Découvrez le sanctuaire du vélo à Dax – .

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Ppour le 4e Étape du Tour de France, reliant Dax à Nogaro le 4 juillet, les coureurs s’affronteront dans un sprint intermédiaire à Labastide-d’Armagnac (Landes). Il y a donc peu de chance qu’ils prennent le temps de descendre de cheval pour saluer un sanctuaire unique en France, dédié à tous les cyclistes et cyclistes. Le Tour a toujours aimé honorer sa propre mémoire. Ce jour-là, le départ de Dax sera un clin d’œil à André Darrigade, le « Lévrier des Landes », le plus vieux champion français encore en vie à 94 ans, dont la statue en cycliste géant trône au rond-point de Narrosse, sa ville natale ; l’arrivée à Nogaro en sera une autre pour l’Espagnol Luis Ocaña, vainqueur il y a cinquante ans de l’édition 1973, venu reprendre une ferme des environs. En 1966, Ocaña se marie à la chapelle Notre-Dame-des-Cyclistes ; en 1994, ses funérailles y ont eu lieu ; ce jour-là, son rival, Eddy Merckx, était l’un des quatre champions à porter son cercueil. Mais cette chapelle, qui n’est dédiée à aucun champion en particulier, appartient à tous les cyclistes exposés aux risques du métier ou de la route et placés sous sa haute protection.

S’il y a une figure à distinguer, ce serait celle du fondateur en soutane de ce sanctuaire, le père Joseph Massie (1912-1999). Un Basque Don Camillo, fils d’un vendeur de vélos, qui faisait rimer vélo avec credo. Nommé chef de la paroisse de Créon-d’Armagnac, c’est lors d’un fort orage l’obligeant à y célébrer l’office qu’il découvre en 1958 cette chapelle appelée Géou, datant du XIIe siècle.et siècle et désaffecté. « Elle était couverte de lierre. Il est allé chercher la clé chez un voisin. Pendant la messe, une idée lui est venue : et si on la dédiait aux cyclistes ? Mais le maire voulait la raser. Quant à l’évêque d’Aire et Dax, il n’a pas voulu contrarier le maire. Alors, le père Massie a enfourché son vélo et a pédalé jusqu’à Rome pour convaincre le pape Jean XXIII de l’aider.nous raconte Ginou, 90 ans, l’un des souvenirs de l’association qui s’occupe du lieu. C’est ainsi qu’en 1959, Notre-Dame-de-la-Visitation a reçu le statut de patronne des cyclistes. A l’époque, il existait déjà un lieu officiel de pèlerinage pour les cyclistes : il se situait en Italie, près du lac de Côme, à la chapelle de la Madonna del Ghisallo, reconnue par le pape Pie XII en 1949. La foi a toujours fait partie des mollets au pays du grand Gino Bartali, dit Gino le Pieux, qui multiplia les actes de piété et sauva des juifs italiens pendant la guerre en opérant à vélo comme agent de liaison. Car un vélo peut aussi sauver des vies. On le découvre au mémorial de Yad Vashem à Jérusalem quand on voit la machine de Marie-Rose Gineste pendue à un plafond. C’est à vélo que le secrétaire de l’évêque de Tarbes distribue la lettre apostolique du 23 août 1942, dans laquelle Mgr Théas s’élève publiquement contre les déportations de Juifs en France menées par le gouvernement du maréchal Pétain.

Lorsque Félix Levitan, alors directeur du Tour, apprend qu’il existe enfin un sanctuaire cycliste, il envoie un télégramme de félicitations au bon abbé et promet de venir le voir. Cela a pris près de trente ans. Entre-temps, des centaines de champions avaient déposé leurs maillots, jaunes ou moins jaunes, à la chapelle. Darrigade fut le premier, suivis de Robic, Bobet, Poulidor, Anquetil, Merckx, Thévenet, Hinault, Jeannie Longo, LeMond… Le 9 juillet 1989, pour célébrer les 30 ans de la chapelle, le Tour s’élance de Labastide-d’Armagnac ; ce jour-là, l’abbé Massie bénit les cavaliers, dont le leader du classement général, l’Américain LeMond, qui lui remit sa toison d’or, que l’homme d’Église revêtit aussitôt. On raconte que Fignon était tellement bouleversé qu’il refusa plus tard, après ce Tour de France qu’il perdit d’un malheureux 8 secondes, d’envoyer un maillot à son tour. Un seul maillot jaune a été retiré de la collection, celui de Lance Armstrong, septuple vainqueur de la Grande Boucle, après avoir été reconnu coupable de dopage. Claude Nadeau, président de l’association, a reçu plusieurs lettres lui demandant s’il en retirerait d’autres, s’il en restait même. Il n’a pas répondu. A l’intérieur de la chapelle, tous ces maillots – près de 900 – ressemblent à de grands ex-voto colorés. Les vitraux ont été réalisés par un célèbre cycliste français, Henry Anglade. Il représente notamment le célèbre duel Poulidor-Anquetil dans le Puy-de-Dôme en 1964. Plusieurs vélos sont exposés, dont le vélo à pignon fixe de Léon Georget, qui y réalisa le premier Tour en 1903. Curiosité : le premier vélo pliant, que les entreprises cyclistes avaient dans les tranchées en 1914. Chaque année, plus de 10 000 cyclistes, dont des pèlerins de Compostelle, s’arrêtent pour prier à Notre-Dame, allument un cierge et confient leurs pédales aux bons soins de la Vierge.

Martyrologie. Depuis 1903, le Tour de France, conçu comme un moment de communion nationale, placé sous le signe de l’énergie et de la souffrance, une célébration de la victoire et une expiation de l’échec, a aussi érigé ses propres sanctuaires profanes. La ferme où Eugène Christophe, en 1913, redressa lui-même sa fourche cassée à Sainte-Marie-de-Campan, dans les Pyrénées. Le ravin de 70 mètres de profondeur, au col de l’Aubisque, d’où fut miraculeusement remonté vivant le Hollandais Wim van Est en 1951. Le rocher du col de Menté, sur lequel Luis Ocaña s’écrasa en 1971, perdant tout espoir de victoire sur Eddy Merckx le Cannibale. Sur une petite route, à Damiatte, dans le Tarn, une stèle résume, avec le laconicisme d’une épitaphe fatale, la malchance de notre Poupou national : “Ici, le 14 juillet 1968, Raymond Poulidor, renversé par une moto, perd toute chance de remporter le Tour de France.” L’année précédente, Tom Simpson était mort en zigzaguant dans la canicule lors de son ascension du dieu chauve, le Ventoux. En 1995, quelques mois après le décès du coureur Fabio Casartelli, un monument est érigé pour honorer la mémoire du coureur italien tombé dans la descente du Col de Portet-d’Aspet. Le Tour a son martyrologe, qui trace une autre carte de France, héroïque, douloureuse, marquée au fer rouge de ses tragiques faits d’armes.

Pour décrire l’épopée estivale qu’offre le Tour, Roland Barthes, en Mythologiesa caractérisé le coureur comme ” etl’homme total aux prises avec une substance de la Nature […] c’est son lien avec la terre qui le définit, souvent dans l’angoisse et l’apocalypse. Parfois surhomme, il surmonte toutes les épreuves. Parfois, il nous rappelle qu’il n’est qu’un homme. Dans cette bataille avec lui-même et avec un paysage à la fois sublime et hostile, il cherche un soutien. Il le trouve dans la préparation scientifique, la solidarité d’équipe, mais aussi dans les rites de superstition ou dans la protection divine à laquelle il confie son sacrifice. Tout est bon à prendre. « Dieu, a déclaré l’abbé Massie, c’est la ligne d’arrivée, un résultat. » Il n’est pas certain que Tadej Pogacar ou Jonas Vingegaard pensent à Dieu en franchissant la ligne, mais les chevaliers de la petite reine, qui se savent vulnérables, se tournent souvent vers le ciel, et pas seulement pour scruter le temps. Hommes-fusées lancés dans les descentes à une vitesse vertigineuse, ils savent que la route peut devenir leur tombeau. En passant devant Notre-Dame-des-Cyclistes le 4 juillet, le Tour réaffirmera la dimension processionnelle d’une caravane aussi colorée que notre époque : il viendra se placer sous sa protection, en espérant que tout se passera bien – mieux du moins que pour Gino Mäder, le grand espoir suisse, décédé le 16 juin au détour d’une route – jusqu’à Paris et ses Champs-Élysées, qui promettent l’éternité aux bienheureux qui arriveront à bon port.

 
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