Les résultats des élections avant 20 heures sont régulièrement publiés sous forme d’estimations. Même s’ils ne sont pas parfaitement fiables, ils donnent parfois lieu à des tendances. A condition de bien les comprendre…
Les journées électorales, comme les législatives de ce dimanche 30 juin, sont rythmées par les horaires des bureaux de vote et quelques grandes étapes : l’annonce de la participation à midi par les services du ministère de l’Intérieur, celle de 17 heures et enfin la publication des premiers résultats à partir de 20 heures. Or, bien souvent, il n’est pas nécessaire d’attendre cette heure fatidique pour avoir des chiffres sur le résultat du scrutin.
La publication des résultats avant 20 heures est en effet courante avant les longues soirées électorales, même si la loi en France interdit strictement toute forme de diffusion concernant l’issue du scrutin, tant qu’un bureau de vote est encore ouvert sur le territoire. Depuis 2017 et l’élection présidentielle de l’époque et malgré une vigilance accrue des autorités, des informations plus ou moins fiables ont circulé abondamment sur les réseaux sociaux lors de chaque scrutin. On se souvient notamment du phénomène « RadioLondres » qui, à l’aide de messages codés et de métaphores souvent humoristiques, a pu donner des indications sur les résultats des scrutins lors des élections précédentes. Des boucles clandestines suffisamment explicites pour suggérer très fortement (mais sans grande fiabilité) l’identité des candidats qualifiés pour le second tour.
Si le hashtag #RadioLondres a perduré et si les posts sur les réseaux sociaux ne convainquent plus grand monde en 2024, il existe des sources encore plus reconnues qui se livrent au jeu des fuites avant 20 heures depuis près de dix ans maintenant et qui devraient continuer pour ces législatives anticipées : les médias francophones étrangers, en Belgique et en Suisse notamment, où les journaux ne sont pas soumis à la loi française. Les articles sur les résultats des élections en France sont en effet légion sur leurs sites internet lors des grands rendez-vous électoraux français.
Quelles sources et méthodes pour les estimations avant 20h ?
Les sources de ces estimations de résultats avant 20 heures sont généralement tenues secrètes par les médias qui les publient et qui ont pourtant pour beaucoup le statut d’institution, comme la Radio-Télévision belge de la Communauté française (RTBF, média public) , de La Libre Belgique, du Soir ou de la Tribune de Genève pour ne citer qu’eux. Si les sondeurs disposent évidemment d’estimations solides dès la fin de l’après-midi, leur permettant de livrer des estimations nationales dès 20 heures sur les grandes chaînes de télévision, la plupart assurent ne pas les communiquer aux médias pirates concernés.
Il est cependant important de comprendre comment ces chiffres sont produits. Les « sondages à la sortie des urnes », qui consistaient à interroger les électeurs toute la journée à la sortie des bureaux de vote, ne sont plus appréciés des sondeurs, car cette méthode, basée sur des déclarations déclaratives, est sujette à des biais. Depuis des années, des instituts utilisent un « vrai » décompte des bulletins dépouillés sur un échantillon jugé représentatif de plusieurs centaines de bureaux de vote en France, dans des petites villes et des villes moyennes, où le vote se termine à 18 heures et où le dépouillement est beaucoup plus précoce et beaucoup plus rapide que dans les grandes villes. C’est à partir de cet échantillon qu’ils réalisent des estimations des résultats (et donc pas des sondages). Ce sont ceux que vous verrez affichés à 20 heures sur les écrans de télévision, avant que les résultats partiels puis définitifs du ministère de l’Intérieur ne prennent le relais.
Ces estimations parviennent-elles d’une manière ou d’une autre aux rédactions belges et suisses avant l’heure officielle ? ? C’est difficile à dire. Ce qui est sûr, c’est que la loi française s’arrête à nos frontières et ne peut empêcher la diffusion des résultats du vote avant 20 heures dans d’autres pays. Les télévisions, radios et presses belges et suisses sont ainsi habituées à la publication anticipée des premiers résultats électoraux, notamment lors des élections présidentielles et législatives. Elles s’empareront probablement au plus vite des premiers chiffres pour le scrutin législatif de 2024, qui s’annonce particulièrement surveillé et dont les résultats sont très attendus, car ils pourraient faire basculer la France dans la cohabitation et même conduire à un gouvernement d’extrême droite.
