“Les malédictions de l’île aux hippocampes”

“Les malédictions de l’île aux hippocampes”
“Les malédictions de l’île aux hippocampes”

Le Premier ministre a annoncé lors de son déplacement officiel un vaste plan de soutien intitulé « Mayotte debout », accompagné de deux projets de loi qui suscitent déjà impatiences et interrogations. Les réponses du gouvernement relatives à la sécurité et à l’immigration, sujets certes centraux, sont très attendues, mais elles ne doivent pas occulter les autres difficultés majeures de l’île aux hippocampes : accès à l’eau, à l’électricité, à l’éducation, à la santé, aux déchets et à la gestion du territoire… Ce « Prévert- la liste des styles est un peu vertigineuse.

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Il en faudra davantage pour décourager le nouveau ministre des Outre-mer, Manuel Valls, dont votre serviteur a organisé la visite sur place en 2015… Alors ne cédons pas à la résignation et essayons de prendre du recul.

En réalité, Mayotte est confrontée à trois formes de malédictions, de nature et d’ampleur différentes. La première malédiction réside dans le niveau de vie de la population. Si le revenu par habitant est sept fois inférieur à la moyenne nationale, il reste néanmoins trois fois supérieur à celui de l’archipel voisin des Comores, dont Mayotte s’est séparée par référendum en 1974.

Alors que les Mahorais réclament une convergence rapide pour atteindre le niveau des prestations sociales en , tout rattrapage renforce du même coup l’attractivité de ce confetti français situé dans un océan de pauvreté entre Madagascar et la Tanzanie. Le 101e département français souffre ainsi paradoxalement d’être à la fois trop riche par rapport à ses voisins, et trop pauvre par rapport à la promesse républicaine d’une réelle égalité.


A Mayotte, la question de la reconstruction se pose désormais avec acuité.

AFP

La deuxième malédiction réside dans l’importation d’un modèle institutionnel inadapté. Les Mahorais ont voté massivement en 2009 pour devenir un département afin de rendre irréversible leur attachement à la France. Nous les comprenons et personne ne peut leur en vouloir. Mais la départementalisation s’accompagne inévitablement de l’application d’une masse de normes obligatoires concernant les collectivités locales, la santé, le droit du travail ou encore la fiscalité.

Alors que la réalité complexe de l’île exigeait le maintien de dérogations fortes, Mayotte s’est retrouvée embourbée dans un maquis de décrets et de lois à appliquer.

La troisième et dernière malédiction fait référence au manque d’infrastructures lourdes et structurantes. Mayotte n’a pas bénéficié de la même densité d’investissements que le territoire métropolitain (ou même la Réunion) dans les années 1950-1970. Pas assez de routes, d’écoles, de collèges, de lycées, de ports, de mécanisation agricole… Depuis dix ans, l’extension de l’unique piste d’atterrissage de l’aéroport revient par exemple comme un serpent de mer sans que le sujet soit évoqué. vraiment avancer.

Alors que faire ? A défaut de solution miracle, la lucidité nécessite de s’éloigner d’un modèle fondé sur une relation bilatérale exclusive avec la France pour privilégier une meilleure intégration dans l’environnement régional. Dans une note rédigée en 2015 (et non publiée à ce jour), Michel Rocard plaidait pour une autorité unique réunissant La Réunion, Mayotte et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). L’idée – très audacieuse – de l’ancien Premier ministre consistait à miser sur un rattrapage économique commun à l’ensemble d’un vaste territoire s’étendant du canal du Mozambique à l’ouest de l’océan Indien…

A travers une zone franche et des investissements dans l’économie maritime (pêche, tourisme et transports), Mayotte aurait ainsi pu bénéficier d’un dynamisme qui lui manquait trop.

Briser une malédiction n’est pas facile ; cela demande à la fois du courage et de l’audace. Les Mahorais ont heureusement démontré qu’ils n’en étaient pas dépourvus dans l’adversité. Il leur en faudra tout autant pour la reconstruction.

 
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