Par
Jeanne MORCELLET
Publié le
3 décembre 2024 à 9h02
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Aude vient d’Amiens, mais ce n’est vraiment pas grave, car le fromage ne sait pas pas de frontière et depuis son enfance Aude l’apprécie avec enthousiasme.
Normande d’adoption, elle installe pendant 7 ans son premier commerce rue Thiers, face à l’église St-Martin de L’Aigle (Orne). La rue était charmante, certes, mais trop discrète, presque secrète, et les travaux qu’elle subit pendant deux ans provoquent une baisse de la circulation et des affaires.
Déplacer ou arrêter
Bref, à un moment donné, il a fallu choisir, bouger ou s’arrêter. Aude n’a pas mis longtemps à décider quand la nouvelle adresse s’est présentée à elle.
Trois jours pour signer et emménager, pas un de plus ! Maintenant établi placee de la sallesa boutique a une vue dégagée sur le vaste ciel et la jolie place, et la fromagère peut compter sur des amis commerçants et une clientèle très fidèle.
Depuis son ouverture mardi 29 octobre, elle aime toujours autant son métier.
Un travail incroyable et passionnant. Nous échangeons avec les producteurs pour obtenir un fromage plus aillé ou plus paille selon le goût des consommateurs, nous créons du lien avec les clients, de belles histoires et des rencontres se font.
Ses clients rapportent des produits de leurs voyages
Elle affirme : « J’ai la chance de travailler pour des clients très ouverts, avec qui je discute beaucoup, de nouveaux produits, de leurs ressentis et de leurs appréciations, des clients qui m’apportent aussi des petits morceaux de tel ou tel fromage ou tel ou tel produit, comme ces terrines de poissons du Pays Basque par exemple, qu’ils ont particulièrement appréciées pendant leurs vacances et que je peux déguster et sélectionner ensuite.
Faire les plateaux
Aude travaille sur commande. Elle réalise des plateaux de fin de repas avec des fromages entiers. Tel un fleuriste ses bouquets, elle compose ses plateaux selon une idée cardinale : le bon équilibre. Elle prend en compte les envies de ses clients et de ses fidèles avec des créations sur mesure, « un camembert s’ils me le demandent, leurs deux ou trois favoris, une surprise et un grand classique ».
Elle prépare également des plateaux apéritifs, des plateaux de fromages seuls ou de fromages-charcuteries, des apéritifs dînatoires avec petites bouchées supplémentaires, des plateaux de raclette, etc.
Sans terre, pas de prairies, pas de vaches…
Ses connaissances en la matière sont impressionnantes mais comme le fromage est un produit frais, vivant et naturel, son domaine est illimité.
Les saveurs et la texture du fromage changent tellement d’une saison à l’autre, d’une prairie à l’autre, d’un climat à l’autre, d’un - à l’autre.
L’ancien professeur de géographie et d’histoire, très attaché à la notion de terroir et terre, vibre pour l’identité de chaque fromage liée à l’identité et à la géographie d’un territoire.
Car sans terre, pas de prairies et sans prairies pas d’herbivores, pas de vaches, pas de moutons, de chèvres, de buffles. En un mot, pas de fromage, tout ce qui s’appelle fromage.
Le fromage est un produit vivant, frais, fermier ou artisanal, forcément au lait cru, avec une personnalité, un caractère, une identité.
Aude le sait bien, le fromage au lait cru est en train de devenir un produit d’exception et donc « un produit en voie de disparition. Elle est forcément attachée à une pente du terroir, aux précipitations, à l’hygrométrie, au soleil, au vent, à la floraison, à la main du producteur, à ses convictions et à son énergie.
Pourtant, toutes ces particularités qui forment l’identité du fromage sont remises en cause dans une société de plus en plus standardisée, standardisée et prudente.
Standardisation du goût
Le fromage est menacé par la standardisation du goût. Si la réglementation sur le lait cru se renforce encore, il deviendra très difficile de produire du vrai et du bon fromage. On parle beaucoup de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur, et qu’en est-il de l’avenir du fromage au lait cru ?
Aude est inquiète. La quinzaine de producteurs avec lesquels elle travaille possèdent un savoir-faire unique et une expérience irremplaçable.
Au pays du camembert
Fermier et élaboré avec du lait cru « ça ne peut pas être autrement », voire artisanal, le bon camembert a une « jolie croûte fleurie assez régulière, à l’aspect moelleux, moelleux, légèrement cotonneux ». En bouche, il est souple, crémeux mais pas coulant. Il a tendance à s’affaisser, à essayer de se sauver, mais il ne faut pas qu’il se transforme en flaque de lait quand on le coupe. Le camembert reflète le travail de son producteur et est le résultat de ses choix et de ses engagements. « Ample en bouche mais pas épicé, non ammoniaqué, il a une vraie rondeur, mais sans amertume ou une très légère amertume qui ne gêne pas. »
Les produits décalés, atypiques, d’exception qu’elle propose chez Cloches et Sabots « n’existent pas », seulement chez elle.
Le fromage est un produit plaisirelle le revendique.
Lorsqu’il arrive jeune à Aude, il passe par les liens de Haloirs de Neaufles-Auvergny.
Laissez-le vivre sa vie de fromage
A ce moment-là, Aude n’a pas peur de le définir comme “un vrai adolescent, qu’il faut savoir encadrer sans le contrôler complètement”. Le - d’élevage est crucial et fondamental et Aude prend grand soin d’en prendre soin.
Elle s’occupe de son fromage, le dirige un peu, le laisse quand même vivre sa vie de fromage car sinon il ferait ce qu’il veut et puis…
Deux à trois fois par semaine, elle les observera, les surveillera, les contrôlera en douceur. Elle les caresse du regard, les retourne, les entoure d’affection, les sent. L’expert les analyse avec professionnalisme et finesse.
Lorsque le - est orageux ou instable, les fromages réagissent différemment et elle se rend chaque jour à leur chevet.
« Ils sont alors moins stables et plus sensibles. En fonction de la fleur qui se développe, on les brosse, on les sent, on les flatte. Vous devez faire confiance à votre analyse. Le fromage est un produit vivant et naturelil peut être soumis à des aléas de production.
Un fromage, une lecture, un concert
Pendant au moins 10 à 12 jours, elle les éduque et les chouchoute avant de les présenter à ses clients.
On repart d’ici avec du fromage, un conseil de lecture ou une idée de concert. Parce que le fromage est vivant, ancré dans la vraie vie, comme l’art, le vin, la lecture.
Celle qui cherche à élargir les horizons gustatifs de ses clients, leur offre le meilleur si possible, toujours le meilleur », lorsque le fromage vendu a atteint la quintessence de son goût. Quand je ne peux pas aller plus loin en termes de goût.
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