jeIl pensait avoir trouvé un moyen de compenser les heures supplémentaires qui ne lui étaient pas payées. Le chauffeur du directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux (1) est tombé dans un piège et n’a pas pu s’arrêter.
Entre 2021 et 2023, il a détourné mais aussi volé les cartes de carburant et de lavage allouées aux véhicules de l’administration pour organiser un commerce qui lui aurait rapporté un peu plus de 7 000 euros pour une seule année.
La technique était assez simple. Son rôle de chauffeur du directeur lui donnant accès à toutes les cartes du parc automobile, il lui suffisait de publier des annonces sur Leboncoin pour rechercher des clients. Les cartes carburant, qui permettaient d’accéder à tout un réseau de stations-service, étaient vendues environ 80 euros pièce.
Il n’a eu aucune difficulté à trouver des clients, dont certains étaient également intéressés par le lavage des cartes.
9 000 euros en espèces
C’est un surveillant pénitentiaire qui, en novembre 2023, a découvert des incohérences entre le kilométrage de certains véhicules et le nombre de pleins de carburant effectués. Ses observations ont été transmises à la direction, qui a contacté le procureur de la République quelques mois plus tard.
Une enquête a été ouverte, confiée aux policiers de la brigade financière de la Division de la délinquance territoriale (DCT). Les investigations ont alors permis d’établir que le chauffeur avait accru les malversations.
« Lors de la perquisition à votre domicile, la police a trouvé 9 000 euros en espèces et 13 cartes de lavage »
Ce jeudi 19 décembre, ce dernier a comparu devant le tribunal correctionnel de Bordeaux pour s’expliquer. Le conducteur reconnaît les faits, même si le montant des dégâts lui semble exagéré. « Lors de la perquisition à votre domicile, les policiers ont retrouvé 9 000 euros en espèces et 13 cartes de lavage », observe le président du tribunal Gérard Pitti.
Clients démarchés
Entré comme gardien de prison en 1998 à la maison d’arrêt de Gradignan, le prévenu a gravi les échelons avant d’être détaché à la direction interrégionale en 2012. Nommé concierge et chauffeur du directeur, il explique que tout se passait très bien jusqu’au jour où “quand les conditions de travail se sont dégradées”.
«J’ai perdu pied», avoue-t-il. Je pensais que je m’en sortirais tout seul. J’avais l’impression d’avoir reçu mon dû. Aujourd’hui, je le regrette. » « Vous avez un rôle au sein de la justice et vous avez enfreint la loi », tacle le président. « J’ai volé les cartes pour compenser ce que l’administration me devait », répond le prévenu.
« C’est un surveillant pénitentiaire, il n’avait pas droit à l’erreur. Il a détourné l’argent public à son profit personnel. »
« L’enquête met en lumière un trafic organisé, affirme M.e Armelle Dufranc, partie civile pour l’administration pénitentiaire. Il démarche des clients, il y a une volonté de faire du profit. »
“C’est un surveillant pénitentiaire, il n’avait pas le droit à l’erreur”, fustige la vice-procureure Mathilde Pouzet. Il détournait l’argent public à son profit personnel et souhaitait régler ses comptes avec le ministère. Il a franchi la ligne rouge. » Vingt-quatre mois de prison, dont quatorze mois avec sursis probatoire, sont requis avec un bracelet électronique.
M.e Eva Barouk, avocate de la défense, se dit « abasourdie […] Dans ce cas, on se précipite à toute allure vers des certitudes qui ne sont pas avérées. Au total, il y a sept cartes, ce qui est très peu. »
Lors de son délibéré, le tribunal a condamné le conducteur à un an de prison, 3 000 euros d’amende, 5 ans d’interdiction de service public et il devra rembourser 6 506 euros pour préjudice financier.
(1) L’administration a mis fin à son détachement. L’actuel ex-chauffeur est en arrêt maladie.