Les filles attirées par la promesse d’un gain facile et rapide n’hésitent plus à prendre les devants et à solliciter directement un proxénète pour « faire le quart » à sa place.
«Cela est clairement lié à la banalisation de l’industrie du sexe», déplore Jenny-Laure Sully, coordinatrice communautaire à la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES).
Photos prises sur Instagram et TikTok
Ainsi, les filles « curieuses » de se lancer dans le travail du sexe, parce qu’elles ont été exposées à une image positive de l’industrie, peuvent en venir d’elles-mêmes à approcher les proxénètes. C’est notamment le cas de Rosalie (témoignage à lire demain), qui a contacté un proxénète alors qu’elle n’avait que… 13 ans.
« Ils pensent que s’ils avancent, ils ont le contrôle. Même si on sait très bien que ce n’est pas ça », explique le lieutenant Annie Bergeron, de l’Escouade intégrée anti-proxénétisme (EILP).
Capture d’écran I
Une entreprise
Une relation d’affaires, présentée comme égalitaire, peut alors s’établir entre la jeune fille et son proxénète. C’est l’une des quatre portes d’entrée dans la prostitution, selon les recherches menées par l’expert René-André Brisebois, de l’Institut universitaire pour jeunes en difficulté (voir ci-dessous).
«Cela devient une nouvelle façon d’accrocher certaines jeunes femmes. « Vous avez votre autonomie, votre indépendance, vous faites une partie des bénéfices, je fais l’autre partie, je gère les clients, les emplacements. Vous faites les clients», illustre-t-il.
Agence photo QMI Gabriel Gervais
Les jeunes hommes approchés sont clairement connus pour être des proxénètes. D’autres, souvent déjà impliqués dans la délinquance, n’ont pas nécessairement envisagé de devenir proxénètes, mais ils peuvent être tentés par l’idée, explique sa collègue Nathalie Gélinas.
« En voyant que la fille se porte volontaire, il n’a pas l’impression de faire quelque chose de mal », explique-t-elle.
Pas des victimes
Les filles qui se lancent dans cette industrie pour faire des affaires sont loin de se considérer comme des victimes. Ils estiment avoir fait un choix et semblent bénéficier d’une certaine immunité face aux conséquences potentielles de l’environnement, notent nos intervenants.
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« Quand on entre dans le décor d’une jeune fille qui ne se sent pas victime, c’est voué à l’échec. On ne pourra pas, dans un court laps de temps, lui faire voir qu’elle est exploitée», affirme Marie-Manon Savard, chef des enquêtes à la Police du Québec (SPVQ), qui estime que ces jeunes filles sont souvent « difficile à approcher ».
Agence photo QMI Gabriel Gervais
Mais la plupart du temps, la notion d’égalité finit par s’effacer.
« C’est éphémère. Au départ, on lui dit qu’elle gardera tous les gains, que nous sommes là pour la sécurité, mais plus tard, elle commencera à payer l’hôtel ou Airbnb, les repas, sa sécurité. Finalement, elle va tout payer et n’aura plus les 50 % qui lui étaient promis», analyse l’inspectrice Marie-Manon Savard, de la police de Québec.
« L’exploitation n’est jamais juste », ajoute le lieutenant Bergeron.
Les quatre A du recrutement
- Pour l’amour: Le proxénète se présente comme un prince charmant auprès de sa proie, qu’il séduit et entraîne à la prostitution.
- Par amitié: Une fille, souvent déjà dans l’industrie du sexe, encourage ses amis à rejoindre l’industrie pour toutes sortes de raisons.
- Pour les affaires: Un partenariat s’établit entre une jeune fille et son proxénète, qui forment une alliance et se partagent les revenus.
- Par arnaque: Quelqu’un est contraint à la prostitution suite à un mensonge. Par exemple, un proxénète peut héberger gratuitement une jeune fugueuse puis, au bout d’un moment, lui demander de prendre des clients pour payer l’hébergement.