrent que le premier était parfaitement informé des « actions qui, la plupart du temps, ont été initiées par (ses) fermer”. Des actions qui ne pouvaient « être entreprises sans l’accord et la parfaite connaissance des faits » du principal concerné.

Comme dans les autres affaires le visant, Nicolas Sarkozy rejette totalement les accusations qui le concernent : non, il n’a pas reçu un seul centime du régime de l’ancien dictateur libyen Mouammar Kadhafi pour financer sa campagne victorieuse de 2007. Définitivement condamné à un an de prison. En prison en décembre dernier dans l’affaire dite de « Paul Bismuth », il comparaîtra « déterminé » devant les juges pour un long procès qui durera quatre mois.

« Le régime libyen n’avait pas de relations privilégiées avec la », insiste l’avocat de Nicolas Sarkozy, Me Christophe Ingrain. “Le tribunal doit se concentrer sur la réalité des faits et se distancier de cette théorie vague.”

Valises de billets et virements

Treize ans après les révélations de Mediapartet dix ans d’enquête plus tard, 13 personnes ont été déférées au tribunal correctionnel de Paris. En 2012, les médias d’investigation en ligne publiaient une note des services secrets libyens tendant à prouver que le régime avait versé 50 millions d’euros au camp Sarkozy peu avant le début de la campagne. Une affirmation qui s’ajoute aux déclarations du fils de Kadhafi un an plus tôt qui évoquait pour la première fois, dans un entretien à Euronews, le financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy.

En 2013, la justice française s’est saisie de l’affaire et a ouvert une information judiciaire le 19 avril pour notamment « corruption » et « trafic d’influence ». Les juges s’appuient également sur les déclarations du controversé homme d’affaires franco-libanais Ziad Takkiedine qui, interrogé par le juge Van Ryumbeke quelques mois plus tôt dans une autre affaire, affirmait détenir la preuve de ce financement. Il a ensuite expliqué avoir remis trois valises de billets au ministère de l’Intérieur, alors occupées par un certain… Nicolas Sarkozy.

Dans cette affaire, sont mis en cause de très proches proches de l’intéressé, à commencer par Claude Guéant, son directeur de cabinet à Beauvau et directeur de campagne en 2007. Lors d’une perquisition, les enquêteurs ont découvert un versement de 500 000 euros depuis l’étranger sur l’un de ses comptes bancaires. Claude Guéant s’est toujours défendu en affirmant que l’argent provenait de la revente de deux tableaux flamands.

Le banquier responsable de cette transaction a toutefois été identifié comme étant Wahib Nacer. Il se trouve également être le gestionnaire de fortune de Bachir Saleh, patron du fonds d’investissement libyen en Afrique et ancien secrétaire particulier de Mouammar Kadhafi. Eux aussi comparaîtront à partir de ce lundi, tout comme deux autres ex-membres du clan Kadhafi.

Homologues diplomatiques

D’autres éléments sont venus étayer les soupçons de la justice, qui tente notamment de déterminer si Nicolas Sarkozy avait connaissance de ces versements. Ziad Takieddine, reconnu coupable depuis de diffamation, avait publiquement assuré avoir remis l’argent à Claude Guéant, lorsqu’il était directeur de cabinet à Beauvau, parfois en présence du ministre de l’époque, Nicolas Sarkozy. Dans une carte appartenant à un ancien dignitaire libyen décédé en avril 2012, des inscriptions ont été retrouvées recensant plusieurs versements cachés au candidat pour un montant de 6,5 millions d’euros.

“Plusieurs proches de Nicolas Sarkozy ont régulièrement joué le rôle d’intermédiaires, tantôt officiels – Claude Guéant et Brice Hortefeux – tantôt officieux – Alexandre Djouhri et Ziad Takieddine – afin d’obtenir un soutien financier des autorités libyennes”, ont-ils également indiqué. » écrivent les deux juges d’instruction. Ce soutien financier a été apporté en échange de « compensations diplomatiques, économiques et judiciaires » au profit du régime libyen.

L’un de ces avantages demandés au candidat devenu président était, selon les juges, de tenter d’annuler un mandat d’arrêt émis à l’époque par la justice française contre le chef des renseignements du régime de Kadhafi, Abdallah Senussi. Ce dernier est considéré comme à l’origine de l’explosion en 1989 d’un avion de la compagnie française UTA au-dessus du désert nigérien, victime d’un attentat à la bombe. Les 170 passagers et membres d’équipage sont morts. La Libye a accepté en 2004 d’indemniser les familles, reconnaissant cette attaque.

A cette intervention s’est ajoutée, selon les familles des victimes de l’attentat, « l’entreprise de réhabilitation » de Mouammar Kadhafi accueillie en grande pompe en France après l’élection de Nicolas Sarkozy. Entre vingt et cinquante proches de ces victimes demanderont à se constituer partie civile à l’ouverture du procès, estimant que le clan Sarkozy a du sang sur les mains.

« Association de malfaiteurs »

Nicolas Sarkozy a poursuivi ses appels pour faire annuler cette enquête et cette mise en examen. En octobre dernier, ses avocats avaient demandé des informations complémentaires sur la base de documents découverts dans une autre procédure judiciaire, à savoir une note de la Direction générale de la sécurité intérieure remettant en cause la véracité de la première « note libyenne » à l’origine de l’affaire. Elle a tout de même été retenue par les juges, sans en faire l’élément central de l’accusation.

« Nous avons un dossier de financement libyen sans aucune trace de financement libyen pour la campagne présidentielle, et pour cause, il n’y a pas de financement libyen », dénonce Me Christophe Ingrain.

L’avocat de Nicolas Sarkozy dénonce « une profusion de moyens sans précédent » pour cette enquête longue de 10 ans qui n’a pas permis de déterminer « le montant de ce financement ni la monnaie » permettant ces transactions. Concernant les accusations de plusieurs ex-dignitaires libyens, il évoque une forme de vengeance. « L’explication est classique : à cause de la coalition franco-britannique, puis de celle de l’Otan, pour mettre fin au massacre des populations civiles en Libye, tous ces dignitaires ont perdu leur poste », précise Me Ingrain.

Nicolas Sarkozy, Claude Guéant et Brice Hortefeux risquent jusqu’à 10 ans de prison, une lourde amende et l’interdiction des droits civiques, notamment le droit de voter ou d’être élu, et d’exercer des fonctions publiques. Ziad Takieddine, dont une partie de la procédure repose sur ses déclarations et paiements depuis ses comptes bancaires, est également jugé mais il devrait être absent. Une enquête pour « subordination de témoin », à savoir le Franco-Libanais, qui est un temps revenu sur ses accusations avant de les réitérer, a été ouverte en parallèle. Nicolas Sarkozy est doublement mis en examen.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Drôme. Voici les cinq événements qui feront l’actualité du département en 2025
NEXT Une marche blanche pour sauver Rillette, le sanglier menacé d’euthanasie