UNÀ l’heure du déplacement à La Rochelle ce samedi (14h30), l’ASM semble enfin retrouver des couleurs : cela fait deux ans et demi qu’elle n’a pas remporté trois matches consécutifs en Top 14. Elle est aujourd’hui troisième et en une pente ascendante. Son manager depuis février 2023, Christophe Urios, y voit la récompense d’un travail de longue haleine.
Qu’est-ce qui se cache derrière la reprise de Clermont ces dernières semaines ?
Le club se remet en mouvement. L’ASM fut un club dominant pendant une dizaine d’années. Mais avec des victoires, on peut s’endormir. C’est ce qui s’est passé ici. Depuis un an, le club bouge à nouveau, tant sur le plan économique que sportif. La saison dernière a été dure (8e) mais on a posé les bases. Cette saison, on est meilleurs sur les bases, on a gagné à l’extérieur, ce qui nous permet d’enchaîner. Nous avons particulièrement bien analysé notre jeu après la trêve de novembre. Les joueurs, notamment les dirigeants, ont fait un gros travail d’analyse. Cela a fait son chemin.
Vous disiez récemment qu’il fallait « changer, nettoyer, réorganiser ». Des mots forts. Que voulais-tu dire ?
Nous nous sommes également remis au travail. Partout où j’allais auparavant, il y avait plus de travail que ce que j’avais constaté à mon arrivée ici en février 2023. Les préparatifs des matchs ne correspondaient pas à ce que j’aimais. Alors on met les choses en place dans la semaine, au gymnase, en vidéo, sur le terrain, dans les débriefings des matchs, en accompagnant les dirigeants. On a remis de l’ordre et du sens, on a retroussé nos manches. C’était essentiel.
Vous avez également évoqué une ambiance difficile la saison dernière…
A mon arrivée, j’ai lu dans la presse que certains joueurs étaient contre le limogeage de Jono Gibbes. Ça donne un peu de cadre… Je me suis dit qu’il y aurait du travail. Dans le fonctionnement du staff, la relation avec les joueurs et donc le travail, il y avait des choses qui ne me plaisaient pas. Alors on a changé, parfois les hommes parce que je n’avais pas le choix. Ceux qui voulaient retourner au combat sont restés. Les autres… Il a fallu changer. Cela m’a pris du -. Trop de -. Ça ne va pas assez vite. Mais nous créons les bases qui permettront à l’ASM de retrouver sa place dans les années à venir. C’est pourquoi j’ai prolongé mon contrat jusqu’en 2027.
Dire que le club bourdonnait, c’est aussi une façon d’ouvrir le parapluie en cas d’échec, non ?
Franchement, le constat est objectif. Et cela durait depuis 2017. Regardez les résultats des années qui m’ont précédé, les départs de joueurs, les difficultés de recrutement, le fait que des équipes comme Bordeaux et La Rochelle soient allées de l’avant. Ce n’est pas moi qui ai dit que le club était en mauvais état. Si on change d’entraîneur, il y a des raisons.
Combien de - pensez-vous qu’il faudra pour rattraper les équipes dominantes ?
Les équipes devant nous ne nous attendent pas. Il va falloir travailler deux fois plus et deux fois mieux qu’eux pour les rattraper, tant dans le recrutement, que dans le travail quotidien, et dans la gestion du club. Soyez efficace et très rapide, sans compter les erreurs que l’on peut commettre. Notre plafond salarial ne nous offre aucune marge, nous sommes en flux tendu. Cela prendra du -, mais je sais qu’un collectif fort peut revenir au très haut niveau. Ce club va reconquérir car c’est une institution forte.
En quoi êtes-vous un manager différent de celui qui a officié à Bordeaux-Bègles (2019-2022) ?
Je veux toujours un rugby qui corresponde au territoire, définir un projet commun avec le staff et les joueurs, et en être le garant. Il y a plus de proximité dans ma relation avec les dirigeants. Je n’ai pas hésité à les changer ici, ce que je n’ai pas fait à Bordeaux. J’aurais dû le faire, car très vite je me suis rendu compte que certains étaient des leaders individuels et non collectifs. Ça n’allait pas bien à Bordeaux, j’ai choisi le statu quo et finalement, ça m’a explosé en plein visage. Le 17 novembre 2022, j’ai été licencié pour la première fois. Cela m’a marqué et cette expérience m’a été très utile. Désormais, je suis intransigeant sur mes relations avec le président, les dirigeants, le staff.
Vos relations avec Matthieu Jalibert et Cameron Woki, notamment, ont été évoquées…
Je n’ai pas eu de problème avec eux, mis à part le fait qu’ils n’étaient pas à leur niveau. Or, quand on veut être champion, il faut que ses meilleurs joueurs soient au sommet. Je leur ai dit, peut-être maladroitement. Quand j’ai signé à Clermont, je pense que Matthieu a été le premier à m’envoyer un message d’encouragement. J’aime voir Cameron chaque fois que je le rencontre. Tout le Monde pense qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas chez eux, ce n’était pas le cas.
Comment avez-vous perçu la dernière séquence internationale de Matthieu Jalibert ?
Matthieu était tel que je le connais : un tête brûlée. C’est ce qui le rend à la fois solide et fragile. En la matière, je ne porte aucun jugement. Mais il a mis ses couilles sur la table. Dans notre rugby, on a besoin de gars comme ça. Il a fait preuve de caractère. Il est en accord avec ce qu’il a ressenti et avec qui il est. J’aime les gens comme ça.
Au fond de vous, vous vous dites que le succès actuel de l’UBB est un peu le vôtre aussi ?
Franchement, je n’y pense pas. J’y ai participé, comme tous les coachs avant moi et ceux qui passent et passeront après. Personne n’est irremplaçable, nous ne sommes que de passage. Je sais dans quel état était le staff, de quelle saison il sortait. Je me souviens de notre première saison (leader du championnat au moment de l’interruption pour cause de Covid en mars 2020, NDLR). Mais je n’ai aucun regret, si ce n’est de ne pas avoir pris les décisions qui s’imposaient. Si cela ne correspond pas, pour une raison ou une autre, cela ne le sera pas trois ans plus tard. Il faut réagir rapidement. Les petits problèmes deviennent de gros problèmes, et en fin de compte, c’est vous qui en souffrez.
Un mot sur votre adversaire ce week-end, le Stade Rochelais, sixième du Championnat ?
On sent que c’est une équipe et un club qui cherche à évoluer. Il faut parfois un peu de -, surtout dans le jeu, pour fonctionner. Ils ont connu beaucoup d’internationaux, peut-être un peu usés par les Tournois, les tournées, la Coupe du Monde… Mais la saison dernière, il ne leur manquait que peu de choses pour être en finale. Et quand je regarde leurs deux matches de Coupe d’Europe (victoires à Bath et contre Bristol, ndlr), je trouve des Rochelais avec un bon état d’esprit de groupe, un jeu brutal, frontal, avec de la violence et de grosses individualités.