LLe 11 mars 2024, des agriculteurs du syndicat Coordination rurale (CR) déversent des hectolitres de lisier sur le bassin réfléchissant de Bordeaux. Un geste qui avait coûté très cher à la municipalité (plus de 35 000 euros pour le nettoyage et les réparations), mais pourrait-il rapporter gros au CR, partisan des méthodes radicales de lutte, ne craignant pas les dégâts, comme les élections aux chambres d’agriculture ? Cela fait partie de l’enjeu de ce scrutin à tour unique, qui aura lieu le 31 janvier. En Gironde, il permettra de voir si le CR fait une percée ou au contraire s’il recule par rapport aux élections de 2019. .
Curieusement, les élections approchent, les principaux syndicats sont déjà dans les starter blocs, sauf un : le CR ! Alors que les listes doivent être déposées au plus tard le 16 décembre, un certain flou règne chez les casquettes jaunes. « Normalement, nous devons déposer notre liste ce vendredi 13 décembre », précise Vincent Collineau, représentant de la Coordination rurale en Gironde. Pour le moment la liste n’est pas finalisée. Nous avons une dernière assemblée générale jeudi, à Villegouge, nous mettrons les noms en ordre. » Que signifie « normalement » ? Même la tête de liste est inconnue à ce jour. «On n’est pas obligé d’en avoir un, ça pourrait être un groupe représentatif», répond Vincent Collineau.
« Le CR chute »
A la FNSEA, qui détient le CA Gironde depuis de nombreuses années, on ne semble pas trop craindre une montée des radicaux. « La Coordination rurale avait fait 23 % en 2013, puis 13 % en 2019, donc c’est en baisse », rappelle Jean-Samuel Eynard, tête de liste du syndicat majoritaire. Pour nous, la liste est déjà prête, elle sera déposée le 16. Notre priorité est de défendre les agriculteurs et leurs revenus. La situation des vignerons est dramatique en Gironde. Maintenant, je ne suis pas pour casser et détruire. La violence ne résout rien, il faut savoir s’asseoir autour d’une table et discuter. En mettant deux tonnes de lisier sur le bassin réfléchissant, personne n’a compris… »
« Le désastre est gigantesque, nous étions les serviteurs de tout ça. J’ai 40 ans, je ne sais pas si je ferai encore ce métier dans cinq ans »
Du côté de la Confédération paysanne, qui compte trois élus au CA Gironde (25,99 % en 2019), la liste est également prête. Elle est dirigée par le vigneron Vincent L’Amouller, basé au Château de Frédignac, vignoble biologique du Blayais. Il ne craint pas non plus une éventuelle montée de la CR, portée par la colère : « On voit la CR monter au niveau national, au niveau médiatique mais, localement, on ne le voit pas trop, sur la viticulture on ne le voit pas. ne l’entends pas. A la Conf’, nous avons un plan d’action, mais pas sur le même registre : nous essayons d’avancer des idées, de réfléchir à ce qui pourrait améliorer le quotidien des agriculteurs. »
Dissolution du CIVB
L’objectif de la Confédération Paysanne pour ces élections est contenu dans quatre lettres : CIVB. C’est l’acronyme du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux, la toute-puissante association interprofessionnelle de la viticulture. L’ennemi à vaincre, selon Vincent L’Amouller : « Nous sommes en opposition radicale avec le CIVB qui nous a conduit à la faillite. Aujourd’hui, c’est une débâcle générale, même dans les grands vins. Le désastre est gigantesque, nous en avons été les serviteurs. J’ai 40 ans, je ne sais pas si j’exercerai encore ce métier dans cinq ans, même si c’est une opération qui s’étend sur plusieurs générations. »
Seule solution pour la Conf’ : dissoudre le CIVB et organiser une assemblée générale de la viticulture. « Il faut changer cette gouvernance qui nous a conduit dans le mur, qui n’a pas vu venir la crise », poursuit Vincent L’Amouller. Ici, c’est le discours qui est radical, mais le syndicat ne prône pas la force sur le terrain.
Le contexte national est l’autre Source majeure d’inquiétude à l’approche des élections. « L’agriculture implique toujours des pertes et des profits », déplore Jean-Samuel Eynard. Tout dépend du ministre que nous avons, mais les agriculteurs ne peuvent plus attendre. » Pour eux, la vacance du pouvoir au plus haut niveau ne pouvait pas survenir au pire moment, lorsque les paysans reprenaient les manifestations. Et la signature du Mercosur accroît encore leurs inquiétudes.
Viticulture
Le mode de vote dans les chambres d’agriculture vise à amplifier la position du vainqueur. La liste arrivée en tête remporte la moitié des sièges, le reste est réparti proportionnellement. En Gironde, la viticulture représente 80 % de l’activité agricole. Si la FNSEA conserve le CA, Jean-Samuel Eynard marquera le retour d’un président vigneron, après le mandat du céréalier Jean-Louis Dubourg.