4 milliards d’euros d’investissement annoncés par Microsoft en 2024, 2,5 milliards par Iliad, 1,2 milliard par Amazon… Les acteurs des datacenters prévoient 12 milliards d’euros d’investissements totaux en France sur dix ans. Cela représente une dizaine de datacenters de plus de 100 MW d’ici 2030, principalement en région parisienne, quatrième zone mondiale de trafic de données.
Il faut dire que si la France comptait 315 centres de données sur son territoire en 2024 (contre 521 en Allemagne et 514 au Royaume-Uni), le pays n’en possède pratiquement aucun adapté à l’intelligence artificielle. Et ce, alors qu’elle a fait de l’hébergement des données liées à l’IA l’une des priorités de sa souveraineté numérique.
Des délais de connexion de plus en plus longs
Cette situation devrait changer d’ici 2030, selon un rapport de l’association professionnelle France Datacenter, car 30 à 40 % des nouveaux projets seraient dédiés spécifiquement à l’IA. “Les demandes de raccordement au réseau haute tension que nous étudions actuellement concernent des datacenters d’une puissance de 50 à 200 MW, contre 5 à 20 pour la majorité de ceux en exploitation.», a révélé Jean-Philippe Bonnet, directeur adjoint du pôle stratégie, prospective et évaluation de RTE, dans un entretien à L’Usine Nouvelle.
Un appétit qui fait augmenter les besoins en capacité électrique, et avec lui les demandes de connexion au réseau. Cependant, si le gestionnaire du réseau prétend avoir «suffisamment d’électricité pour répondre aux besoins croissants», il se voit confronté à un vrai «course à la capacité» auprès des opérateurs. “Si l’on se base sur l’ensemble des demandes, on arrive à une consommation de 80 térawattheures d’ici 2028, contre 10 actuellement.» Les capacités qui seront utilisées au fur et à mesure des nouveaux clients sont les bienvenues, avec une montée en puissance potentielle sur dix à vingt ans.
Il n’en demeure pas moins que l’inflation des demandes a entraîné un allongement des délais de raccordement au réseau, qui sont passés d’environ deux ans à quatre ou cinq ans, voire davantage, selon RTE. En cause, les travaux à entreprendre pour renforcer le réseau électrique, dans un contexte «développement de la mobilité électrique et décarbonation des processus industriels», rappelle Jean-Philippe Bonnet.
Une loi de simplification retardée par le chaos politique
Les tensions sont vives en Ile-de-France, qui dispose déjà de 85 % de la capacité des datacenters français. “A partir d’une ligne 400 000 volts qui entoure la métropole du Grand Paris, des lignes haute tension de 225 000 volts alimentent Paris et la grande couronne. Or, sur certaines portions de cette boucle, nous sommes en tension maximale», souligne Philippe Schmit, le président de la Mission régionale de l’environnement (MRAE) d’Ile-de-France. Résultat, selon Olivier Micheli, le président de France Datacenter, «plusieurs projets ont été abandonnés en raison de tensions autour de la distribution d’énergie».
Localement, les datacenters ne font pas toujours l’unanimité, en raison de la pollution qu’ils génèrent, du peu d’emplois qu’ils créent ou encore des nuisances sonores. Au point qu’à Marseille, l’édile en charge du numérique, Christophe Hugon, veut faire de la contribution économique au territoire un préalable à l’acceptation de nouveaux projets.
Malgré ces tensions, le gouvernement souhaite faciliter le développement de nouveaux projets. Dans cette optique, le projet de loi de simplification de la vie économique introduit plusieurs mesures en faveur des datacenters. Tout d’abord, leur intégration dans les SCOT (Schémas de Cohérence Territoriale), qui doivent permettre une meilleure organisation de leur mise en œuvre et un accès facilité aux réseaux électriques et numériques. Mais aussi le statut PINM (Projets d’Intérêt National Majeur), qui doit permettre d’accélérer les démarches administratives, mais aussi de réduire les délais de connexion aux infrastructures de réseaux.
Suspendu de longs mois par la dissolution de l’Assemblée, le projet de loi a été adopté avec succès par le Sénat qui a voté le texte le 22 octobre. Il devrait normalement être examiné à l’Assemblée début 2025. A condition que le nouveau gouvernement tienne jusque-là.