Ces trois despotes éclairés prouvent surtout que dans le Royaume du Mal, les Dames ne sont pas les moins bien dotées. Cela ne surprendra en rien les observateurs réguliers et les analystes avertis du fonctionnement des sociétés patriarcales, toujours prompts à désigner les femmes de pouvoir comme « »aigri”de la “fou” et/ou vengeance. Raison pour laquelle on les retrouve dans les premières pages de l’ouvrage consacré à Vilain, méchant. Les figures du mal au cinéma.
On est souvent frappé par la banalité du mal rencontré dans le monde réel en comparaison avec les psychopathes flamboyants rencontrés sur grand écran. Les méchants incarnent, selon les propres mots de l’auteur, le «cristallisation de ce à quoi la fiction nous dit de ne pas ressembler ». Ce n’est donc pas un hasard si, en Occident, les méchants ont un physique atypique et des accents russes, asiatiques ou moyen-orientaux. Ils incarnent ainsi les particularités que les élites et la culture « dominante » ont longtemps décriées. Tout comme les physiques efféminés ou transgenres dont il est conseillé de se méfier. Comprendre les messages cachés derrière les panoplies du mal permet de dévoiler les clichés qui nous entourent et qui offrent une vision incomplète et/ou biaisée de certaines réalités.
Chacun a ses préjugés sur la laideur
Selon Julien Magalhães, consultant en histoire et professeur de mode et costume, il y aurait ainsi quatre grandes catégories de Coquine et coquine : le laid, le beau, le bizarre et les monstres. C’est toujours une question de point de vue bien sûr, mais certains personnages sont bel et bien habillés, maquillés et stylisés dans le but délibéré d’effrayer ou de susciter l’effroi.
On pense notamment au baron Vladimir Harkonnen, gouverneur planétaire en Duneau physique gargantuesque, à la pâleur maladive et aux doigts crochus. Qualifié comme despote en robe de chambreil donne corps à l’idée d’un pouvoir insensé, sans commune mesure. Un être repoussant, incapable de contrôler ses instincts, se régalant du malheur des autres. Il est à la fois l’amorce et le prélude de la longue liste de personnalités déviantes examinées dans l’ouvrage publié par Hoëbeke. Où l’auteur fait le lien avec certaines peintures célèbres et autres images traditionnelles qui ont visiblement inspiré la création de ces les méchants de fiction.
« Dune » : après les films, les séries…
Comme le prouve Catwoman dans Batman, le défiPatrick Bateman dans Psycho américain ou Lestat de Lioncourt en Entretien avec un vampireun visage agréable peut parfaitement cacher des desseins cruels. Tout comme le visage trop maquillé d’un clown, Joker ou Quepeut être annonciateur de déboires en cascade… Pas étonnant puisqu’il a abandonné le poste d’amuseur public pour entrer dans la catégorie des monstres aux côtés de Michael Myers (Halloween) par Pazuzu (L’Exorciste) ou Nosferatu
Et parce qu’il ne faut jamais hésiter à se moquer de ses propres terreurs, l’auteur clôture chacun de ces quatre grands chapitres par un focus en forme de super-quiz ou d’ultime analyse sémiologique, en choisissant de s’intéresser à l’arc-en-ciel du mal. – comprendre : ces couleurs qui trahissent notre personnalité – en nous livrant un guide psychopathe des coupes de cheveux, mais aussi en décryptant à la loupe les clichés à l’œuvre dans l’univers d’Oncle Walt (Disney) tout en nous livrant un «baromètre de confiance dans la pilosité faciale dans la fiction« .
Pourquoi les méchants fascinent-ils autant les enfants ?
Une terreur savamment entretenue
Si vous apercevez au fond d’un labyrinthe sombre, un gigantesque anonyme, hirsute et barbu, drapé de noir, de violet ou de vert, et que vous choisissez délibérément d’aller à sa rencontre, vous ne pourrez plus dire que l’auteur l’a fait. je ne vous préviens pas…
Maniant l’ironie avec délectation, Julien Magalhães mêle références historiques et comparaisons très colorées au service d’une prose efficace et résolument actuelle. De quoi séduire une nouvelle génération de fans de films d’horreur et autres créatures démoniaques que devrait séduire cette collection documentée, facile d’accès et très largement illustrée.
⇒ Vilain et méchant. Les figures du mal au cinéma | Julien Magalhães Éditions Hoëbeke, 192 pp., 28 €