Après le succès retentissant obtenu par Porus, roi des Indes (1731) GF Haendel dirigé par le jeune et talentueux ténor et chef d’orchestre italien Marco Angioloni l’année dernière à la Salle des Croisades du Château de Versailles (nous avons revu l’enregistrement discographique qui est ensuite sorti sur le label Château de Versailles Spectacles), Laurent Brunner a eu raison de lui renouveler sa confiance en lui proposant de diriger une autre œuvre de Cher Saxonle plus rare Sosarmé (1732), le plaçant non à la tête de son ensemble L’enchevêtrementmais cette fois à celui duOrchestre de l’Opéra Royal de Versailles !
Sosarméc’est l’histoire d’un opéra italien qui devait à l’origine s’intituler « FFernando, roi de Castille», et qui, pour des raisons de diplomatie internationale, est devenu Sosarme, roi des Médias. Un changement historique et géographique, qui n’a aucune influence sur les développements musicaux et dramatiques (ces derniers déjà peu tape-à-l’oeil et avec une intrigue extrêmement dépouillée pour l’époque). Cette œuvre que Haendel composa suite à la création de Moitié (justement !) et un Ézio métastasien, au cours de la saison d’opéra de Londres de 1731/1732, reçut un grand succès malgré (ou à cause de) sa structure matérielle légère et peu orthodoxe. opéra sérieux. Il est toujours surprenant de constater que Haendel s’est montré capable d’imposer sur une troupe de «étoiles» du chant italien (Senesino, la Strada del Po, Montagnana…), un « opéra de chambre » comportant un nombre réduit d’airs (trois airs et deux duos pour le P.rime homme seulement !), peu de virtuosité et une hiérarchie théâtrale des personnages assez inhabituelle dans un genre aussi codifié. Cette ligne de recherche dramatique amène Haendel, l’année suivante, à écrire un autre chef-d’œuvre, tout aussi anticonformiste : Orlando.
Pour le résumer, l’histoire décrit «Le prince Melo, fils et héritier du roi Haliate, roi de Lydie, qui s’est rebellé contre son père et a levé une armée pour tenter de le renverser, estimant que le roi souhaite le déshériter au profit de son fils illégitime Argone. Sosarme, roi de l’empire voisin des Mèdes, se fiança à la princesse Elmira, sœur de Melo, et envahit Lydie avec sa propre armée pour tenter de mettre fin à cette guerre dynastique.. Tout se termine dans la joie et la bonne humeur, grâce à fin heureuse : “Père et fils se réconcilient et Sosarme et Emira se marieront.
Sosarmé déjà, était composé de multiples merveilles: tous les airs d’Elmira (et, en particulier, l’air saisissant qui termine le premier acte, “Dites la paix”), l’impressionnant « Parmi les ombres » d’Altomaro, adaptés aux moyens de Montagnana, les airs de Sosarme (de la douceur de « De mille manières douces« à l’héroïsme tempéré des cors qui l’accompagnent »Tous sfere”), mais surtout une des pages haendéliennes les plus sublimes, le duo entre Elmira et Sosarme, “Pour les portes du tourment”, moment fascinant d’intemporalité vocale.
Quelle joie de commencer par le casting, de retrouver l’excellent contre-ténor marseillais Rémy Brès-Feuillet – après son succès retentissant dans le rôle de Megacle dans Les Jeux olympiques de Vivaldi à l’Opéra de Nice en mai dernier – dans le rôle-titre de l’œuvre. On goûte à nouveau son timbre envoûtant, et on applaudit des deux mains son art de la vocalisation, et son art de roulements et d’autres le plus pieux. Membre duAcadémie royale de l’Opérala jeune soprano française Sarah-Charles est la révélation de la soirée, dressant le portrait d’une Elmira radieuse, inventive, excellente dans l’ornementation des reprises, dramatiquement féroce, quand la mezzo corse Éléonore Pancrazi se révèle la plus maternelle des Erenice, avec sa voix de velours et son émotivité à fleur de peau, comme dans l’air émouvant “Cœur De mère». Leurs autres partenaires masculins sont Marco Angioloni lui-même, qui troque à de nombreuses reprises sa casquette de cuisinier (même s’il balance les bras en chantant !) pour interpréter les rôles du roi Haliate, avec l’enthousiasme vocal et l’engagement dramatique qui caractérisent le jeune et bouillonnant artiste ombrien, dont le superbe soleil le timbre est immédiatement identifiable. Deuxième révélation de la soirée, le baryton italien Giacomo Nani qui essaye toutes les notes extrêmement sérieuses d’Altomaro, et qui nous fait souvent frissonner le dos, tandis que le contre-ténor belge Logan López Gonzalez a parfois du mal avec la cadence de ses mélodies (Argone), l’obligeant à embrouiller ses vocalises, voire à perdre la trace de son son. legato. Rien de tel avec l’éblouissant contre-ténor italien Nicolas Balduccidans le rôle de Melo et qui, après nous avoir captivés dans le rôle de Néron dans le Poppée de Monteverdi en avril dernier à Toulon, renouvelle notre enthousiasme avec sa voix angélique, se penchant à toutes les pyrotechnies vocales sans la moindre trace d’effort, et investissant une énergie remarquable (placée notamment dans le regard…) dans son personnage.
Marco Angioloni dirige l’Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles avec une grande élégance et un engagement dramatique à chaque instant, et qui continuera à se développer tout au long de la partition. Il construit chaque air avec efficacité, offrant aux solistes une belle combinaison de rigueur et de liberté tout en arrangeant la progression dramatique souhaitée par Haendel. La phalange de Versailles sonne très baroque avec de belles nuances, colorée à souhait avec des cors et des trompettes d’une grande justesse, tandis que la basse continue se révèle riche et d’une grande variété, avec le théorbe de Léa Massonle violoncelle de Claire-Lise Demitmais surtout le magnifique clavecin (et orgue) joué par Nora Darganzali.
En conclusion, une superbe résurrection en version concert d’un opéra de Haendel injustement oublié. Et, particulièrement et à juste titre séduit, le public – rassemblé devant l’extraordinaire tableau de «Noix de Cana» peint Véronèse qui court tout le long du mur du fond du Salon d’Hercule – ne recule pas devant son plaisir et ne se montre pas avare d’applaudissements et bien mérité, multipliant les rappels. Et maintenant, vivement le CD que Marco Angioloni a annoncé pour l’année prochaine, en guise de mots d’adieu, avant de rejoindre son public fervent pour dédicacer son précédent album sorti sur le label Château de Versailles Spectacles… Porus, roi des Indes !
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CRITIQUE, opéra. VERSAILLES, Salon d’Hercule, 16 décembre 2024. HANDEL : Sosarme. R. Brès-Feuillet, S. Charles, N. Balducci, E. Pancrazi, G. Nanni… Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles / Marco Angioloni (direction). Toutes les photos (c) Emmanuel Andrieu
AUDIO : Nathalie Stutzmann chante l’air d’Erenice » J’y vais, je vais sur le terrain » tiré de ” Sosarmé » le Haendel