Dans un communiqué diffusé le 18 décembre, l’Élysée, l’établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris et l’archevêché de Paris ont dévoilé le nom de l’artiste choisi parmi les candidatures de Buren, Yan Pei-Ming et Alberola, pour créer une nouvel ensemble de vitraux pour la cathédrale. C’est donc Claire Tabouret, 43 ans, l’une des 10 artistes françaises les plus cotées, qui réalisera les dessins de 6 nouvelles verrières pour les chapelles du bas-côté sud de Notre-Dame avec l’atelier Simon-Marq. Son projet, qu’elle a présenté sur le chantier de la cathédrale ce mercredi, a séduit le comité de sélection présidé par Bernard Blistène, en raison de « sa très haute qualité artistique de la proposition et son insertion architecturale » ainsi que son adéquation avec le programme figuratif choisi par le diocèse de Paris.
Qui est Claire Tabouret ?
Née en 1981 à Pertuis, dans le Vaucluse, et basée à Los Angeles depuis 2015, Claire Tabouret est diplômée de l’École nationale supérieure des beaux-Arts de Paris. Elle est reconnue pour ses œuvres figuratives expressionnistes régulièrement exposées en France et à l’international et acquises par de prestigieuses collections (Centre Pompidou, LACMA, Collection Pinault, etc.). Inspiré depuis l’enfance par Nénuphars de Claude Monet, elle explore des thèmes mélancoliques et inquiétants avec une gestuelle ample et des nuances sourdes. Ses portraits de jeunes femmes, ses sculptures en bronze et en céramique et ses compositions évoquent une tension ambiguë.
Vue de l’exposition de Claire Tabouret « L’Éloquence des larmes » au Château La Coste, 2024 © François Deladerrière
Ses œuvres, où l’on perçoit l’influence de maîtres comme Courbet et Rembrandt, oscillent entre l’intime et l’universel. En 2024, elle participe à l’exposition collective du Pavillon du Vatican à la Biennale de Venise et présente ses travaux récents, dont sa première collaboration avec les ateliers de Sèvres, au Château La Coste à Puy-Saint-Réparade. Cet été, elle a également investi l’idéal Palais du Facteur Cheval avec une fontaine qui rend hommage à Philomène, épouse de l’artiste naïf, mécène de sa folle aventure, et une tapisserie tissée à Aubusson.
Claire Tabouret, sculpture-fontaine de Philomène conçue pour le Palais Idéal du Facteur Cheval, 2024 ©Margot Montigny
Claire Tabouret’s project for Notre-Dame de Paris
Selon le communiqué, le projet proposé par Claire Tabouret « répond aux exigences de la cathédrale, tant par la très haute qualité artistique de la proposition que par son intégration architecturale – notamment son adéquation avec le vitrail représentant l’arbre de Jessé (1864), présent dans l’une des chapelles du même côté bas-côté de la nef, qui ne restera en place – qu’en respectant le programme figuratif choisi par le diocèse de Paris relatif à la Pentecôte. »
« Dans une époque comme la nôtre marquée par les guerres, les divisions et les tensions extrêmes, cette opportunité de mettre mon art au service de l’unité à travers le thème de la Pentecôte est une magnifique main tendue.explique l’artiste. J’ai envisagé le parcours du visiteur comme un voyage profondément personnel et spirituel à travers Notre-Dame. Il me semble essentiel de créer des vitraux qui auront la bonne présence, accompagneront ce mouvement dans l’espace et serviront de support visuel au voyage intérieur, mais sans s’imposer aux visiteurs. » Pour la création des six verrières, soit une surface vitrée de 121m² (ce qui représente 5% de la surface des plus de 120 verrières en place dans la cathédrale et datant du XIIe au XXe siècle), Claire Tabouret collaborera avec les ateliers du maître verrier Simon-Marq. Fondés il y a près de 400 ans, ces ateliers rémois ont réalisé de nombreuses créations de vitraux religieux, dont la grande baie d’Imi Knoebel dans la cathédrale de Reims.
Claire Tabouret devant les esquisses de son projet de vitrail contemporain pour Notre-Dame de Paris lors de la conférence de presse du 18 décembre 2024. ©Agathe Hakoun/Connaissance des Arts
Ne déformez pas la lumière de Viollet-le-Duc
Lors de la conférence de presse, Claire Tabouret a présenté quelques croquis à grande échelle de 2 mètres (chaque travée mesure 7 mètres de haut chacune) pour donner un aperçu du projet. “ Ce sera une œuvre d’art figurative pour qu’elle puisse être comprise, sans explication ni cartel, par des personnes de cultures différentes. », ajoute l’artiste. Dans la chapelle Saint-Joseph par exemple, Claire Tabouret représentera les personnages disposés en cercle de prière pour montrer la dimension physique et spirituelle de la notion d’intérieur. “ Chaque centimètre carré de ces vitraux sera habité et incarné avec plus de détails sur les rideaux et les couleurs. », explique le peintre. Aussi, il utilisera les motifs de grisaille des vitraux de Viollet-le-Duc pour s’inscrire dans l’histoire de Notre-Dame.
Le Père Maxime Deurbergue, Bernard Blistène, Claire Tabouret et Sarah Walbaum lors de la conférence de presse ce 18 décembre 2024. ©Agathe Hakoun/Connaissance des Arts
L’un des plus grands défis de l’artiste sera de recréer la lumière neutre de Viollet-le-Duc avec l’aide de l’atelier Simon-Marq. “ Le défi sera d’équilibrer les couleurs pour ne pas déformer la lumière blanche », explique Claire Tabouret. Le communiqué précise que 6 mois d’études avant la mise en production du projet seront nécessaires alors que la réalisation des verrières elle-même devrait prendre environ 18 mois. Selon ce calendrier, les nouveaux vitraux devraient donc pouvoir être installés fin 2026, après avoir reçu un avis favorable de la Commission nationale de l’architecture et du patrimoine.
Un projet controversé
Le projet de nouveaux vitraux, entièrement financé par le ministère de la Culture (4 millions d’euros) suscite la polémique depuis son annonce. Pour l’Élysée et l’Archevêché de Paris : « Ce choix et la poursuite du projet marquent le soutien de l’État à la création artistique et la confiance accordée à un artiste reconnu. ». « Ce débat montre l’intérêt du grand public pour notre patrimoine et notre histoire », ajoute Claire Tabouret lors de la conférence de presse.
Philippe Jost, le Père Maxime Deurbergue, Bernard Blistène, Claire Tabouret et Sarah Walbaum lors de la conférence de presse ce 18 décembre 2024. ©Agathe Hakoun/Connaissance des Arts
Reste à savoir ce que deviendront les vitraux de Viollet-le-Duc, restaurés et présentés dans les six chapelles du bas-côté sud de la nef jusqu’à la réalisation du projet de Claire Tabouret. Selon Philippe Jost, président de l’établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris, deux options sont possibles. Soit, ils auront leur place dans un musée dédié à la cathédrale. Soit ils seront installés dans un autre édifice religieux. En tout cas, l’association Sites et Monuments a déjà prévu de déposer un recours. Lancé en décembre 2023 par « La Tribune des Arts », une pétition contre la suppression des vitraux de Viollet-le-Duc a rassemblé à ce jour plus de 243 000 signatures.
DANS LE STUDIO AVEC CLAIRE TABOURET