Au premier rang, en bordure de l’ex-RN 10 (déclassée en D910 sur ce tronçon) à Sainte-Maure-de-Touraine, elle a vu passer des millions de véhicules. Beaucoup se sont également arrêtés pour faire le plein afin de rejoindre le Sud-Ouest puis l’Espagne.
La station-service a été mise en service en 1956 par le distributeur Ozo, absorbé par le groupe Total dans les années 1960. Sa flèche totémique, haute de près de 11 m, et son vaste auvent lui confèrent une allure américaine et futuriste. Un parti pris de l’architecte Paul Lagneau. « À l’époque, les États-Unis représentaient l’avenir, le futur. J’ai identifié sept gares de ce type en France »» raconte Laurent Carré, passionné de voitures anciennes et auteur d’un livre sur la route nationale 10.
Dans les années 1960, la file de voitures n’était jamais vide (la RN 10 est l’une des plus fréquentées de France), de quoi placer la gare de Sainte-Maure-de-Touraine dans le club des millionnaires, avec plusieurs millions de litres de carburant vendus chacun. année. « Total a récompensé les gérants de ces stations avec des séjours dans de grands hôtels en France et à l’étranger »dit Laurent Carré.
L’ouverture de l’autoroute marque le début de la fin
L’année 1977 et l’ouverture de l’autoroute marquent le début de la fin pour l’établissement qui voit sa fréquentation décliner. Il ferme ses portes en 1982. Il est alors transformé en bureau de vente de voitures d’occasion, puis sa flèche sert d’enseigne au restaurant voisin. Au début des années 2000, avec la fermeture du restaurant, la gare se dégrade.
Labellisé par le Ministère de la Culture
Après dix ans d’abandon, la station-service de Sainte-Maure-de-Touraine reprend vie à l’initiative de Laurent Carré, pour qui il était impossible de laisser le bâtiment à l’abandon. « Alors que la voiture thermique semble condamnée, au même titre que les relais équestres, il y a une signification pédagogique à conserver ce témoignage de la mobilité du 20e siècle, pour le montrer aux générations futures. »
Il a encouragé le maire à protéger l’édifice, symbole des grandes transhumances estivales des Trente Glorieuses, pour éviter sa destruction. En 2016, le ministère de la Culture a décerné à la station le label « architecture contemporaine remarquable ». Avec une équipe de bénévoles, la restauration du site peut commencer.
Grâce à un coup de pouce financier du Conseil départemental, des passionnés ont pu achever les travaux plus rapidement que prévu et l’inaugurer lors des dernières Journées du Patrimoine. De nombreux automobilistes s’arrêtent à la gare. Plutôt pour le plein Sud, mais pour une photo souvenir.
Fan de la marque aux chevrons
Si la station Ozo a retrouvé son aspect d’antan, c’est grâce à Laurent Carré. Ce professeur est passionné de voitures anciennes et particulièrement de Citroën.
« Quand j’étais petite, il y avait un garage Citroën en face de la maison de mes parents, j’y passais beaucoup de -. Mes parents conduisaient une 2 CV, une voiture peu coûteuse et fiable. »
En grandissant, il devient collectionneur et possède aujourd’hui une douzaine de véhicules de la marque aux chevrons. « Quand on s’intéresse aux voitures anciennes, on s’intéresse aussi à ce qui nous entoure : les garages, la route, les stations-service. »
En 2014, il écrit un livre sur l’histoire de Nationale 10, plusieurs fois réédité. Il a fondé l’association Nostal’10 qui regroupe des passionnés.
En plus de restaurer l’ancienne station-service et de se réunir une fois par mois (le troisième dimanche, de mars à octobre), ils organisent tous les deux ans « ça bouge encore à Sainte-Maure ». Le - d’un week-end, les grandes transhumances estivales des années 60 et 70 reprennent vie. Un souvenir où la ville était une étape obligatoire sur la route des vacances.