Cette ancienne enfant de La Creuse retrouve son identité à 61 ans

Cette ancienne enfant de La Creuse retrouve son identité à 61 ans
Cette ancienne enfant de La Creuse retrouve son identité à 61 ans

Aussi loin que ses souvenirs remontent, on l’a appelée Valérie Andanson. Elle grandit avec des parents aimants, à La Brionne près de Guéret dans la Creuse. Une vérité qui s’écroule brutalement. Elle a 16 ans. Dans une armoire, elle trouve un document, qui prouve qu’elle s’appelle Marie-Germaine Périgogne, née à Bois-de-Nèfles Saint-Paul à la Réunion. “Je me suis assise sur le lit et puis j’ai fondu en larmes. Ca a été un tsunami d’émotions intenses, de colère, de rage“. Le mensonge de ses parents est difficile à admettre, à l’adolescence. Elle réalise que, depuis l’âge de 7 ans, elle vit avec une fausse identité.

La jeune Valérie trouve aussi l’explication de tous ses questionnements. Amenée de force dans la Creuse à l’âge de 3 ans, elle fait partie des plus de 2 000 enfants de la Creuse, arrachés à l’île de la Réunion, pour repeupler les campagnes de métropole des années soixante à quatre-vingt. Elle comprend qu’elle croise sans le savoir ses frères et sœurs dans les rues de Guéret.

Sa colère se dirige contre l’Etat français, “complice”, et coupable selon elle d’une “falsification d’état civil”. Si beaucoup d’autres enfants de la Creuse ont eu leur nom modifié, c’est la seule à être née dans la Creuse selon son état civil.

“Une histoire qui dérange”

A 41 ans, elle quitte la métropole pour s’installer sur l’île de la Réunion. “J’avais besoin de comprendre cette adoption, de savoir pourquoi on a changé mon identité”. Elle veut récupérer son acte de naissance. Pour cela, elle se rend une première fois à la mairie de sa commune de naissance, à Bois-de-Nèfles Saint-Paul, munie de sa carte d’identité. On refuse de lui donner le document, sa carte est prescrite, rien ne prouve sa véritable identité. Elle comprend qu’une longue bataille s’annonce.

Pendant six ans, elle enchaine les démarche, les coups de fil. Ses demandes sont rejetées, à la Réunion, comme au tribunal de Guéret. Elle se heurte à l’administration, une double violence. J’ai reçu un mur de verre de cette administration qui a voulu m’effacer complètement de mes origines réunionnaise, raconte-t-elle. La raison pour elle est claire : “c’est une histoire qui dérange, une falsification d’état civil, et des administrations sont impliquées”. L’absence de réponse est dure à vivre. “C’est très violent, psychologiquement. Comment se reconstruire quand on ne sait pas d’où l’on vient ?”, témoigne-t-elle.

Elle n’abandonne pas : elle saisit le défenseur des droits, et va jusqu’à interpeller le Garde des Sceaux en octobre 2023, avec le soutien du Président de la Région Nouvelle-Aquitaine. Tout se débloque après ce rendez-vous. Elle obtient une audience au tribunal de Guéret un mois après, puis le délibéré au mois en février dernier. Son acte de naissance à la Brionne est annulé. Un mois plus tard, un décret du ministère de la justice l’autorise à changer de nom, de prénom et de lieu de naissance. Elle obtient enfin son véritable acte de naissance, en septembre. “C’était un moment d’émotion très fort”, raconte-t-elle.

Réapprendre à vivre avec une

La joie retombée, une nouvelle vie commence, avec sa véritable identité. “Je dois tout changer, toute ma vie, 58 ans après mon exil”. Dans la Creuse, ses parents sont morts depuis longtemps, mais elle s’est demandée si le reste de sa famille accepteraient. “J’avais peur qu’ils ne comprennent pas, mais j’ai eu beaucoup de soutien de leur part et j’en suis extrêmement touchée”, rapporte-t-elle. Certaines personnes ont encore du mal à l’appeler Marie-Germaine. “Ca viendra, ça n’est pas grave. J’ai retrouvé l’essentiel : mon lieu de naissance”, conclue-t-elle.

Son combat identitaire est terminé, mais elle continue à aider les autres Réunionnais de la Creuse, à la tête de la Fédération des enfants déracinés des DROM. Elle espère que son cas fera jurisprudence.

 
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