Le gouvernement fédéral aurait pu mieux contrôler l’immigration avant la surchauffe actuelle du système, reconnaît le ministre de l’Immigration, Marc Miller.
M. Miller a accordé une entrevue à La Presse Canadienne à la mi-décembre pour discuter d’une année très tumultueuse pour le système d’immigration fédéral.
Depuis le début de l’année, le ministre a apporté plusieurs changements aux politiques d’immigration. Il a notamment réduit le nombre de visas pour les étudiants étrangers et le nombre de résidents permanents tout en suspendant les demandes de parrainage privé de réfugiés provenant d’organismes communautaires et de groupes de cinq personnes ou plus.
La population canadienne a augmenté de plus de 3 pour cent en 2023, soit le double de la moyenne enregistrée au cours de la décennie précédente.
« Nous n’avons pas besoin de nous mentir. Nous aurions pu mieux réagir sur certains dossiers, même si nous avons accompli plusieurs bonnes choses », affirme M. Miller.
Il dit avoir remarqué une hostilité croissante au Canada contre l’immigration. Cette colère est alimentée, dit-il, par le grand nombre de demandeurs d’asile, le coût élevé du logement et les tendances politiques actuelles du monde occidental.
M. Miller, qui n’est pas concerné par le remaniement ministériel annoncé vendredi, estime que le Canada a encore besoin d’immigrants, mais que le système actuel manque de discipline. Un retour à l’ordre s’impose.
« L’immigration est toujours nécessaire, mais il faut pouvoir dire aux Canadiens que nous les avons écoutés et que nous avons réagi lorsque nous avons constaté une surchauffe du système », soutient-il.
Le ministre souhaite attirer davantage d’immigrants économiques afin de réduire l’âge moyen des travailleurs au Canada.
L’augmentation du nombre de travailleurs intérimaires est l’un des principaux problèmes qui se posent après la pandémie. Au départ, l’objectif était d’utiliser ce programme pour combler des lacunes sur le marché du travail, mais la croissance du programme a été si rapide qu’elle a ouvert la porte à la fraude et à l’exploitation.
Une étude d’impact sur le marché du travail (EIMT) est un document qu’un employeur canadien peut devoir obtenir avant d’embaucher un travailleur étranger. Selon un récent reportage de la CBC, certaines études peuvent être vendues à un prix pouvant totaliser plusieurs dizaines de milliers de dollars.
« Il faut reconnaître que la fraude peut exister sous différentes formes. J’ai un rôle particulier à jouer pour m’assurer que les gens n’en profitent pas pour obtenir le statut de résident permanent », convient M. Miller.
Le 19 décembre, le ministre a annoncé une série de mesures visant à renforcer la sécurité aux frontières. Cette annonce intervient après que le président élu américain Donald Trump a menacé d’imposer des droits de douane sur les produits canadiens.
Parmi les changements figure l’obligation pour les résidents temporaires de faire une demande en ligne pour prolonger leur séjour dans le pays afin de mettre fin à la pratique connue sous le nom de « faire le tour du poteau ». Cette pratique consiste à quitter le Canada et à retourner immédiatement à un point d’entrée pour obtenir des services d’immigration plus rapidement.
Le gouvernement prévoit d’introduire des amendements pour annuler ou suspendre les documents d’immigration, y compris les visas, lorsque l’intérêt public est en jeu. M. Miller a cité l’exemple de la fraude massive.
M. Trump a menacé d’imposer des droits de douane de 25 % au Canada et au Mexique si les deux pays n’amélioraient pas la sécurité de leurs frontières.
« Le discours que nous entendons aux États-Unis est malheureux. Je ne suis pas d’accord avec cela, mais nous avons besoin d’un système d’immigration qui ne donne pas l’impression qu’il est fraudé par des gens qui tentent d’en profiter, souligne M. Miller. Nous constatons une augmentation des fausses demandes de la part de certains pays. »
Il y a environ 250 000 demandes d’asile qui devaient être examinées par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. Le plus grand nombre de demandes provenaient de l’Inde et du Mexique.
D’autres réformes pourraient être mises en œuvre l’année prochaine. M. Miller explore ces options pour accélérer le processus de demande d’asile légitime tout en éliminant les demandes illégitimes.
Miller espère équilibrer les engagements du Canada envers le droit international avec ce qu’il peut réellement faire.
« Nous ne pouvons pas être victimes de nos propres instincts primaires. Il faut voir cela de manière rationnelle, considérer ces gens comme des êtres humains. Nous ne pouvons pas être naïfs quant à la capacité du pays à accueillir le nombre de personnes qui viennent ici. »