(Ottawa) Yves-François Blanchet ne lâche rien. La seule issue possible à la crise sur la scène fédérale est la tenue d’élections générales au cours des premiers mois de 2025.
« Depuis trop longtemps, c’est l’histoire de Justin Trudeau », a-t-il observé en entrevue, au lendemain de la démission de la ministre Chrystia Freeland. Elle a quitté ses fonctions de ministre des Finances et de vice-Premier ministre le jour même où elle devait présenter la déclaration économique du gouvernement. Le Premier ministre lui avait annoncé son intention de la licencier par la suite.
Ces événements inattendus ont plongé le gouvernement Trudeau dans une crise sans précédent, au moment où plane la menace d’une guerre commerciale avec les États-Unis.
«C’est déplorable d’avoir si peu le sens de l’État sous prétexte de s’accrocher», désapprouve M. Blanchet. Si vous voulez tenir le coup, organisez des élections. Les libéraux seront obligés de se rallier à vous s’ils veulent encore avoir une chance de sauver quelques sièges et, de toute façon, leurs principaux candidats à la succession ne veulent pas être l’agneau sacrifié. »
L’instabilité a régné à la Chambre des communes tout au long de l’automne. Début septembre, le Nouveau Parti démocratique (NPD) s’est retiré de l’accord de soutien conclu avec le Parti libéral deux ans et demi plus tôt. Les conservateurs ont ensuite tenté à quelques reprises de faire tomber le gouvernement alors que le travail parlementaire n’était pas paralysé.
Le Bloc Québécois a voté contre deux de ses trois motions de censure et a préféré profiter de sa seule journée d’opposition pour lancer un ultimatum aux libéraux… sans obtenir les résultats escomptés. Le gouvernement a tourné le dos au projet de loi du Bloc visant à bonifier la pension de la Sécurité de la vieillesse à partir de 65 ans et le Sénat n’a toujours pas adopté celui visant à protéger la gestion de l’offre.
«Je trouvais irresponsable de vouloir seulement des élections sans même chercher à trouver quelque chose pour les retraités ou quelque chose pour les producteurs agricoles», rappelle M. Blanchet, rejetant l’idée que cette tactique soit un échec.
J’ai dit : « C’est A ou c’est B. » Ils n’ont pas donné A, c’est devenu B.
Yves-François Blanchet, leader of the Bloc Québécois
Regrette-t-il aujourd’hui de ne pas avoir saisi cette opportunité pour forcer la tenue d’élections ? «Nous savons d’entrée de jeu que le NPD appuiera le gouvernement», défend-il. Mais contrairement à nous, le NPD n’impose aucune condition. »
Depuis, le chef néo-démocrate Jagmeet Singh a indiqué qu’il renverserait le gouvernement libéral dès qu’il en aurait l’occasion après la reprise des travaux parlementaires le 27 janvier. Et l’avenir du premier ministre Justin Trudeau reste incertain.
Il n’en demeure pas moins que les adversaires politiques du Bloc québécois ont profité de ce revers pour raviver les interrogations sur la pertinence du parti.
« Le Bloc n’apporte rien aux Québécois. A quoi sert le bloc ? », a demandé le chef conservateur Pierre Poilievre, reprenant les propos du premier ministre François Legault tenus l’hiver dernier. «Deux symboles à Ottawa qui ne servent à rien», a souligné le NPD dans une publicité percutante où l’on voit une photo de M. Blanchet à côté de celle du roi Charles. Le Bloc a cessé de « travailler pour les Québécois », a déclaré le ministre Jean-Yves Duclos, lieutenant de Justin Trudeau au Québec.
«Les projets de loi dont on a le plus parlé durant la session étaient trois projets de loi du Bloc québécois sur les retraités, sur la gestion de l’offre et sur la propagande haineuse», rétorque M. Blanchet.
Il avance également que son parti politique obtient entre 30 et 35 % dans les sondages contre un peu plus de 20 % pour ses deux principaux adversaires.
Montréal, « champ de bataille électoral »
Contre toute attente, le Bloc Québécois a fait une percée sur l’île de Montréal en septembre, délogeant le Parti libéral dans son fief de LaSalle–Émard–Verdun après une lutte à trois avec le NPD. Le Bloc Québécois entend être « très présent sur le terrain » pour maintenir cet acquis. Moins de 300 voix séparaient son candidat Louis-Philippe Sauvé de la libérale Laura Palestini et environ 650 voix du nouveau démocrate Craig Sauvé.
«Montréal va être un champ de bataille électoral pour le Bloc», affirme le chef du parti politique. Il s’attend à des luttes houleuses dans cinq circonscriptions de la métropole.
Le site de projection électorale Canada338 donne au parti souverainiste 45 sièges aux prochaines élections, soit 13 de plus qu’en 2021. Le chroniqueur Andrew Coyne, du Globe et Mailprédit déjà en octobre une crise de l’unité nationale si le Bloc Québécois parvient à former l’opposition officielle contre un gouvernement conservateur.
Nous n’aspirons évidemment pas à exercer le pouvoir, mais nous aspirons à exercer beaucoup de pouvoir pour le bénéfice du Québec.
Yves-François Blanchet, leader of the Bloc Québécois
Combien de sièges compte-t-il remporter en 2025 ? Il se garde bien d’avancer un chiffre comme il l’a fait en 2021. « Cela m’a hanté tout au long de la campagne électorale », se souvient-il. Il osa en dire 40 et fit finalement élire 32 députés.
Le Bloc Québécois s’est beaucoup concentré sur la défense des aînés durant l’automne, il veut aussi s’adresser à la nouvelle génération en 2025. Des travaux sont en cours sur l’accès à la propriété pour les jeunes familles. Il s’agira également de démontrer le coût de l’inaction contre le changement climatique.
En attendant, M. Blanchet s’intéresse aux répercussions possibles du second mandat de Donald Trump à la présidence américaine. Le président élu représente « une menace accrue pour l’aluminium, le bois, les produits manufacturés et bien d’autres encore pour la gestion de l’offre ». Cela pourrait donc nuire à l’économie de régions comme l’Abitibi-Témiscamingue, le Saguenay–Lac-Saint-Jean ou encore le Centre-du-Québec où le Bloc québécois tentera de conserver ses sièges.