P.Pour Gérard Ventura, il n’y avait pas d’autre choix. Ce véritable pêcheur, figure du port de Royan (17), ne pouvait imaginer d’autre dernière demeure que cette mer qu’il a parcourue toute sa vie. « Il a toujours vécu sur un bateau et a survécu à trois naufrages. Il est là où il devrait être », confie un de ses amis. Décédé en juin dernier, ses cendres étaient dispersées autour du phare de Cordouan. « Nous avons choisi cet emplacement pour avoir un repère visuel depuis la côte », confie sa fille Sandra, qui avoue avoir eu un peu d’appréhension à cette idée. « Mais c’était sa volonté et finalement nous n’avons aucun regret. Nous avons vécu quelque chose de très émouvant. Après la dispersion, une colonie de marsouins est passée juste à côté de nous comme pour l’accompagner dans un dernier adieu. »
La famille Ventura n’est pas la seule à avoir mis le pied sur un bateau ces derniers mois pour vivre les derniers instants avec un proche. Cette pratique funéraire tend à se développer. La Société Nationale de Sauvetage en Mer (SNSM) de Royan, qui le propose, a vu le nombre de demandes exploser. « On est passé d’une moyenne de 30 à 35 sorties par an à plus de 60 en 2024 et l’année n’est pas encore terminée », constate le président de la station Arnaud Gayrin. Depuis seize ans qu’il accompagne des familles en mer, c’est la première fois qu’il constate un tel phénomène. « Nous sommes une zone côtière et beaucoup de gens ont une anecdote ou des souvenirs liés au milieu marin. Ils sont allés se baigner dans tel endroit, ont passé leur enfance sur telle ou telle plage… » Sous l’influence de ces paysages de carte postale, on peut avoir envie de ne faire qu’un avec eux.
Lieux emblématiques
Le jour choisi pour la dispersion, tout le monde embarque sur la vedette rapide 162 « Sieur de Mons ». Direction des sites emblématiques comme l’église de Talmont-sur-Gironde, le Pont du Diable à Saint-Palais-sur-Mer ou le phare de Cordouan mais toujours à plus de 300 mètres de la côte.
Le processus de dispersion est calqué sur ce qui était autrefois pratiqué dans la marine. « Nous avons retrouvé d’anciens documents le relatant et nous avons procédé de la même manière. Lorsque les cendres sont dispersées, la corne de brume retentit pour saluer le défunt avant de faire trois tours autour du lieu de dispersion dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Sans doute pour symboliser un retour dans le -. Au troisième et dernier tour, on fait à nouveau retentir la corne de brume », explique Arnaud Gayrin. Laissez vos proches comme un vieux chien de mer et ressentez une dernière fois les embruns.
Des histoires incroyables, belles ou tristes, marquent parfois ces derniers adieux. Comme ces deux anciens pilotes de chasse des forces aériennes allemande et française qui ont survécu à un affrontement dans le ciel de Royan pendant la Seconde Guerre mondiale et dont les cendres ont été dispersées au même endroit au niveau du monument de la Grande Chaise, au large de la plage de la Grande Côte. à Saint-Palais-sur-Mer.
« Pour faire son deuil, certaines personnes ont besoin d’un lieu de contemplation. Au moment de faire ce choix, cela peut être compliqué”
Le - de la réflexion
La SNSM n’est pas la seule à proposer ce type de service. Des loueurs de bateaux, comme l’agence Pamplemousse by Kapalouest basée à La Rochelle, le font également. « Ce type de soutien n’est pas neutre. Il ne faut pas se laisser envahir par l’émotion et l’équipage doit être là pour accompagner les gens et les rassurer. Chaque histoire est particulière », souligne Anne Colson, l’une des dirigeantes de l’entreprise.
Antoine Solito, directeur de territoire du service funéraire des pompes funèbres générales de Charente-Maritime et des Deux-Sèvres, prévient encore. « Nous conseillons aux familles de prendre le - de la réflexion. Les urnes peuvent être conservées pendant un an au crématorium. Pour faire son deuil, certaines personnes ont besoin d’un lieu de contemplation. Au moment de faire ce choix, cela peut être compliqué. Il faut en discuter au préalable», souligne-t-il. Cependant, des données GPS précises sur le lieu de la dispersion sont fournies aux proches, marquant ainsi l’endroit où les cendres ont été dispersées. Pour l’éternité.
Conditions de dispersion en mer
Avant le jour J, vous devez faire une déclaration à la mairie du lieu de naissance du défunt précisant la date à laquelle la dispersion est prévue et faire une déclaration à la mairie du port d’attache du bateau. Le jour de la dispersion, l’acte de crémation est demandé. En plus de disperser les cendres, il est également possible d’immerger une urne funéraire submersible dont le matériau est biodégradable. Les couronnes de fleurs ne sont pas autorisées. Les pétales oui.