« La musique perce tous les préjugés »

« La musique perce tous les préjugés »
« La musique perce tous les préjugés »

Il vient de sortir un nouvel album, « Les Trompettes de Michel-Ange », fait participer la rappeuse Sharon Stone, cette grande amie de Quincy Jones, le trompettiste à l’ascension fulgurante, à un concert le 11 juillet au Théâtre de la Mer à Sète au profit de l’association Astrid MRCPI.

Rassurez-nous, vous n’allez pas arrêter la trompette ?

Pas tout de suite en tout cas !

Où en êtes-vous dans votre travail de création avec cet instrument fétiche (à quatre pistons) qui n’était pas votre passion au départ ?

J’ai toujours dit que la trompette est effectivement un instrument qui me permet de faire des choses, de créer un environnement musical qui me plaît, d’exprimer une envie artistique et, d’ailleurs, je joue de plein d’autres instruments, du piano, des claviers, des percussions. Mais ce qui m’intéresse dans la trompette, c’est que c’est un héritage de mon père, qui a une place importante car il me permet de parler toutes mes langues, orientale, jazz, pop, musique classique, etc. J’ai une chance incroyable d’avoir cet instrument entre les mains. Mon père a inventé cette idée il y a plus d’un demi-siècle à propos de la trompette qui permet de jouer toutes les gammes de musiques traditionnelles du monde entier. Il voulait jouer de la musique du Moyen-Orient avec elle, mais sans le savoir, il inventait un pont entre toutes les cultures du Sud et du Nord. Et c’est là que ça devient passionnant.

En réalité, dans la musique celtique, il y a aussi des quarts de ton. C’est un instrument assez fou. Plus je vieillis, plus je suis sage (rires) et plus je me rends compte de la chance que j’ai de jouer de cet instrument. Et donc, je repousse ma date de fin de carrière en tant que trompettiste. Quand j’étais petite, je n’aimais pas du tout ça. J’en jouais parce que mon père m’encourageait beaucoup, pour lui j’étais bonne. Il n’avait pas tort. Quand il m’a présenté au conservatoire de Paris, j’ai été première à 17 ans. J’avais évidemment été dans une bonne école. J’ai suivi mon père et ses conseils. Mais c’est avec le temps, en voyant la richesse de l’instrument que je me suis dit « il y a quelque chose à faire ». Mais je ne me vois pas passer toute ma vie avec. Je n’ai peut-être pas assez de recul, mais je compte vraiment ne pas en jouer du reste de ma vie.

Vous avez rencontré le légendaire musicien Quincy Jones, comment va-t-il avec vous ?

C’est arrivé en 2017. Je n’ai qu’une seule référence, c’est celui qui a bouleversé la culture pop, hip-hop, rap, jazz, voire classique à une époque. C’est le plus grand producteur de l’histoire occidentale moderne, même pour la télévision, pour les séries. C’est une référence à tous points de vue. Quand je l’ai rencontré en 2017 et qu’il m’a demandé d’être mon manager pour les États-Unis, je n’en croyais pas mes oreilles. Pendant toutes ces années, sa gentillesse a été là. Maintenant, il est très vieux. Mais j’ai joué pour son anniversaire (90 ans) au Hollywood Bowl de Los Angeles en 2023. C’était incroyable avec Steevie Wonder, John Legend, etc. C’est une chance incroyable, une sorte de bonne étoile. La première chose qu’il m’a dite, c’est qu’il n’avait jamais entendu une trompette comme ça ! Je lui ai expliqué que c’était mon père qui avait inventé ça. Il m’a dit qu’il n’avait jamais entendu ça avant et qu’il voulait m’encourager et me faire connaître aux États-Unis.

« La valeur humaine de la musique est rarement mise en avant et pourtant c’est la seule chose qui compte »

Vous vous produisez sur les plus grandes scènes du monde. Vous travaillez dans le cinéma, le théâtre, etc. Qu’est-ce qui vous inspire le plus ?

Ce qui me passionne, c’est la musique dans son ensemble. C’est-à-dire ce qu’elle apporte à nos vies, socialement, les messages qu’elle véhicule, les valeurs. En grandissant, c’est toujours ce qui a poussé mon envie de faire de la musique. Cela a commencé par la pratique de l’orchestre. Ce que j’aimais, c’était aller dans un orchestre, passer du temps avec les jeunes de mon âge, les plus âgés, les professeurs qui nous entouraient. Dans cette société-là, je me sentais vraiment intégrée. Je me sentais bien. À l’école, la musique n’avait pas vraiment sa place et je n’étais pas intégrée socialement. J’étais toujours un peu à l’écart. Alors que pratiquer l’orchestre, c’est ce qui m’a permis de me sentir chez moi ici. Je veux dire aussi en France. Je ne parlais pas très bien français quand j’étais petite. C’est la musique qui m’a permis de me sentir incluse et c’est resté. La musique, c’est ce partage. Il n’y a jamais vraiment eu l’idée de carrière, ou de « avec qui tu rêves de jouer », etc. La musique, c’était aussi les moments où j’improvisais avec mes amis, où je composais et où j’écoutais jouer par un orchestre. C’est vraiment ça mon rêve. Peu importe le style, la couleur, quand il y a une découverte d’un autre genre, de valeurs, quand il y a cette chose qui nous lie les uns aux autres. En concert, il arrive que nous partagions des moments qui ne sont pas d’excellence artistique, mais dont la valeur humaine et de partage est avant tout. C’est ce qu’on oublie souvent. On considère souvent la musique soit comme un business, soit comme une excellence. La valeur humaine est rarement mise en avant et pourtant c’est la seule chose qui compte.

« La musique peut sauver le monde, elle l’a fait pour moi »

L’amour inspire une grande partie de votre musique. Peut-il encore changer le monde ?

Puisque je suis un idéaliste, je vous dirai oui. Je sais que beaucoup de gens vous diront que je suis déconnecté de la réalité pour affirmer que la musique va sauver le monde. Mais pour moi, il est évident que c’est la clé de tout. Mais j’y crois aussi parce que dans ma vie personnelle, ça a été le cas. Pour mon père, ma mère, leurs familles, ma sœur, mes enfants. J’ai longtemps été professeur, notamment au conservatoire d’Aubervilliers-La Coureneuve dans le 93. Il y a 20 ans, j’étais professeur dans une ZEP, j’ai vu l’impact positif que la musique a sur nos relations humaines, la façon dont on voit les autres avec nos différences. Je le vois tous les jours dans mes concerts, le regard que les gens me portent, Ibrahim, l’Arabe arrivé comme réfugié de guerre avec mes parents quand nous étions petits. Je vois que la musique perce tous les préjugés, toutes les peurs et crée un lien que je ne vois nulle part ailleurs. C’est pourquoi la musique fait peur à certaines dictatures.

Vous allez monter sur scène au Théâtre de la Mer quatre jours après les élections législatives, vous appréhendez ?

Je l’ignore totalement. J’essaie de ne pas y penser. Je fais mon travail de citoyen. Mais j’essaie de garder la musique à l’écart de tout ça.

Écouter votre musique, ne serait-ce pas le meilleur programme ?

(Rires) Si seulement la politique pouvait être rythmée par l’art. Au lieu d’être le ministère de la Défense ou des Affaires étrangères, si ceux de la Culture et de l’Éducation pouvaient être les portefeuilles les plus importants, comme ce serait mieux ! Comme nous vivrions mieux !

Une soirée au profit des enfants malades avec l’association Astrid MRCPI

Ibrahim Maalouf a déjà sonné sa trompette dans l’agora du Théâtre de la Mer. C’était en 2012.

«Je suis déjà venu ici, j’aime vraiment cet endroit. C’est de la pure poésie. La façon dont il est conçu, la mer derrière. Les souvenirs que j’en ai, c’est que c’est un lieu inspirant, que « ça ressemble à un décorateur de concerts même si c’est un lieu historique ».

Le 11 juillet, il jouera au profit de l’association Astrid MRCPI, fondée par Xavier Giner, qui soutient les familles d’enfants atteints de maladies cardio-pulmonaires infantiles rares. Une invitation que le musicien a évidemment acceptée.

 
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