La motivation des professionnels de santé dépend également du style de leadership

La motivation des professionnels de santé dépend également du style de leadership
La motivation des professionnels de santé dépend également du style de leadership

Le domaine de la santé en France a connu de nombreuses réformes au cours des dernières décennies en vue de moderniser le service public de santé, de rationaliser les dépenses et d’améliorer l’offre de soins. Il est confronté à de multiples défis : pénurie chronique de ressources financières et humaines spécialisées, nécessité d’une prise en charge globale et multidisciplinaire des cas médicaux complexes, attentes « exigeantes » des patients en termes de qualité et de satisfaction, etc.

Cependant, le secteur de la santé est confronté à un « désenchantement » des différents acteurs, tant patients que soignants, caractérisé par une dégradation des conditions de travail, une diminution continue de l’offre de soins, une tension constante dans le système hospitalier et des injonctions contradictoires qui engendrent un stress professionnel pour le personnel soignant.

Les mécanismes de coordination médico-sociale en santé trouvent leur origine dans les « réseaux de santé » qui se sont développés au début du XXe siècle.e siècle pour faciliter la prise en charge des patients tuberculeux. Au cours des années 1970, des réseaux dédiés à la prise en charge des patients psychiatriques puis des personnes âgées ont émergé. Par la suite, le concept a été étendu à d’autres pathologies (sida, toxicomanie, soins palliatifs, cancérologie, diabète…). Depuis la loi d’organisation et de transformation du système de santé (OTSS) du 24 juillet 2019, des dispositifs d’appui à la coordination (DAC) ont pris le relais des réseaux de santé pour améliorer la prise en charge des personnes cumulant diverses difficultés médicales et médico-sociales et des besoins de santé complexes.

Sources d’autorité

Au sein de ces structures et systèmes de santé, [notre étude] Une étude qualitative réalisée entre 2015 et 2020, auprès d’une cinquantaine d’acteurs des réseaux de santé, nous a amené à analyser le lien entre style de leadership et motivation des personnels de santé. Le leadership fait référence aux notions d’influence et de pouvoir, où il est présenté comme un processus par lequel un individu va influencer l’action d’un groupe pour mieux atteindre ses objectifs.

L’autorité d’un leader peut avoir différentes sources de légitimité traditionnelle, charismatique ou rationnelle-juridique pour reprendre les catégories énoncées par Max Weber. Elle s’appuie sur des ressources formelles mais aussi sur des ressources informelles comme la maîtrise d’un ou plusieurs domaines d’incertitude : les relations avec l’environnement, la maîtrise de l’information, un degré de compétence et/ou le recours à des règles institutionnelles ou organisationnelles, a expliqué Michel Crozier et Edouard Friedberg.

La persistance du pouvoir hiérarchique

Dans le domaine de la santé en France, comme dans l’ensemble du secteur public, le leadership des décideurs institutionnels relève principalement d’un « leadership juridique » lié à une autorité formelle générant un lien de subordination. Sa légitimité et son pouvoir proviennent principalement de sources institutionnelles et du pouvoir hiérarchique. À cela s’ajoutent des normes et des formes organisationnelles pyramidales, centralisées et descendantes, avec des typologies de gestion classiques systématisant l’action et hiérarchisant les relations entre acteurs, selon un principe de « commandement et contrôle ».

Le « leadership de droit » se traduit par un « leadership autoritaire », directif et unilatéral. Les autorités sanitaires telles que l’Agence régionale de santé (ARS) adoptent un style de leadership directif avec les structures et mécanismes de coordination médico-sociale. Les projets de restructuration concernant ces derniers sont construits de manière unilatérale par les autorités sanitaires et s’imposent de manière descendante aux différents acteurs, en tenant compte de l’organisation du système de santé français, ce qui génère chez eux un sentiment d’injonction.

“Avec l’ARS, c’est comme dans l’armée, c’est eux qui décident et nous qui devons obéir sans broncher […] C’est une injonction, ou du moins au sein du réseau, on le voit comme ça !

Reconnaissance par les pairs

Cependant, pour initier avec succès des transformations et restructurations efficaces des organisations de santé, le « leadership de fait » semble mieux adapté que le « leadership de droit ». Le « leadership de fait » émane exclusivement des qualités du leader et de la reconnaissance par les autres de ses caractéristiques les poussant à le suivre volontairement. C’est sa capacité à adopter un style de leadership évolutif, lui permettant de s’adapter à une situation donnée qui va conditionner l’atteinte des objectifs et les résultats d’une organisation. Ce leadership devient donc situationnel. Au-delà des qualités et des traits de personnalité que posséderait une personne lui permettant de se démarquer des autres et de gouverner, c’est son comportement envers les acteurs qui l’entourent qui va lui permettre de s’imposer comme central.


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Au sein d’une organisation, le style de leadership peut certainement être représenté dans un continuum, entre un style autoritaire et un style non directif. Mais la question de la pertinence du style de leadership, en fonction de la « maturité » des acteurs, au sens de Hersey et Blanchard, est en réalité essentielle. N’étant pas définie comme un état d’équilibre atteint par l’individu, mais comme un plein épanouissement physique, intellectuel et émotionnel, la « maturité » d’un acteur est fonction de deux éléments : son niveau de compétences, ses connaissances, ses savoirs-faire et savoir-. comment; et son niveau de motivation, d’énergie qu’il est prêt à utiliser pour réaliser son travail. Quatre niveaux de maturité sont possibles :

  • Un niveau M1 correspond à des individus peu matures, peu compétents, peu motivés : ils ont un faible niveau de compétences pour le poste occupé, ils ont peu ou pas de connaissance des exigences relatives à leur poste et sont peu motivés. Le leader situationnel adopte un style plutôt directif : il prescrit des directives et des instructions précises, prend des décisions, contrôle l’exécution des tâches et les résultats obtenus, ne laisse aucune marge de manœuvre ni d’autonomie ;

  • Un niveau M2 correspond à des individus de maturité moyenne/faible, peu compétents mais motivés : ils maîtrisent un peu mieux les exigences de leur poste, leurs compétences sont faibles mais ils sont motivés. Le leader situationnel adopte un style persuasif : il apporte son soutien, favorise les bonnes relations interpersonnelles, accompagne les raisons et les conséquences des objectifs qu’il s’est fixés de nombreuses explications, encourage l’individu et l’équipe ;

  • Un niveau M3 correspond à des individus de maturité moyenne/haute, peu motivés mais compétents : ils maîtrisent leur poste, connaissent les exigences attendues mais ont un faible niveau de motivation. Le leader situationnel adopte un style participatif : il favorise les échanges d’une équipe compétente mais peu motivée, écoute et prend en compte les avis, cherche à créer une ambiance conviviale ;

  • Un niveau M4 correspond à des individus dotés d’une grande maturité, à la fois compétents et motivés dans leur travail. Le leader situationnel adopte un style délégatif : il n’a pas besoin d’expliquer les objectifs, les tâches à réaliser dans une équipe compétente et motivée. Il la laisse travailler de manière autonome, sans avoir à la contrôler et à la superviser.

L’importance de la situation

Le dirigeant d’une structure ou d’un dispositif de santé a tendance à adopter plusieurs styles de leadership selon les situations, dont un style directif, un style persuasif et parfois un style participatif. Par exemple, le directeur de la structure ou du dispositif de santé adopte un style directif lorsqu’il s’agit de décisions stratégiques ou relatives aux autorités sanitaires : il prend des décisions, prescrit des instructions précises et informe les membres de l’équipe des décisions prises.

« Il est clair que les décisions concernant l’orientation du réseau et ses choix stratégiques dépendent de moi et des présidents du réseau. J’informe l’équipe de nos choix, c’est tout. »

Elle semble très orientée vers la communication lorsqu’il est nécessaire de développer des collaborations avec d’autres organismes de santé du territoire pour améliorer la prise en charge des patients, ou lorsqu’elle cherche à développer des alliances pour améliorer son pouvoir de négociation auprès des autorités sanitaires. tutelles. Son style de leadership se révèle donc convaincant.

« J’ai réussi à négocier avec l’ARS et à les convaincre de nous financer un nouveau poste de médecin. Nous sommes le seul réseau du territoire à disposer d’un poste d’assistante sociale, car j’ai su convaincre les grands patrons de l’ARS.»

Lorsqu’il s’agit de prendre des décisions liées au fonctionnement de l’équipe, le directeur cherche à créer une atmosphère conviviale et encourage les relations interpersonnelles. Il adopte parfois un style participatif.

« On ne peut être dans une démarche participative que si on veut collaborer ensemble. Nous avons créé un groupe de travail commun, avec des gens de là-bas et de chez nous, pour construire des outils communs. »

Des équipes multidisciplinaires

Par ailleurs, le niveau de maturité des salariés des structures et systèmes de santé se situe entre les niveaux M3 et M4. En effet, la composition multidisciplinaire des structures et systèmes de santé et la spécialisation de ses membres font que la compétence dans le domaine de la prise en charge des patients est forte. Le salarié dispose des connaissances, du savoir-faire et du savoir-être nécessaires. Il sait utiliser ses connaissances de base ou son expérience antérieure pour assurer la coordination des soins autour du patient. Sa motivation est généralement forte, en raison du sens qu’il donne à son travail (service au patient et à la société) même s’il peut être freiné par le manque de moyens dont il dispose pour mener à bien sa mission d’aidant.

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Mais sa motivation peut être fragilisée par un sentiment d’incompréhension de son travail, par un conflit avec le directeur de l’organisme ou par les projets de changement continus que lui imposent les autorités sanitaires. Il pense que les autorités sanitaires ne se rendent pas compte de la réalité des besoins sur le terrain et que toutes les tentatives pour les leur expliquer depuis plusieurs années n’ont jamais abouti.

Des évolutions réglementaires complexes à appréhender

Enfin, face aux évolutions réglementaires, aux projets de restructuration et aux expérimentations initiées par les autorités de santé, les salariés d’une structure ou d’un système de coordination sanitaire attendent des informations venant de l’extérieur, notamment du manager. Il faut leur dire ce qu’ils doivent faire.

« Pour tout ce qui concerne les projets de l’ARS, je ne sais pas grand chose, c’est xxxx (directeur) qui s’occupe de ça. Quand il y a quelque chose de nouveau important, il nous l’explique. »

« De toute façon, on ne peut rien y faire, ça ne changera rien. »

Les professionnels de santé de ces structures sont généralement compétents grâce à leur formation. Cependant, leur motivation peut fluctuer : elle sera parfois forte en raison du sens donné à leur travail et parfois faible, en raison du manque de moyens mis à leur disposition, de perceptions d’injonctions paradoxales, voire aussi en raison de conflits avec la stratégie choisie par le directeur de la structure ou du système de coordination sanitaire.

 
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